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Le capitaine d’Artagnan

Lucien Pemjean

281 pages
Editions Baudinière - 1931 - France
Roman

Intérêt: 0

 

Ce livre a été publié avec un texte identique sous deux noms d'auteurs différents: Le capitaine d'Artagnan, de Lucien Pemjean, 281 pages, Editions Baudinière, 1931, et Le capitaine d'Artagnan, de H-L Thiriot, 253 pages, La Technique du Livre, 1949.

Faisant suite à La jeunesse de d'Artagnan, ce deuxième volume de la réécriture des aventures des mousquetaires par Pemjean s'inscrit dans la droite ligne du premier: l'auteur cherche à produire un récit aussi haletant que possible, tout en prétendant rétablir la "vérité historique" des personnages (voir la préface de La jeunesse de d'Artagnan où Pemjean dénonce les libertés prises par Dumas).

Vouée à l'échec, puisque l'auteur produit en fait du pur feuilleton pas du tout réaliste, la tentative échoue lamentablement. Les prétentions historiques de Pemjean se traduisent par quelques chapitres pesamment biographiques, entrecoupés d'ailleurs de citations des Mémoires de M. de d'Artagnan, qui cassent le déroulement du récit.

Quant aux péripéties romanesques, elles sont complètement délirantes. La première partie voit d'Artagnan se venger de la duchesse de Montpensier, qui a fait assassiner sa fiancée par jalousie, au cours d'un ahurissant procès mené par les trois autres mousquetaires et suivi de la pendaison de l'homme de main de la duchesse. Une scène qui rappelle très directement celle de l'exécution de Milady à la fin des Trois Mousquetaires.

Le sommet vient à la fin du roman, quand Pemjean, désireux sans doute de ménager un happy end spectaculaire, décide d'"effacer" l'assassinat de la fiancée de d'Artagnan, Irène de Blizeuil, en lui faisant rencontrer, bien des années plus tard, Irène de Bragas qui n'est autre que... la réincarnation de la première!

Ce qui permet au livre de se conclure, après la promotion et le mariage de d'Artagnan, sur la phrase: "Plus rien désormais ne manquait à son bonheur"...

Très curieusement, Le capitaine d'Artagnan a été republié près de vingt ans après, sans un mot de différence, ainsi que la première partie, rebaptisée cette fois sous le titre Premiers exploits de d'Artagnan, le tout sous un autre nom, celui de H-L Thiriot. Peut-être une réincarnation de Lucien Pemjean?

Le livre a connu de nombreuses éditions à l'étranger. Voire ci-dessous la reproduction de sa publication en 1933 dans le journal américain Cleveland Plain Dealer.

Merci à Peter Richter pour cette illustration américaine.

 Voir l'arbre généalogique de d'Artagnan


Extrait du chapitre 18 Celle qui revient

- Monsieur d'Artagnan, croyez-vous à la survie, à la réincarnation, à la prédestination?

Le capitaine fut frappé de cette question, qui coïncidait si parfaitement avec l'obsession qui le poursuivait.

- Depuis ce matin, oui, mademoiselle! répondit-il avec un nouveau trouble.

- Pourquoi depuis ce matin seulement? questionna Mlle de Bragas, rougissant légèrement.

- Parce qu'il m'a semblé, mademoiselle, que j'avais eu déjà l'honneur de vous voir, que même je vous connaissais depuis longtemps, longtemps!

Parce que le charme de votre visage, la grâce de votre maintien, le son de votre voix, tout, jusqu'à votre charmant prénom m'a paru ne pas d'être étranger.

La jeune fille écoutait avec un ravissement, qu'elle ne cherchait nullement à dissimuler.

- Comme c'est curieux! murmura-t-elle, rêveuse.

- Et c'est pourquoi, ajouta le capitaine, je ne trouve rien d'étrange à vous voir là, seule, devant moi. Tout me dit que ce n'est pas la première fois!

Une sorte de béatitude céleste s'était épandue sur les traits de Mlle de Bragas.

Elle écoutait comme dans un songe, et les paroles qu'elle entendait, résonnaient sur le cristal de son âme comme une mélodieuse musique de l'au-delà.

- Ciel! serait-ce possible? exhala-t-elle d'un souffle si faible et si lointain que d'Artagnan dut se pencher pour le recueillir.

C'est la même impression que j'ai éprouvée en vous voyant passer ce matin devant mes yeux.

Et pourquoi hésiterais-je à le dire, puisque c'est l'expression de la vérité et que vos paroles me prouvent que je ne me suis pas trompée?

Elle ferma les yeux à demi et s'appuya doucement au dossier de son fauteuil.

- Tenez! Je vous revois nettement dans une sorte de gentilhommière, sous un climat de feu, auprès de deux personnes âgées qui doivent être votre mère et votre père.

Nous jouons ensemble comme des enfants que nous sommes. Et nous voici maintenant, jouant encore, dans un petit château.
Je vous vois maintenant en uniforme des Gardes. Nous sommes à cheval tous les deux, sur une grande route, bordée de hautes futaies.

D'Artagnan écoutait avidement, le cou tendu, les nerfs torturés, haletant.

- Et puis, continua la jeune fille, voici une dame voilée, un prêtre, un bois... Une lame brille... Ah!

Un cri atroce déchira l'air.

Frissonnant de tous ses membres, d'Artagnan saisit la main de Mlle de Bragas.

- Irène! appela-t-il malgré lui, comme un possédé.

La jeune fille rouvrit les yeux et le regarda, un sourire extatique illuminant son doux visage transfiguré.

Mais, au cri qu'elle avait poussé, une porte s'était brusquement ouverte, et un vieillard était apparu.

- Votre père! Je le reconnais. C'est bien lui! S'exclama-t-elle en s'élançant dans les bras du nouveau venu qui, pris d'une terreur mystique, la dévisageait en balbutiant:

- Elle? Elle? Irène?

Puis, se tournant vers son fils:

- Voyons, Charles, dis-moi quelque chose, parle-moi! Est-ce que je rêve? Est-ce que je perds la raison?

- Ni l'un ni l'autre, père! Mais il est des choses qui dépassent l'entendement humain. Asseyez-vous et causons tous trois... comme autrefois...

Ce ne fut pas sans mal que le vieillard parvint à se remettre de la violente émotion qu'il venait d'éprouver.

Tout en écoutant son fils lui exposer l'extraordinaire événement qu'il ne s'expliquait pas lui-même, sinon par un phénomène psychique qu'il était obligé d'admettre sans le comprendre, le vieux gentilhomme ne pouvait détacher ses yeux des traits de Mlle de Bragas dont la ressemblance avec Mlle de Blizeuil avait quelque chose de presque miraculeux.

C'était au point qu'il se croyait transporté, à travers le temps et l'espace, sur sa petite terre de Lupiac, à l'époque où il nourrissait pour l'héritier de son nom des ambitions maintenant réalisées.

Deux choses ternissaient le bonheur de ses vieux jours. C'était l'absence des deux chères disparues, celle qui avait partagé la plus grande partie de son existence et celle qui devait embellir l'avenir de son fils.

Et voici que la seconde moitié de cette grande tristesse se dissipait ! S'il était condamné, lui, à mourir sans la compagne qu'il avait tant chérie, au moins son enfant avait-il retrouvé celle qu'il pleurait.

Car, il n'en doutait plus maintenant, c'était bien, par un prodige dont seul le Tout-Puissant détenait le secret, c'était bien la même Irène qu'il avait connue dans son beau pays de Gascogne, qui reparaissait aujourd'hui, aussi jeune, aussi jolie et aussi éprise de son grand garçon.


 

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