*bandeau*

*chapeau*

 

Ce «thriller» de grande consommation est directement inspiré du Comte de Monte-Cristo, du moins dans sa première moitié. Mais un comte de Monte-Cristo dont la personnalité est largement inversée...

L'Edmond Dantès de Sheldon est en effet une jeune femme. Tracy Whitney est ravissante, réussit fort bien dans son métier de banquière à Philadelphie, et est fiancée à l'héritier d'une des plus vieilles familles de la ville. Mais peu avant son mariage, sa vie bascule avec le suicide de sa mère qui, veuve, dirigeait l'entreprise familiale à la Nouvelle-Orléans. Tracy apprend que sa mère a été victime de la mafia locale: elle a cru faire une bonne affaire en vendant son entreprise pour un prix élevé, mais a en fait été l'objet d'une escroquerie. Dépouillée de tout et criblée de dettes, elle a préféré le suicide.

Désireuse de se venger, Tracy se rend chez l'homme d'affaires qui a roulé sa mère: il tente de la violer et, dans la bagarre qui s'ensuit, elle le blesse. Du coup, il la fait arrêter pour tentative de meurtre et l'accuse de lui avoir volé un tableau de grand prix (cette fausse accusation lui permet de dissimuler une escroquerie à l'assurance).

L'avocat de Tracy lui affirme qu'il a passé un accord avec le juge local: si elle plaide coupable, elle n'aura qu'une peine avec sursis et sera libérée. Lui faisant confiance, elle accepte. Bien mal lui en prend: l'avocat et le juge sont, comme l'homme d'affaires, à la solde du parrain de la Nouvelle-Orléans: elle se retrouve condamnée à quinze ans de prison...

Son arrivée au pénitencier est une descente aux enfers: violences sexuelles, promiscuité, rien n'est épargné à cette jeune fille de bonne famille. La violence même de cette expérience lui permet cependant de découvrir en elle des forces cachées. Elle s'adapte tant bien que mal, trouve une chef de gang protectrice. Chargée par le directeur de la prison de s'occuper de sa petite fille, Tracy sauve la vie de cette dernière qui était en train de se noyer. Ce qui lui vaut d'être graciée après quelques mois de séjour au pénitencier.

Une fois sortie, Tracy entreprend de se venger. Son séjour en prison lui a appris toutes sortes de techniques criminelles et lui a donné des relations. Elle utilise tout cela pour tendre des pièges à ses persécuteurs. Grâce à sa connaissance des procédures bancaires, elle fait virer sur le compte de l'homme d'affaires qui a dépouillé sa mère de nombreuses sommes d'argent et le fait savoir au parrain de la mafia. Persuadé que son adjoint travaille pour son propre compte, il le fait assassiner. Elle discrédite de même l'avocat vendu, fait passer le juge pour un espion, etc...

Sa vengeance accomplie, Tracy aspire à retrouver une vie normale. Elle n'a plus ni famille, ni fiancé, ni le moindre argent. Mais elle réalise vite que sa réinsertion ne va pas de soi: son casier judiciaire la fait rejeter de partout. Au point qu'elle finit par accepter de mener à bien des cambriolages pour le compte de bijoutiers qui la renseignent sur leurs clients, leurs collections et leurs moyens de protection.

Acceptées au départ à contre-cœur, pour ne pas mourir de faim, ces missions finissent par enthousiasmer Tracy, qui se découvre des trésors de sang-froid et d'ingéniosité.

Dès lors, elle devient cambrioleuse et escroc de haut vol, multipliant dans le monde entier les exploits de plus en plus spectaculaires, jusqu'au vol d'un Goya en plein Musée du Prado, à Madrid... Traquée par toutes les polices du monde, Tracy, qui maîtrise à la perfection l'art de changer d'identité, leur échappe systématiquement et se retire, fortune faite. Tout au long de sa carrière criminelle, elle aura cependant toujours choisi ses victimes parmi les riches corrompus et malhonnêtes, se comportant en une sorte de Robin des Bois moderne et se vengeant ainsi de la société qui l'a rejetée.

Si la deuxième moitié du livre s'en éloigne considérablement, la première découle directement du Comte de Monte-Cristo. Avec quelques sérieuses variations: il n'y a pas d'abbé Faria pour Tracy, ni de trésor. Les épreuves lui font découvrir les ressources qu'elle porte en elle, et si elle se trouve finalement très riche, c'est grâce à son «travail» et à son ingéniosité.

Par rapport au héros de Dumas, le principal intérêt du livre tient au retournement infligé à celui-ci: Edmond Dantès au féminin, prouvant sa toute puissance dans le crime - fût-ce sans violence et sans méchanceté.

Ecrit pour une lecture rapide, le livre est bien éloigné de la grande littérature mais est plaisant. La succession des escroqueries de plus en plus ingénieuses, dans la deuxième moitié, est en particulier fort amusante.

Signalons par ailleurs que Sheldon s’est inspiré de Monte-Cristo dans d’autres livres. C’est le cas de la première partie de Master of the game, qui raconte l’histoire d’un jeune Ecossais, Jamie McGregor, parti en Afrique du Sud à la fin du 19ème siècle pour chercher des diamants. Quand il tombe sur un filon exceptionnel, il se fait escroquer par un potentat local et quasiment tuer par ses hommes de main. Il monte alors toute une opération pour voler une quantité considérable de diamants à son ennemi. Devenu richissime et méconnaissable à cause des épreuves subies, il se venge de ce dernier en séduisant et déshonorant sa fille et en l’acculant à la ruine. Le suite du roman raconte l’histoire de la dynastie industrielle créée par Jamie.   

 

Extrait de la première partie, chapitre 3

She was not permitted to make any phone calls before she was returned to the courtroom. Ed Topper stood on one side of her, and Perry Pope on the other. Seated on the bench was a distinguished-looking man in his fifties, with a smooth, unlined face and thick, styled hair.

Judge Henry Lawrence said to Tracy, 'The court has been informed that the defendant wishes to change her plea from not guilty to guilty. Is that correct?'

'Yes, Your Honour.'

'Are all parties in agreement?'

Perry Pope nodded. 'Yes, Your Honour.'

'The state agrees, Your Honour,' the district attorney said.

Judge Lawrence sat there in silence for a long moment. Then he leaned forward and looked into Tracy's eyes. 'One of the reasons this great country of ours is in such pitiful shape is that the streets are crawling with vermin who think they can get away with anything. People who laugh at the law. Some judicial systems in this country coddle criminals. Well, in Louisiana, we don't believe in that. When, during the commission of felony, someone tries to kill in cold blood, we believe that that person should be properly punished.'

Tracy began to feel the first stirrings of panic. She turned to look at Perry Pope. His eyes were fixed on the judge.

'The defendant has admitted that she attempted to murder one of the outstanding citizens of this community - a man noted for his philanthropy and good works. The defendant shot him while in the act of stealing an art object worth half a million dollars.' His voice grew harsher. 'Well, this court is going to see to it that you don't get to enjoy that money - not for the next fifteen years, because for the next fifteen years you're going to be incarcerated in the Southern Louisiana Penitentiary for Women.'

Tracy felt the courtroom begin to spin. Some horrible joke was being played. The judge was an actor typecast for the part, but he was reading the wrong lines. He was not supposed to say any of those things. She turned to explain that to Perry Pope, but his eyes were averted. He was juggling papers in his briefcase, and for the first time, Tracy noticed that his fingernails were bitten to the quick. Judge Lawrence had risen and was gathering up his notes. Tracy stood there, numb, unable to comprehend what was happening to her.

A bailiff stepped to Tracy's side and took her arm. 'Come along,' he said.

'No,' Tracy cried. 'No, please!' She locked up at the judge. 'There's been a terrible mistake, Your Honour. I -'

And as she felt the bailiff's grip tighten on her arm, Tracy realised there had been no mistake. She had been tricked They were going to destroy her.

Just as they had destroyed her mother.


*bandeau*