*chapeau*
Exemple typique, parmi de nombreux autres, de livre prétendant
raconter la vie du «vrai» d'Artagnan,
mais le faisant de façon à peu
près aussi romancée et fantaisiste que Dumas - l'imagination
et le talent en moins, bien sûr.
En l'occurrence, l'auteur de cet ouvrage destiné à la jeunesse
affirme lui-même, dans son avant-propos, qu'il laisse «à la
réalité et à la tradition romanesque la part qui leur
revient». Il en résulte une succession décousue d'anecdotes
dont l'altercation à l'auberge de Saint-Dyé, où d'Artagnan
se fait un ennemi pour la vie du sieur de Rosnay, la rencontre avec les
trois mousquetaires Portau, Aramitz et Athos, le siège d'Arras,
l'enlèvement
d'une jolie aubergiste, etc...
A noter: une assez longue scène sur l'amitié entre d'Artagnan
et Cyrano de Bergerac - ce qui relativise, là encore, les ambitions «historiques» de
l'ouvrage.
Agréablement écrit, ce roman ne présente donc aucun
intérêt. A une exception près: les nombreuses illustrations,
en couleurs ou en noir et blanc, qui ne manquent pas de charme.
Extrait du chapitre 6 Le siège d'Arras
Les
bombes surtout étaient redoutées. C'étaient des
sphères de fonte emplies de poudre et munies d'une mèche
qu'on allumait au départ. Cette mèche brûlait rapidement,
mettait le feu à la poudre qui faisait explosion et projetait au
loin des morceaux de fonte brisée, provoquant des blessures difficiles à guérir.
Un jour que d'Artagnan et Cyrano, escortés de quelques hommes, observaient
de loin les positions ennemies, un de ces projectiles tomba presque à leurs
pieds. Il y eut un sauve-qui-peut général autour d'eux, seule
tactique à adopter en pareil cas. Bondissant pour se mettre à l'abri,
Cyrano de Bergerac glissa dans la boue et s'étala de tout son long à quelques
pas de la bombe, dont la mèche allumée n'était déjà plus
qu'un imperceptible point blanc.
D'Artagnan bondit par-dessus le corps de son camarade et saisit la bombe à pleines
mains, au risque d'être déchiqueté par l'explosion.
Il eut le temps d'arracher le mince fragment de cordeau enflammé qui
dépassait de l'engin. Une demi-seconde de plus, et c'eût été trop
tard, mais cette demi-seconde avait suffi: la bombe était rendue
inoffensive. Le jeune homme la laissa retomber lourdement sur le sol, essuya
son front trempé de sueur.
Cyrano s'était relevé. Malgré sa bravoure, il avait
pâli et son grand nez était tout blanc.
- Sans vous... commença-t-il.
- Je vous devais bien cette revanche, lui dit d'Artagnan, et vous avez
eu mille fois plus de mérite à m'arracher des mains des Espagnols.
- Mais le combat vous laissait au moins une chance, tandis que ce geste
généreux que vous venez de faire vous condamnait sans merci!
- Quoi qu'il en soit, la place n'est pas favorable aux conversations,
observa d'Artagnan. Je crois qu'on nous vise...
Un nouveau projectile était tombé un peu plus loin; il éclata
avec un bruit de tonnerre, faisant siffler à leurs oreilles des
morceaux de fonte, des pierres et des mottes de terre. Ils revinrent en
toute hâte vers les retranchements, car la canonnade avait repris,
très violente de part et d'autre. Au moment où ils allaient
se séparer, un aide de camp les appela:
- L'ordre a été donné de se tenir prêt pour
l'assaut, leur dit-il. Comme il est d'usage, c'est aux gardes que revient
l'honneur d'ouvrir la tranchée. M. des Essarts en a été prévenu:
il vous attend...
-- Enfin! soupirèrent ensemble les deux jeunes gens, ce n'est
pas trop tôt. On commençait à s'ennuyer ferme dans
ces fossés boueux...
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