*bandeau*

*chapeau*

 

 

Difficile d’imaginer « roman » plus différent dans sa forme littéraire de ceux de Dumas que celui-ci. Ces Mémoires d’Aramis tiennent en fait bien moins du roman que de l’autofiction, tant à la mode ces dernières années.

Le livre commence certes par des Mémoires rédigées par Aramis, dans lesquelles il évoque Athos et Milady. Mais ces Mémoires ne durent… qu’une page. Leur succède immédiatement L’Anti-journal, roman de la vie littéraire, où Deshoulières tient la chronique de l’année de sa vie qui a suivi la publication de son roman précédent, Madame Faust.

Sur plus de 400 pages, l’auteur évoque ainsi ses démêlés avec le monde de l’édition, les médias, ses états d’âme, ses doutes, ses interrogations sur l’écriture… On comprend qu’il a dû abandonner son projet initial d’écrire un roman Mémoires d’Aramis, du fait des interrogations en tout genre que suscitait en lui le statut d’écrivain auquel l’avait propulsé la parution du premier roman.

Au milieu des introspections de Deshoulières se glisse petit à petit la silhouette d’un autre Aramis, non pas le mousquetaire, mais un éditeur à la recherche d’un bon livre à publier. Cet Aramis fantomatique envisage en particulier de faire écrire des suites aux Trois mousquetaires (voir extrait ci-dessous).

Parfois amusant, quand l’auteur se moque des moeurs du petit monde de la littérature, souvent très ennuyeux par son nombrilisme, cet Anti-journal n’a, on s’en doute, pas grand-chose pour intéresser les amoureux des romans de Dumas.

 

Extrait

Au lieu du mercredi 16 mai 1990

Pauvre, pauvre éditeur sans histoire!

Pour donner le change, Aramis commande des remakes des Trois Mousquetaires à un nombre croissant d'écrivains, tous plus hypocrites et intéressés les uns que les autres...

(…)                                                             .

« Et du côté du théâtre? hasarde Armand.

- Pourquoi pas? On ne sait jamais...

- Surtout qu'aujourd'hui, les textes sont souvent inédits.

- Tu sais, j'ai joué dans une adaptation théâtrale des Trois Mousquetaires qui a fait le tour du monde! tonne Bernardo Porto. Vachement sympa. »

Et sur la trace théâtrale des mousquetaires, les trois amis vont au Théâtre de la Bastille. A l'affiche: une recréation minimaliste du récit de Dumas intitulée la Règle de trois.

D'Artagnan est le grand absent d'un spectacle sans corps, d'une dramaturgie expressément hostile à la notion de héros comme à tout récit de cape et d'épée... D'ailleurs, ces accessoires gisent à l'avant-scène et personne ne viendra les ramasser. Les trois amis du quatrième mousquetaire appliquent la fameuse «règle» déductive en s'ingéniant à ne jamais être ensemble tous les trois sur la scène et ne se disent jamais rien; un seul mousquetaire (Porthos?) fait de grands moulinets dans le vide avec son épée, bataillant contre un ennemi imaginaire dont il ne tente même pas d'accréditer la fictive présence auprès du public. Pendant toute la représentation, quand même, «une présence fait événement»: une boîte de sardines posée sur la paume de sa main droite, une actrice blonde en costume Louis XIII demeure immobile au milieu du plateau désert, à peine animé par les stridences fugitives, crues, de l'éclairage. Quand un mousquetaire (Athos?) vient la déshabiller avant de l'enfermer nue dans un cercueil, les spectateurs reconnaissent Milady. Evidemment, le spectacle dure cinq heures (sans entracte).

Qui n'a jamais mis les pieds dans un théâtre ne peut savoir ce qu'est vraiment l'ennui. Les trois amis se tirent avant la fin...

Dans le programme qu'Aramis jette dans le caniveau, le metteur en scène explique:

Le théâtre est un tombeau où les vivants jouent à être
morts et où les répliques des morts hantent les vivants.


 

*bandeau*