*chapeau*
Dans sa jeunesse, le héros de ce roman a été victime
d’une horrible injustice suite aux machinations de
l’infâme sir Allsmine. Rejeté par tous, il est parti
vivre une vie d’aventures. Un vieux mineur à qui il
avait rendu service lui confie sur son lit de mort un
secret: l’emplacement d’une île du Pacifique qui abrite
des gisements aurifères d’une prodigieuse richesse.
Doté ainsi de moyens illimités, il entreprend de se
venger d’Allsmine. Utilisant déguisements et fausses
identités, il espionne ce personnage, devenu entretemps
chef de la police de l’Empire britannique dans le
Pacifique. Génie scientifique, il se dote d’une flotte
de sous-marins révolutionnaires (nous sommes à la fin du
XIXème siècle) et l’utilise pour saper petit à petit la
puissance d’Allsmine et provoquer sa chute.
Voici une intrigue qui ressemble comme deux gouttes
d’eau à celle de Monte-Cristo… sauf que les
deux romans n'ont rien en commun!
Tout le schéma évoqué ci-dessus est expédié en quelques
pages. Le récit se concentre sur les opérations du
corsaire Triplex, les aventures d’un groupe de ses amis
sous les mers et dans les îles du Pacifique,
l’utilisation des sous-marins contre la flotte
britannique, etc…
On est donc là face à un cas curieux de roman où
l’influence de Monte-Cristo est évidente mais
à titre de simple toile de fond. A partir de là, Paul
d’Ivoi a construit l’un de ses «voyages excentriques»,
dans lequel bien peu de pages évoquent le roman de
Dumas. Le livre s’inscrit beaucoup plus, en fait, dans
la lignée de Jules Verne.
Parfaitement invraisemblable, Corsaire Triplex
est malgré tout amusant par son côté furieusement rétro.
Extrait de la deuxième partie L’île d’Or,
chapitre 7 Le câble sous-marin de Sydney à
Batavia
A ce moment, les sous-marins remontèrent à la surface
de l'Océan, et James, réunissant ses amis sur le dôme,
leur montra au loin un pic qui s'élevait à quatre ou
cinq cents mètres au-dessus du niveau de la mer:
- L'île d'Or, mes amis. Dans une heure vous serez chez
vous!
Les passagers regardaient curieusement cette terre
perdue dans l'immensité du Pacifique, où leur guide
mystérieux avait convié les bâtiments de guerre de la
Grande-Bretagne.
A mesure que l'on s'approchait, les détails devenaient
plus distincts. L'île, amas rocheux agrémenté par
quelques touffes de palmiers, affectait la forme d'un
croissant entre les cornes duquel s'ouvrait une vaste
baie, où les marines du monde eussent tenu à l'aise...
Seulement l'accès de ce havre était peu commode. Un
chapelet de récifs continuait la côte; d'étroites passes
reliaient seules les eaux de la baie avec celles de
l'Océan.
James expliqua ainsi cette curieuse particularité:
- Le cône granitique est dû aux feux souterrains; les
récifs extérieurs aux polypiers entourent le golfe d'un
véritable atoll. Vous savez n'est-ce pas, que l'on
désigne sous ce nom les îles circulaires madréporiques?
Cependant les sous-marins embouquaient la passe
centrale, large de deux cents mètres avec quinze mètres
de fond. A droite et à gauche, sur les rochers à fleur
d'eau, les vagues se brisaient, bouillonnaient, se
creusaient en remous tout blancs d'écume.
Le chenal libre, uni comme un miroir, se dessinait
ainsi qu'une route au milieu des champs. Du reste, nul
écueil ne le rendait dangereux. D'une extrémité à
l'autre, il conservait une largeur et une profondeur
régulières. C'est là un phénomène fréquent; les
polypiers établissent, lorsqu'il leur plaît, des
alignements aussi parfaits que les fonctionnaires des
Ponts et Chaussées.
Maintenant les bateaux se trouvaient dans la baie.
- Mes amis, dit alors James Pack, je dois vous prier de
rentrer dans mon navire, car il va s'immerger de
nouveau.
- S'immerger, s'écria le journaliste, et pourquoi?
- Parce que l'entrée de ma demeure est sous les eaux,
tout simplement.
- L'entrée...?
- Oui. L'île d'Or, de même que celle de Ténériffe, est
un volcan éteint. Elle forme une suite de cavernes où la
lave bouillonnait autrefois. Un jour une fissure s'est
produite, l'eau de la mer s'est précipitée; une lutte
terrible a eu lieu entre les deux éléments. Le feu a été
vaincu, et à la place où étincelaient les matières en
fusion s'étend un lac intérieur. C'est là que la nature
m'avait ménagé un refuge, là qu'elle avait préparé les
filons d'or dont un pauvre mineur m'indiqua le gisement.
C'est là qu'elle avait accumulé un trésor inépuisable,
pour me permettre de mener à bien une œuvre de justice.
|