*bandeau*

*chapeau*

 

 

 

L’œuvre d’Emile Blavet est une version théâtrale du roman Le fils de Porthos publié par Paul Mahalin en 1883. Un roman intéressant, qui eut un succès certain si l’on en juge par ses nombreuses rééditions et traductions. Blavet a donc exploité ce succès en en donnant une adaptation pour la scène. La pièce est fidèle aux grandes lignes du roman. Mais, beaucoup plus courte par la force des choses, elle est assez schématique, laissant plus de place à l’action qu’aux développements psychologiques. L’affrontement entre le fils de Porthos, qui a hérité de son père sa force et sa candeur, et un Aramis vieillissant et manipulateur, qui fait tout l’intérêt du roman, est bien là, mais tout juste esquissé.

La pièce peut sans doute donner un spectacle divertissant, à condition de surmonter les difficultés de mise en scène: changements de décors continuels, très nombreux personnages. C'était bien le cas lors de sa création au théâtre de l'Ambigu le 12 novembre 1886. Le chroniqueur Camille Le Senne écrit dans son recueil Le théâtre à Paris que lors de la scène de la prise de Fribourg, "clou de la soirée", il y avait sur scène "deux cents hommes et trente chevaux, le tout manœuvrant à l'aise sur la scène de l'Ambigu presque doublée grâce à d'intelligentes démolitions".

Une traduction en anglais de la pièce a été publiée par Frank J. Morlock sous le titre The son of Porthos the musketeer aux éditions Borgo Press.

Le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France propose diverses estampes intéressantes relatives à la pièce. Blavet est par ailleurs l'auteur d'une version théâtrale de Monte-Cristo.

 

Extrait de l’Acte cinq, scène II

JOEL.

Je veux ma femme !

ARAMIS.

Chevalier, votre obstination ne me fera pas dévier de mon but ! Le roi va venir !... Encore une fois, allez-vous en !

JOEL.

Je veux ma femme !

ARAMIS.

Oh ! oh ! voilà que vous lassez ma patience… Allez-vous donc m’obliger à vous tuer ?

JOEL.

Oh ! si vous n’étiez pas un vieillard !

ARAMIS, se redressant.

Un vieillard !... Prenez garde, monsieur, prenez garde ! Vous êtes en ce moment plus près de la tombe que moi !...

Il lui présente la pointe de son épée.

JOEL, dégainant à son tour.

Ah ! jarnidieu !... Nous allons voir !

Ils s’attaquent, le combat se prolonge, furieux, terrible, silencieux.

 

SCENE III

Les mêmes, AURORE.

AURORE, paraissant à la porte de gauche.

Ah ! ces épées qui se choquent ! Joël ! C’est lui ! c’est mon Joël !...

A ce moment, le regard du jeune homme a quitté celui de son adversaire. Ce dernier en profite pour lui porter plusieurs coups rapides et serrés qui l’acculent à la muraille.

ARAMIS.

Ah ! cette fois, vous voilà pris, mon bel oiseau ! Et je vais pratiquer sur vous le coup de l’ami Porthos !

JOEL.

Porthos !... Mon père !...

ARAMIS.

Son père !

Il recule effaré.

AURORE, s’élançant et entourant Joël de ses bras.

Ah ! frappez-le donc maintenant !

ARAMIS, immobile.

Le fils de Porthos !... Porthos, le titan de Locmaria, mon dernier ami, mort là-bas par ma faute ! Athos, d’Artagnan, mes amis, mes frères, inspirez-moi ! Vais-je sacrifier le fils, après le père, à mon exécrable ambition ?... Oh ! non, non, je ne serai pas à ce point misérable !

Il jette son épée.

JOEL.

Que faites-vous, monsieur le duc ?

ARAMIS, s’avançant vers lui.

Mon enfant, autrefois on m’appelait Aramis…

JOEL.

Aramis !

ARAMIS.

Et je suis le dernier survivant des quatre compagnons qui avaient pris pour devise : Tous pour un !... Un pour tous !

JOEL.

Est-il possible ! Aramis, l’ami de mon père !

ARAMIS.

Dans mes bras ! (Il lui tend les bras : Joël s’y jette. - Lumières et bruit dans la galerie)

 

Version anglaise- Extrait de l’acte V, scène XIV
(le découpage des scènes est différent)

JOEL
I want my wife!

ARAMIS
Chevalier, your stubbornness will not force me to deviate from my goal! The King is going to come. Once more, get out of here!

JOEL
I want my wife!

ARAMIS
Oh! Oh! Now you are tiring my patience. Are you going to force me to kill you?

JOEL
Oh! If you were not an old geezer!

ARAMIS
(standing up)
An old geezer! Watch out, sir, watch out. At this moment you are closer to the tomb than I!
(he presents the point of his sword)

JOEL
(unsheathing his in turn)
Ah, by jimminy, we are going to see about that!
(they attack each other, the battle is prolonged, furious, silent)

AURORA
(appearing at the door to the left)
Ah! Those swords clashing. Joel! It’s him! It’s my Joel!
(at this moment, the young man’s gaze leaves that of his adversary, the latter profits to give him several rapid and severe blows which pin him to the wall)

ARAMIS
Ah! This time I’ve got you, my fine bird! And I am going to practice the blow of Porthos’ friend on you.

JOEL
Porthos—my father.

ARAMIS
His father!
(he recoils, horrified)

AURORA
(rushing in and surrounding Joel in her arms)
Ah! Strike him now!

ARAMIS
(motionless)
The son of Porthos! Porthos, the titan, my last friend dead through my fault! Athos, D’Artagnan, my friends, my brothers, inspire me! Am I going to sacrifice the son, after the father, to my execrable ambition? Oh, no, no—I won’t be a wretch to that degree.

JOEL
What are you doing, Duke?

ARAMIS
(advancing towards him)
Child, I was once known as Aramis.

JOEL
Aramis!

ARAMIS
And I am the last survivor of the four companions who took for the devise—all for one! One for all!

JOEL
Is it possible! Aramis, the friend of my father!

ARAMIS
In my arms.
(he extends his arm; Joel casts himself into them, light and uproar in the gallery)

 


 

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