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Gabriel Laborde : « ce qui m’intéresse le plus, c’est l’évolution des relations entre l’abbé Faria et Edmond Dantès »

 

Auteur de la pièce Les prisonniers du château d’If et acteur jouant le rôle d’Edmond Dantès, Gabriel Laborde explique comment il a décidé de porter à la scène un seul épisode du Comte de Monte-Cristo, tout en restant résolument fidèle au texte du roman.
(interview recueillie le 7 février 2018)

D’où est venue l’idée de faire cette adaptation de Monte-Cristo ?

Je cherchais une pièce à jouer en duo avec un ami. Comme je venais de lire Le comte de Monte-Cristo, j’étais encore dedans, et j’ai eu cette idée de monter sur scène la partie du château d’If. Car ce qui m’intéressait le plus, c’est cette transition d’enfant à homme, plus que la vengeance qui a été traitée plein de fois. Je me suis lancé, j’ai commencé par une version très large de l’histoire, qui devait durer deux heures et demi, mais c’était très compliqué et le projet a tourné court, mais j’avais toujours cette idée.

Plus tard, j’ai rencontré un jeune acteur dont je me suis dit qu’il serait parfait pour jouer l’abbé Faria. Je lui ai proposé et nous avons commencé l’aventure. C’était en 2013. Au départ, nous étions six comédiens. Parce qu’une difficulté de la pièce c’est de marquer le temps qui passe. Les deux personnages Dantès et Faria sont tout le temps sur scène et on ne peut pas se vieillir au fil de la pièce, on n’est pas au cinéma. Il fallait donc intégrer des éléments extérieurs qui eux vieillissent et marquent le passage du temps. Au début il y avait donc deux inspecteurs et deux geôliers. La pièce commençait avec la visite d’un premier inspecteur qui mourrait par la suite, et un deuxième inspecteur arrivait.

Ensuite, on a simplifié tout ça avec un seul inspecteur qui vieillit beaucoup et un geôlier. Il y a finalement deux duos en parallèle. Le duo Dantès et Faria, bien sûr, avec une relation qui évolue : au début ils sont dans un rapport d’inégalité totale avec Dantès un peu fou qui est dans la force, l’injustice, et Faria qui est cultivé, érudit… Mais avec le temps ça s’équilibre un peu, avec Faria qui vieillit et Dantès qui cherche à l’aider. Et il y a aussi par ailleurs la relation entre le geôlier et l’inspecteur où c’est un peu la même évolution. L’inspecteur arrive avec plein de compassion, une volonté d’aider Dantès, alors que le geôlier est plus une brute. Mais ça change avec le temps : l’inspecteur devient de plus en plus méprisant, alors que le geôlier commence à s’habituer et à s’humaniser.

Comment avez-vous écrit le texte de la pièce ?

L’adaptation a été assez simple à réaliser. C’est une partie du roman où il y a beaucoup de dialogues. Ce que je voulais, c’est faire une pièce où il y ait le maximum de textes de Dumas. Donc on a gardé le plus possible de textes du roman, même dans les dialogues avec l’inspecteur et le geôlier. Ce n’est pas toujours possible, bien sûr, mais les dialogues entre Dantès et Faria sont à 95% de Dumas. On a simplifié des tournures de phrases, il y a des petites modifications, parce qu’on ne voulait pas faire un roman, il fallait que ce soit audible, pêchu. Mais on a essayé de s’approprier le texte.

Vous avez donc choisi de vous cantonner au seul épisode du château d’If…

Oui, à l’inverse d’autres adaptations théâtrales de Monte-Cristo, tout se passe au château d’If. L’histoire commence avec l’inspecteur qui vient visiter Dantès qui est enfermé depuis dix-sept mois. Puis on voit Faria arriver dans le cachot, Dantès qui le prend au début pour quelqu’un d’un peu mythomane, avant de découvrir ses outils, son encre, son livre, et de comprendre que c’est quelqu’un d’extraordinaire. Leur relation se développe à partir de ce moment-là et ça va jusqu’à la crise de Faria : Dantès entre dans le sac, le geôlier et un autre viennent prendre le sac, sortent du cachot et ça se termine là. En fait, le cachot est l’unique décor de la pièce et en est presque le personnage principal.

C’est une approche radicalement différente de celle du Comte de Monte-Cristo de Véronique Boutonnet, par exemple (qui traite de tout le roman, comme la plupart des adaptations théâtrales de Monte-Cristo, NDLR), mais ce sont deux approches que je trouve très complémentaires.

Quand on regarde les adaptations au cinéma, cet épisode du château d’If est souvent traité très vite. Alors qu’il y a énormément de choses dans cette partie. Ce qui est très fort, c’est l’évolution de Faria et Dantès, et de leur relation, qui est une relation père/fils et maître/élève. C’est un sujet intemporel, la même histoire pourrait aussi bien se dérouler aujourd’hui. Le thème fondamental, c’est que l’esprit, la relation entre les êtres humains sont plus forts que tout. Le développement de l’esprit, c’est ce qu’il y a de plus important.

En fait, Dantès est le super héros de son époque. Aujourd’hui, on a des super héros qui se font piquer par des araignées et deviennent Spiderman, Dantès, lui, rencontre un maître qui lui forme l’esprit et il ressort de là en étant quasiment un surhomme.

Et puis, plus on joue la pièce, plus on découvre des choses. Il y a des phrases extraordinaires. Par exemple, « on ne peut pas apprendre la philosophie, il y a les sachants et les savants. C’est la mémoire qui fait les uns, c’est la philosophie qui fait les autres ». C’est très fort à jouer.

Tout en restant totalement centrés sur le château d’If, essayez-vous d’introduire d’autres éléments de l’histoire, d’évoquer ce que Dantès fera une fois libre de se venger ?

On parle du passé quand Faria interroge Dantès pour comprendre ce qui s’est passé, par qui il a été dénoncé. Et on évoque l’avenir quand Faria dit à Edmond : « je vous ai insufflé un sentiment qui n’existait pas, la vengeance ». On sait juste qu’il sort de prison en étant polyglotte, cultivé, intelligent et prêt à affronter ses ennemis. On laisse imaginer la suite.

La pièce est-elle compliquée à jouer ?

La complexité, c’est de créer deux espaces presque identiques mais légèrement différents quand même pour les cachots de Dantès et de Faria. Les décors sont extrêmement simples : deux cubes creux pour pouvoir mettre à l’intérieur tout ce qui est ustensiles, les ciseaux, l’encre, les parchemins… On utilise beaucoup les jeux de lumière pour « passer » d’un cachot à l’autre.

On a fait une version qui dure une heure trente-cinq où, après l’introduction, il y a un monologue assez long de Dantès tout seul dans son cachot. Il s’imagine être sur son bateau et voir la mer, décide de se suicider en mourant de faim. Et il y a un autre long monologue de Faria où il raconte l’histoire de son trésor. En fonction de l’endroit où l’on joue, on raccourcit parfois pour arriver à une pièce d’une heure vingt.

Quel accueil du public ?

Les réactions que j’ai sont toutes bonnes. Ceux qui ne connaissent pas l’histoire la découvrent et ont envie de lire la suite, c’est ma plus grande fierté.

Propos recueillis par Patrick de Jacquelot

 

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