*bandeau*

*chapeau*

 

Cette parodie de la version théâtrale de La reine Margot a été jouée pour la première fois le 23 mars 1847 au Théâtre des Folies-Dramatiques, un mois après la première de la pièce de Dumas et Maquet (20 février 1847). Elle s’inscrit dans la tradition bien établie des parodies vite écrites et vite jouées visant à exploiter le succès remporté par une pièce d’auteurs célèbres.

La reine Argot utilise une recette éprouvée: la transposition d’une intrigue mettant en scène famille royale, grands seigneurs et complots politiques dans un milieu populaire. Cri-cri et ses mitrons, par exemple, transposait en 1829 la pièce de Dumas Henri III et sa cour dans un groupe de boulangers. Quant à Batardi, il s’agissait de la transposition de la haute société d’Antony dans un milieu de boutiquiers.

Ici, les rivalités entre catholiques et protestants qui forment la toile de fond de La reine Margot sont remplacées par un affrontement entre lavandiers (les catholiques) et buandiers (les protestants). Henri le Renard (le futur Henri IV) épouse Margot, surnommée la reine Argot à cause de son langage, fille de Charles Lebeuf (Charles IX). Mais il s’agit d’un piège, les lavandiers prévoyant de pourchasser et rosser leurs adversaires commerciaux.

La transposition est totalement au premier degré, au point que l’on en oublie parfois que l’intrigue est censée se passer dans le petit peuple. Aucune surprise, donc, et guère davantage d’humour.

Merci à François Rahier de m'avoir signalé ce texte.


Extrait de l’acte I, premier tableau, scène 1

LARIDELLE.

Que se passe-t-il donc?

LA SOUPIERE.

Regardez dans l'église!

LARIDELLE, regardant à gauche.

C’est Henri le Renard!

LA SOUPIERE.

Il devient le beau-fils
De la Reine au bateau, Catrine Double-Six:
Il épouse Margot, la perle des farceuses,
Elue, au carnaval, reine des blanchisseuses,
Qu’on nomma Reine Argot, pour sa facilité
A parler le jargon dans les ports usité.

LARIDELLE.

Je le sais: notre chef, par son rang, sa fortune,
Charles Lebeuf, enfin, l'adjoint de la commune,
Pour son beau-frère prend son plus grand ennemi,
Bref, il donne Margot au buandier Henri.

LA SOUPIERE.

A ce nouveau venu, dont l'âme audacieuse
Veut réformer ici l'art de la blanchisseuse!
Et qui, bien plus, osa, contre nous protestant,
Au Gros Caillou fonder un établissement!
Pour blanchir, il proscrit le battoir, la potasse,
Plus d'eau, plus de savon... la vapeur le remplace.
Ils se sont décorés du nom de buandiers
Et par dérision nous nomment lavandiers…

LARIDELLE.

Aussi, nous, lavandiers, frustrés de nos pratiques,
Nous saurons nous venger de ces rivaux iniques.

LA SOUPIERE.

Que me dites-vous là?...

LARIDELLE.

Ne devinez vous pas
Qu'on joue avec Henri le rôle de Judas?...

LA SOUPIERE.

Est-iI vrai?

LARIDELLE.

Nous allons ce soir, à coups de gaules,
De tous ces buandiers caresser les épaules.

LA SOUPIERE.

Ça me chatouillera, car si je suis traiteur,
Je joins à mes fourneaux l'état de blanchisseur.
Puissent-ils recevoir leur pile assez complète,
Pour fuir le Gros-Caillou sans tambour ni trompette!

 

*bandeau*