*bandeau*


*chapeau*

 

 

La parution en 2009 de Pride and prejudice and zombies a créé un mini genre au sein de l’ensemble des parodies littéraires. Ce roman de Seth Grahame-Smith reprend pour l’essentiel le texte du chef d’œuvre de Jane Austen en y ajoutant de nombreux ingrédients de roman fantastique. La campagne anglaise est infestée de zombies, les jeunes filles de la bonne société apprennent les techniques ninja pour se défendre contre les « non morts », la quête acharnée de leurs parents pour leur trouver des maris répond au besoin d’avoir des protecteurs, etc. Les maisons de campagne ne sont pas à l’abri d’attaques de zombies tandis que la ville de Londres est entièrement fortifiée. Toute l’habileté de l’auteur tient au fait qu’il insère ces éléments fantastiques en respectant largement l’original : environ 85% du texte de Pride and prejudice and zombies sont de Jane Austen et 15% de Seth Grahame-Smith.

Surprenant et très bien réalisé, ce livre a eu beaucoup de succès… et a inévitablement suscité des imitations comme Sense and sensibility and seamonsters, Abraham Lincoln, vampire hunter ou encore Android Karenina.

Rien d’étonnant si à la suite de ces romans « mashup », selon le terme anglais, se soient ajoutées des reprises des œuvres de Dumas. En l’occurrence The Three Musketeers with Zombies, The mummy of Monte Cristo et The Vampire Count of Monte Cristo. Bien évidemment, s’agissant de romans qui imitent une formule imaginée par quelqu’un d’autre, on s’attend au pire et dans le cas de la rencontre entre les mousquetaires et les zombies, on n'est pas déçu. Mais ce Monte-Cristo version vampire se révèle être une excellente surprise (et la « momie » de Monte-Cristo encore plus).

Inutile de résumer l’intrigue puisqu’elle reprend très exactement celle de Dumas. Comme dans Pride and prejudice and zombies, une très grande partie du texte est celui d’origine et le livre arbore d’ailleurs la double signature de Dumas et de Matthew Baugh. Les seules modifications importantes tiennent à la volonté de raccourcir le roman : le personnage de Caderousse disparaît, ainsi que, par exemple, les scènes situées à Rome.

L’injection d’éléments fantastiques commence avec l’abbé Faria. La gamme inépuisable de ses connaissances inclut les sciences occultes. Il évoque l’esprit du père d’Edmond Dantès et c’est celui-ci (et non Faria) qui révèle au prisonnier le nom des responsables de ses malheurs. Faria lui enseigne l’art de convoquer des esprits puissants : l’ange du Savoir, l’ange de la Guérison, l’ange de la Vengeance… L’abbé supplie Dantès de ne pas appeler ce dernier, Zathael, car l’ange de la Vengeance pourrait bien être un avatar de Satan et Faria craint pour l’âme de son ami.

Dantès promet mais, à la mort de l’abbé, la tentation est trop forte : il convoque Zathael. Ce dernier lui donne les pouvoirs dont il a besoin pour se venger lui-même de ses ennemis. En échange, Dantès donne sa vie et son âme : il devient un vampire, à la fois « plus et moins qu’un humain ».

Quant il arrive à Paris sous l’identité du comte de Monte-Cristo, son étrangeté frappe tous les esprits : on ne le voit guère que durant les soirées et la nuit, il ne mange ni ne boit jamais en public, ses capacités tant physiques qu’intellectuelles semblent surhumaines. A tel point que dans ce monde où le surnaturel est accepté par beaucoup de gens, la rumeur que Monte-Cristo pourrait bien être un vampire est répandue. Ce qui ne suffit pas à détourner de lui les hommes et les femmes, tous fascinés par sa prestance, sa fortune et le mystère qui l’entoure.

Sa vengeance se déroule exactement comme dans le roman de Dumas avec l’ajout d’éléments fantastiques chaque fois que cela s’y prête. Chez Dumas la femme de Villefort, folle d’ambition pour son fils Edouard, se fait donner par Monte-Cristo le secret d’un poison mortel dont elle se sert pour assassiner la famille de son mari. Dans la version fantastique, elle demande au comte de faire d’elle une vampire : il accepte et dès lors elle tue les membres de la famille en buvant leur sang petit à petit. Chez Dumas, Benedetto est l’enfant illégitime de la baronne Danglars et de Villefort, que ce dernier a cru tuer à la naissance mais qui a échappé à la mort par miracle pour revenir des années plus tard causer la chute de son père. Dans The Vampire Count of Monte Cristo, le bébé est réellement mort et c’est une sorte d’ectoplasme évoqué par le comte qui vient « hanter » Villefort. Chez Dumas, le vieux Noirtier est cloué dans un fauteuil, incapable de communiquer sauf en clignant d’un œil. Ici, il est effectivement mort et communique comme tous les esprits frappeurs en donnant des coups dans sa chambre…

 

La réussite de ce roman tient au fait que l’injection d’éléments fantastiques est réalisée avec finesse. Pas d’hémoglobine ni de Grand-Guignol mais des distorsions du roman d’origine là où cela semble presque naturel.

L’exemple le plus évident est celui de Monte-Cristo lui même. Chez Dumas, la dimension de quasi surhomme qu’atteint Monte-Cristo est une composante fondamentale du roman, autant que l’histoire de vengeance. Mais cette transformation d’un simple marin en personnage omniscient, maîtrisant toutes les langues, toutes les disciplines scientifiques, l’art du déguisement, se battant mieux que quiconque, etc., demeure mystérieuse : elle ne peut résulter simplement de la possession d’une fortune colossale. Si l’on admet que Monte-Cristo est un vampire, tout s’explique… Et l’idée passe d’autant plus facilement que chez Dumas déjà le comte est « différent » : il ne mange et ne boit presque pas, il se montre la plupart du temps d’une extrême froideur, il inspire un mélange de fascination et de crainte, etc.

Plus généralement, comme on l’a vu, le fantastique n’intervient que quand il peut se glisser de façon relativement « naturelle ». L’auteur y parvient bien même si le succès n’est pas toujours complet : le fait que le procureur du roi Villefort aille couramment s’entretenir avec son père décédé dans la chambre de ce dernier ne sonne quand même pas très juste. C’est en tout cas là la clé de la réussite d’un bon roman « mashup », qui doit s’écarter le moins possible de son modèle. L’auteur s’offre d’ailleurs le luxe, à l’occasion, d’utiliser le surnaturel pour remédier à des invraisemblances de Dumas. Quand Dantès raconte à Faria les circonstances de son arrestation, l’abbé devine instantanément, dans la version originale, ce qui s’est réellement passé. Dans la version fantastique, il constate qu’il n’a pas les informations nécessaires pour comprendre et appelle les esprits pour se faire éclairer.

The Vampire Count of Monte Cristo apparaît au final comme une réjouissante relecture du chef d’œuvre de Dumas sous un prisme bien particulier.

 

Extrait du chapitre 29

"You seem to be an expert on occult matters," (Madame de Villefort) said, moving close to the Count. "Tell me more, especially about the vampire."

"There are many stories, Madame. Is there one in particular you would like to hear?"

"I am most curious about the idea that these creatures can remain eternally young and beautiful," she said.

"Ah," the Count replied, "there is the case of the Countess Elisabeth Bathory of Hungary. She believed that bathing in the blood of virgin girls would do this for her.”

"And was she right?"

"We shall never know, Madame, for her subjects were horrified by the many lives she took and bricked her in a room to die. Many say that she was a true vampire, though I doubt it."

"Why so?"

“Because of the number of her victims, Madame. The true vampire does not kill so many to sustain itself, else it would never survive undetected among men. If she had been cleverer she would have taken only a small measure of each girl's blood, obtaining what she needed without killing any of them."

"But if she needed enough to bathe in…"

"Wealth and title can make people overlook many things, Madame. Surely a woman as wise as you in the ways of the world must know that."

"Count, you talk as if you believe she knew the secret."

"No, Madame," he replied. "The Countess was deluded; the blood of others is essential to the process but the idea of bathing in it is absurd."

Madame de Villefort leaned forward, her eyes gleaming with hunger and lowered her voice to a whisper. "Do you know the method, Monsieur Count?"

"You have quite an imagination, Madame," Monte Cristo said, laughing. "One would almost think you believe that I am one of these creatures, going forth by night to drink the blood of the living."

"Why not?" she said, her voice almost a purr. "But you, who saved me and my son from death, are no monster. If you were a vampire I would count it a good thing, for what are the lives of a few of the common rabble compared to such a wise and splendid man? They should count themselves fortunate to have extended your life."

The count smiled his unreadable smile and Madame de Villefort felt a shudder of excitement which began in her breast and moved down her spine.

"Madame, you speak like a true aristocrat," he said.

"Do you mock me, Monsieur?" she asked, pouting and moving a little closer.

"Certainly not, Madame," the Count said. "I think you are an enlightened woman to speak your thoughts so boldly."

"Shall I tell you my other thoughts?" she asked, placing her hand on his arm.

"Of course."

"You possess a presence about you, a force that I have not felt in any other man. I can easily believe that you are deathless, that you will move through the centuries as vital and magnetic as you are now."

"You have a wonderful imagination, Madame."

"Do not deny it," Madame de Villefort said gazing into his eyes. "You really do possess the secret of eternal youth!"

"And what if I do? Why should one as young and lovely as you need such a secret?"

"I thank you for your gallantry, Count, but I am thirty-six, and no woman's beauty lasts long beyond that. If you have this secret, share it with me, I pray. I would give anything to keep my beauty and vitality for all time."

"Anything, Madame?" the Count asked.

Her breath caught and a smile appeared on her perfect lips. "Anything!

"This is against my better judgment, I warn you," the Count said.

"Then you will help me?"

"Madame, I have no desire to see such beauty fade."

"How is it done?"

"How is anything done with the vampire except by blood?"

She gasped and raised her hand to her pale throat. The Count stepped toward her and Madam de Villefort, her eyes locked on his with the sort of fascination that a canary has for a snake, backed away until she came up against the wall.

The Count caught her hand and drew it away from her neck. His cold fingers held her wrist gently but she could sense the strength in them. He brushed his fingertips down her throat, pausing where the pulse was strongest.

"Please," Madame de Villefort whispered. "Please do not mark my throat."

Monte Cristo laughed softly. "At the precipice of life and death, and this is what she asks? Do not worry, Madame, the mark fades quickly; but since you are concerned…"

His hand dipped from her throat to the shoulder of her gown and, with a swift motion, tore it away, baring her arm. She gasped and used her free hand to hold the tattered dress to her bosom but offered no other resistance.

The Count placed the tip of his thumb against the softness of her shoulder and Madame de Villefort noticed for the first time how long and sharp the nail was. There was a stab of pain as it pierced her flesh and she gave a little cry; then Monte Cristo bent his mouth to the wound and the pain vanished, to be replaced by languorous warmth that spread through her body. Her breathing came rapidly and she pressed herself hard against the Count‘s cold form.

After several long moments he withdrew his mouth and the warmth that had filled Madame de Villefort was replaced with a feeling of weakness. She would have collapsed had not the Count supported her to a divan where she reclined in a half-faint. The Count then removed his suit coat and rolled up his shirt sleeve. Using his nail, he opened a vein in his arm and offered the wounded limb to her.

The sight repulsed her and she turned her face away, but the Count forced his bleeding arm to her mouth. Once she tasted the blood, a change came over Madame de Villefort. Her body tingled with pleasure as new strength filled her and she clung to the Count‘s arm, greedily sucking his blood until he shoved her away roughly.

"Madame, it seems you have an admirable lust for life," he said, smiling enigmatically.


 

 

 

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