*bandeau*

*chapeau*

 

Situé pendant la régence d'Anne d'Autriche, cet épisode voit d'Artagnan évoluer au milieu des complots qui agitent la Cour. Dans l'intrigue principale, il vole au secours de la reine qui est menacée par un maître chanteur: des lettres compromettantes écrites par Anne d'Autriche à Mazarin ont disparu et il s'agit de les retrouver. Un schéma qui évoque bien sûr l'intervention de d'Artagnan dans l'affaire des ferrets de la reine, dans Les trois mousquetaires.

A défaut d'une intrigue originale, le récit est bien écrit. Parmi les différents personnages réels habilement mis en scène par l'auteur, relevons l'arrivée à Paris d'un jeune Italien, musicien surdoué, un certain Lulli...

Extrait du chapitre 1

D'Artagnan sortit du Palais Cardinal au moment même où, du haut de sa tour, Saint-Germain l'Auxerrois annonçait l'heure onzième du soir aux rares Parisiens qui ne fussent pas encore endormis.

La pluie l'assaillit furieusement, poussée par un vent aigre qui faillit lui enlever son feutre et, manquant cette malice, se contenta de lui doucher le visage.

Charles de Batz de Castelmore, lieutenant aux Mousquetaires du Roi -- et qui se faisait plus communément nommer d'Artagnan, pour ne prêter point à confusion avec son frère aîné Paul de Batz, blessé au siège de la Rochelle et déjà parvenu à un grade éminent -- d'Artagnan donc lança un merveilleux juron. Il se souvint qu'il avait, fort à propos, ma foi, renvoyé son cheval en arrivant au Palais Cardinal. Serrant son manteau contre son corps, le lieutenant s'élança dans la rue, avec une énergie où perçait la plus méchante humeur.

Chemin faisant -- et le trajet n'était pas des plus courts du Palais, proche le Louvre, au logis du mousquetaire dans la rue de l'Hirondelle au-delà du Grand-Châtelet -- d'Artagnan songea que si, jusqu'à ce vilain soir de mars 1645, il avait pu considérer son sort d'officier comme une destinée particulièrement enviable, à ce coup il fallait déchanter. Le congé qu'il venait de recevoir par la bouche même de Mazarin lui revint à l'esprit et remua sa bile.

-- Mordious! jura-t-il à nouveau en trébuchant dans le ruisseau et en recevant sur le dos la cataracte d'une gouttière trop pleine, mordious! nous finirons par nous brouiller, monsieur le Cardinal, si vous devez renouveler une seule fois la petite plaisanterie de ce soir... Comment! en qualité de courrier secret et extraordinaire, je viens de crever je ne sais combien de chevaux sur toutes les routes d'Europe; j'ai oublié, pendant des mois, la douceur du sommeil entre deux draps fins et légers; en un mot, j'ai accompli mon service, obscur mais combien dangereux, tout cela pour m'entendre dire: «C'est bien! moussou d'Artagnan. Prenez du repos à présent... Nous songerons à vous quand il y aura des coups à recevoir et des missions discrètes à remplir.» Sandis! mons Mazarin, vous mériteriez qu'on vous plantât là, car vous êtes un bien mauvais maître. Je vois bien que l'heure est venue de regretter ce beau siège d'Arras où je fis mes premières armes, voici cinq ans, quand l'armée me vit recevoir en dehors de la tranchée monsieur de Cyrano blessé... et puis la campagne de Catalogne... Ah! la guerre! la guerre!... Comme il est plus facile de gagner des galons en une minute sur le champ de bataille que pendant des années dans les antichambres du Palais Cardinal... Oui mordious! j'enrage et je me sens fait, à trente ans, pour accomplir d'autres exploits que des chevauchées sans gloire et sans avenir... Ainsi, monsieur Mazarin, faites encore une faute comme celle d'aujourd'hui et vous verrez si ce sot de d'Artagnan n'est pas capable de se pousser lui-même vers la fortune.


 

 

*bandeau*