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L’amante de Molière

Christiane Duquette

392 pages
Les Editeurs Réunis - 2017 - Canada
Roman

Intérêt: *

 

 

 

Comme son titre l’indique, ce roman traite de la vie de celle qui fut de longues années durant la compagne de Molière : Madeleine Béjart, actrice de premier plan au XVIIème siècle. Ecrit à la première personne, le livre se présente sous la forme d’une sorte de journal rédigé par Madeleine à la fin de ses jours et destiné à son vieil amoureux.

S’appuyant sur de nombreux éléments historiques et biographiques authentiques, le récit retrace joliment cette relation intense mais à éclipses, la difficile progression de l’auteur/acteur et de l’actrice dans cette carrière si difficile à l’époque, leur complicité artistique et humaine, et aussi leurs ruptures – dont la plus violente de toutes quand Molière quitte Madeleine pour épouser Armande Béjart, sa fille cachée dans le roman, sa fille ou sa jeune sœur dans la réalité. Ce faisant, l’auteure canadienne brosse un portrait de la profession théâtrale au XVIIème siècle, de sa précarité, de l’inlassable quête de protecteurs, des tournées provinciales misérables et interminables, etc.

Ces données historiques sont combinées à différents éléments romanesques. Madeleine se trouve amenée à participer à une dangereuse mission pour le compte de la reine Anne d’Autriche, elle affronte des années durant les menaces d’un admirateur dérangé et extrêmement dangereux, et approche même à la fin de très (trop) près l’affaire des poisons de la marquise de Brinvilliers.

C’est dans ce volet « fiction » qu’apparaissent à de multiples reprises deux personnages d’importance : d’Artagnan et Cyrano de Bergerac. Tous deux sont, dans le roman, des amis proches de Madeleine et de Molière qu’ils accompagnent et aident, et réciproquement, à de multiples reprises. C’est ainsi que la jeune femme se substitue à d’Artagnan, empêché, pour aller récupérer un précieux paquet destiné à Anne d’Autriche. D’Artagnan et Cyrano essayent de protéger Madeleine contre les menées de son mystérieux harceleur qui, apprend-t-on, est le véritable organisateur de l’assassinat de Cyrano.

Au-delà de ces épisodes aventureux, finalement relativement secondaires, le roman s’attarde surtout sur l’amitié entre les quatre principaux personnages, leurs relations parfois complexes (Madeleine se permet une brève liaison avec d’Artagnan), leurs discussions… L’actrice étant passionnée depuis l’enfance par l’observation des astres et la mythologie grecque qui s’y attache, on assiste ainsi à une conversation qui donne à Cyrano l’idée d’imaginer un voyage sur la Lune (voir extrait ci-dessous).

Fort bien écrit, le roman est plein de charme. Il ne constitue certes pas une addition majeure aux exploits de d’Artagnan chroniqués sur pastichesdumas mais il apporte une contribution à la série des rencontres entre le mousquetaire et Cyrano, contribution originale puisque basée sur leur amitié plutôt que sur leur rivalité ou leur coopération en tant qu’hommes d’épée.


Extrait du chapitre 6 L’éclipse, la grande noirceur

Deux jours plus tard, la veille de notre départ, ayant quelque peu abusé de bons vins, nous avions allègrement divagué sur l'immensité de la voûte céleste et les mystères de ses astres scintillants. Nous étions tous les trois emmitouflés dans de larges couvertures de laine, assis autour d'un feu allumé dans la cour arrière.

— Madeleine, regarde cette merveille ! s'exclama Cyrano en pointant du doigt la Lune.

— Elle semble si proche ce soir, acquiesçai-je, on pourrait presque la toucher. À l'aide de ma lunette astronomique, je peux même apercevoir des ombres à sa surface.

Silencieux, d'Artagnan me prit le tube de bois des mains et se mit à contempler le ciel.

— Elle est peut-être habitée, qui sait ? divagua Cyrano, retroussant comiquement le nez. J'aime tes histoires d'étoiles et de dieux grecs, mais il me semble, belle muse, et je dis cela en toute humilité, que je pourrais en imaginer tout autant.

Puis reprenant une bonne gorgée de vin, il hoqueta plus qu'il n'émit :

— Je vais te surprendre mon amie, car j'inventerai un conte fantastique où je réussirai à me rendre sur la Lune. Je pourrais y vivre d'extraordinaires aventures, ne croyez-vous pas, mes amis ?

Un énorme rire fusa près de lui :

— Pour te rendre jusque-là, Savinien, tu auras certes besoin de l'aide des dieux, se moqua d'Artagnan.

— Non, non, je m'en passerai. Il faut que je trouve le moyen de m'y rendre par moi-même, répliqua Cyrano, soudain enthousiaste. Voyons... par de savants calculs peut-être... Oui, oui, pourquoi pas ?

— Et faire un saut jusqu'au Soleil, une fois parti ! ajoutai-je en levant mon gobelet.

— Oh ! Tendre amour impossible, cette pensée de quitter cette terre d'ennui, afin d'aller vivre mille aventures palpitantes à l'égal de tes chers héros grecs, m'inspire !

À sa déclaration d'affection, je sentis mes joues rougir d'étonnement et de gêne. Je restai bouche bée. Perspicace, d'Artagnan s'exclama :
 
— C'est une excellente idée, Cyrano. Je bois à la réussite de ce fascinant voyage.

Avec difficulté, Savinien se leva, se saisit d'un rondin de bois, puis le lança dans le feu. Il revint s'asseoir, avant de s'esclaffer :

— Foi de Cyrano de Bergerac, j'écrirai ces histoires ! J'en fais le serment devant vous.


 

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