D’Artagnan et la dame rousse in "Contes du Val-de-Saire"
Maurice-Ch. Renard
23 pages 1955 - France Nouvelle
Intérêt: 0
Cette brève nouvelle met en scène un d'Artagnan
dont il est bien précisé qu'il n'est "même
point le parent" du célèbre mousquetaire.
Mais le personnage en question est lui aussi commandant des mousquetaires
et a très exactement la même personnalité
que le héros de Dumas!
L'action se passe en 1702, dans le Cotentin, où d'Artagnan
séjourne avec ses troupes dans la crainte d'une invasion
anglaise. Le mousquetaire s'enflamme pour une belle inconnue
qui lui donne un rendez-vous nocturne. Mais il croit y voir l'indice
d'une conspiration anglaise et se lance tête baissée
pour la déjouer... avant de tomber dans un piège
dans un souterrain et de se rendre compte qu'il s'était
trompé sur toute la ligne. Un récit sans guère
d'intérêt...
Extrait
Pestant contre son sort absurde et son imprévoyance,
d'Artagnan hurla un bon moment sa rage à tous les échos,
mais il finit pas s'endormir, accroupi au fond de son trou, de
façon à ménager ses forces, pour le moment
inutiles.
Un sourd clapotis finit par l'arracher à un singulier
rêve. Un rêve au cours duquel il s'offrait le plaisir
de ligoter lui-même la dame rousse, à son tour,
après l'avoir démasquée matériellement
et moralement.
Parbleu! L'affaire avait été montée de
main de maître. Ça oui, il lui fallait tirer son
chapeau. On neutralisait d'abord l'intervention éventuelle
du sieur d'Yvrande et de son valet, pour bien improbable qu'elle
fût, mais tout de même, dans une entreprise de cette
sorte, il fallait se ménager toutes les bonnes cartes.
On dégageait ainsi le puits d'air du providentiel souterrain,
qui aboutissait précisément dans la gentilhommière
et, en même temps, on s'assurait, en cas d'échec,
d'une sortie de secours pour les gens de l'expédition,
ainsi que d'un assez spacieux cantonnement caché dans
les bois, bien à l'abri de tous regards indiscrets, pour
leur permettre de se replier en bon ordre ou d'y organiser une
solide défense.
Cela, c'était le premier temps de la manoeuvre. Le second,
consistait évidemment à priver de leur tête
les deux compagnies de mousquetaires, ces cavaliers d'élite,
d'une bravoure légendaire et si fidèlement dévoués
à la cause du vieux roi, au trône déjà ébranlé. Deux rendez-vous, sous le masque du plaisir
et, tête baissée, à deux heures d'intervalle,
de Rigauville et d'Artagnan donnaient à leur tour dans
le piège. Oui, en vérité, que voilà
du beau travail, bien conçu, et parfaitement réalisé!
Le troisième temps, c'était le débarquement
des troupes de flèche, en pleine nuit, sur la plage de
Quinéville, la remontée du corps expéditionnaire
à travers le long souterrain jusqu'à l'abbaye de
Montebourg, ce lieu même où le maréchal de
Matignon avait fixé son quartier général.
Sans bruit, les gens de main y sortaient un à un de leur
taupinière, avec la complicité de quelque traître,
dont la dame rousse avait dû s'assurer la présence
dans la place, prenaient à revers l'état-major,
et annihilaient ainsi toute résistance. Il ne restait
plus aux troupes régulières qu'à débarquer
dès l'aube et à profiter du désarroi des
Français, privés de leurs chefs, pour marcher sur
Paris.
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