*bandeau*

*chapeau*

 

Ecrite en 2002, l’année du bicentenaire d’Alexandre Dumas et de son entrée au Panthéon, cette pièce de théâtre vise à évoquer la personnalité de l’écrivain dans sa vie de tous les jours. Ne faisant intervenir que deux personnages, elle prend la forme d’un dialogue entre Dumas et un intendant-homme à tout faire imaginaire, Gustave.

La scène est approximativement située vers 1850, mais la chronologie réelle n’est pas respectée, l’auteur ayant juxtaposé des éléments de différentes époques.

L’action se déroule sur quelques heures de la vie quotidienne de Dumas. On le voit faire préparer par Gustave un dîner pour sa maîtresse Emilie Cordier (lire extrait ci-dessous), discuter du problème des créanciers qui s’impatientent, aider Gustave – qu’il appelle Planchet – à composer un quatrain amoureux, dîner avec lui, Emilie s’étant décommandée, intriguer d’abord pour aider Gustave dans sa conquête amoureuse de deux jumelles servantes chez Victor Hugo et ensuite pour essayer de « détourner » celles-ci à son profit…

Tout au long de ces menus événements, Dumas soliloque, égrène des souvenirs pour l’édification de son intendant. L’auteur utilise ainsi nombre d’anecdotes et de bons mots tirés des Mémoires de Dumas, depuis le récit de son grand bal jusqu’à la première d’Henri III.

A défaut d’une grande originalité – les anecdotes sont très connues et ont été beaucoup utilisées un peu partout pendant l’année du bicentenaire – Gustave et Alexandre évoque de façon vivante et pleine d’humour la personnalité de Dumas.

Dans un esprit un peu similaire, mais sous la forme d’un roman, voir Le château de Monte-Cristo, de Claude Schopp, livre écrit lui aussi à l’occasion du bicentenaire pour mettre en scène l’écrivain.

Gustave et Alexandre a été représenté pour la première fois le 31 octobre 2002 au Théâtre de la Valette à Ittre, en Belgique.

 

Extrait du premier tableau

ALEXANDRE:
Ah. Le menu!! Planchet, le menu?

Il fouille sur son bureau.

GUSTAVE, off:
Monsieur?

Gustave entre.

ALEXANDRE:
Le menu! Ecoutez ça mon ami! En hors d’œuvre: œufs brouillés aux pointes d’asperges; pour suivre: potage de cailles farcies. En relevé: beefsteak accompagné de haricots au beurre, de carottes à la flamande et de vitelottes à la lyonnaise. Pour les fromages: camembert, coulommiers, chèvre et Chimaille.

Il corrige la copie.

Pour le dessert: coupe de fruits rouges de saison à la crème Chantilly et pépites de chocolat.

Considérant sa carte manuscrite, l’air insatisfait.

Hmmmm. Je crois que nous aurons encore faim.

GUSTAVE:
Je rappelle à Monsieur que Monsieur dîne ce soir en tête à tête avec Mlle Cordier.

ALEXANDRE:
Mais oui. Quel rapport?

Un temps.

GUSTAVE:
Mlle Cordier est une jeune femme légère et délicate.

ALEXANDRE:
Oui.

GUSTAVE:
Elle a à peine dix-neuf ans.

ALEXANDRE:
Oui.

GUSTAVE:
Elle a été élevée dans une grande rigueur de bouche.

ALEXANDRE:
Oui encore. Et alors?!

GUSTAVE:
Alors: un beefsteak pommes de terre et des cailles… à la soupe farcie!

ALEXANDRE:
De la soupe à la caille farcie!

GUSTAVE:
L’intention de Monsieur est bien de séduire cette jeune femme?

ALEXANDRE:
Mais oui. Enfin Gustave, où voulez-vous en venir?

GUSTAVE:
Eh bien, prévoyons quelque chose de plus léger…

ALEXANDRE:
Vous croyez?

GUSTAVE:
Oui. Un repas qui convient mieux aux goûts d’une jeunesse qui surveille sa beauté…

ALEXANDRE:
Ca, c’est vrai…

GUSTAVE:
… et qui tente d’éviter les rondeurs, elle…

ALEXANDRE:
Gustave!

GUSTAVE:
Pardon, Monsieur.

ALEXANDRE, pris tout à coup d’un doute affreux:
Mais quel serait votre menu?

GUSTAVE:
Je n’y ai pas réfléchi.

ALEXANDRE:
Alors, réfléchissez. (Un temps) J’écoute.

GUSTAVE:
Comme ça, à brûle pourpoint… une salade… de tomates.

ALEXANDRE:
De tomates. Et en plat?

GUSTAVE:
En plat?!

ALEXANDRE:
Oui. En plat.

GUSTAVE:
En plat… Quelques dés de concombre.

ALEXANDRE:
En plat??? Quelques dés de concombres! (Un temps) Quoi d’autre?

GUSTAVE:
D’autre? Une… Une… Une darne de cabillaud.

ALEXANDRE:
De cabillaud.

GUSTAVE:
… cuite à l’étuvée…

ALEXANDRE:
A l’étuvée.

GUSTAVE:
… sans sauce…

ALEXANDRE:
Sans sauce…

GUSTAVE:
Pas de féculent…

ALEXANDRE, évident:
Bourratif!

GUSTAVE:
Pour dessert…

ALEXANDRE:
Oui.

GUSTAVE:
S’il en faut…

ALEXANDRE:
Oui.

GUSTAVE:
Une grappe de raisins de Corinthe.

ALEXANDRE, songeur:
De Corinthe.

Suppliant.

Et comme boisson?

Alexandre se fait chat et fait «non» de la tête. Gustave se fait sévère et fait «Oui» de la tête. Alexandre joint les mains en signe de supplication. Gustave répond «non» de la tête à cette supplique.

GUSTAVE:
De l’eau, Monsieur.

ALEXANDRE, hurlant à la mort:
Aï.

Puis, tout à coup, terrible.

Sors d’ici avant que je ne t’étripe, affameur du genre humain! Choléra de la cuisine française! Britannique!

(Photo copyright Jean-François Viot)


 

*bandeau*