Jumper
Steven Gould
346 pages 1992 - États-Unis SF, Fantasy - Roman
Intérêt: **
Cette fiche traite de deux volumes: Jumper, 346
pages, 1992, et Reflex, 380 pages, 2004. Les
deux livres, qui se suivent, sont en effet inséparables
quant à leur relation avec Monte-Cristo.
Le héros de Jumper est Davy, un adolescent américain
durement éprouvé par la vie. Il appartient à une famille modeste
d’une petite ville perdue. Son père, gravement
alcoolique, est extrêmement violent. Au point que sa
mère a choisi de s’enfuir des années plus tôt et n’a
plus jamais donné signe de vie.
Un jour où son père s’apprête à le brutaliser une fois
de plus, Davy se retrouve transporté en un instant dans
le seul endroit où il trouve habituellement calme et
sérénité: la bibliothèque municipale. Il en profite pour
s’enfuir de chez lui. Mais sur la route, alors qu’il est
agressé par un camionneur, le phénomène se reproduit:
Davy se retrouve instantanément transporté à l’abri.
C’est ainsi que l’adolescent découvre qu’il est capable
de téléportation.
Il explore alors méthodiquement cette capacité
exceptionnelle (pour laquelle, il faut le préciser, le
roman n’offrira jamais d’explication). Il se rend compte
qu’il peut se déplacer instantanément par un simple
effet de volonté vers n’importe quel lieu dont il a la
mémoire visuelle (sans aucune limite de distance ou de
fréquence, ce qui confère à son pouvoir un caractère
plus magique que scientifique).
Il organise sa nouvelle vie indépendante et clandestine.
Ayant repéré la salle des coffres d’une grande banque,
il s’y téléporte une nuit et en repart avec une fortune
en billets de banque. Il se lie également avec une jeune
fille, Millie, sans lui révéler son pouvoir, dans un
premier temps.
Maîtrisant son pouvoir, il se rend compte qu’il peut
s’en servir pour se venger. Il persécute quelque peu son
père en faisant des apparitions à son domicile qui le
terrifient. Il se venge également du camionneur qui
l’avait agressé.
Davy retrouve la trace de sa mère et la rencontre. Ils
renouent leurs liens, mais sa mère, lors d’un voyage au
Moyen-Orient, est tuée lors d’un détournement d’avion
organisé par des terroristes palestiniens.
Fou de douleur, Davy décide alors de pourchasser les
terroristes jusqu’à ce qu’il ait retrouvé celui
responsable de la mort de sa mère.
Entre-temps, la police américaine a fini par
s’intéresser à cet adolescent vivant de façon
excentrique, jusqu’à identifier son pouvoir de
téléportation. Dès lors, les services secrets font tout
pour s’emparer de Davy – ce qui se révèle pour le moins
difficile, évidemment.
Une véritable «guerre» oppose Davy à l’ensemble des
services de sécurité américains. Ces derniers kidnappent
Millie, Davy capture des agents secrets et les téléporte
avec lui dans des pays lointains… Finalement, il stoppe
un détournement de navire, capture le terroriste qui a
tué sa mère et conclut une sorte de trêve avec les
services américains: sa petite amie est libérée et on le
laissera tranquille. En échange, il ne refusera pas de
donner un coup de main en cas de besoin…
Publiée douze ans après Jumper,
la deuxième partie de l’histoire, Reflex, se
déroule dix ans plus tard. Davy et Millie sont mariés et
vivent paisiblement. Davy rend régulièrement service à
la NSA, les services secrets américains, ce qui lui vaut
de gagner royalement sa vie.
Mais un jour, Davy tombe dans un traquenard. Il est
kidnappé par des gens extraordinairement bien renseignés
sur lui, qui, entre drogues et chaînes (il ne peut se
téléporter que s’il est libre de ses mouvements)
parviennent à le contrôler.
Commence alors une descente aux enfers. Enfermé sous
surveillance constante, Davy subit l’implantation d’un
petit appareil dans la poitrine qui, commandé à
distance, déclenche des douleurs effroyables. Ses
mystérieux geôliers, qui appartiennent manifestement à
une organisation toute puissante, entreprennent de
conditionner Davy: le déclenchement de la douleur
suscitera un réflexe de téléportation jusque dans sa
prison, seul endroit où il est à l’abri de celle-ci. De
cette façon, ses ravisseurs peuvent espérer le forcer à
mettre ses capacités à leur service.
Le livre suit en parallèle Davy et Millie. Davy est
amené à explorer de plus en plus profondément ses
capacités de téléportation et leurs implications,
jusqu’à trouver en lui-même un moyen pour contourner les
contraintes qui lui sont infligées.
Simultanément, Millie se démène pour le retrouver. Mais
elle réalise très vite que les ravisseurs de son mari
ont forcément infiltré les services américains et
qu’elle ne peut donc se fier qu’à elle-même. Et durant
son enquête, elle découvrira qu’elle peut elle aussi se
téléporter (un phénomène qui n’est pas plus expliqué que
le pouvoir de Davy).
Au bout du compte, tout se terminera bien: Davy et
Millie pourront vivre heureux et avoir plein de petits
«téléporteurs»…
Tout à fait excellents, ces deux romans peuvent être
considérés comme des hommages au deuxième degré à Monte-Cristo.
Le premier volume paie en effet expressément tribut à The stars my
destination d’Alfred Bester. Ce roman de
science-fiction est centré lui aussi sur le thème de la
téléportation, tout en étant une exceptionnelle
variation sur Le comte de Monte-Cristo dont il
réinterprète tous les épisodes clé.
Le lien entre Jumper et Monte-Cristo est
plus diffus, mais bien réel. Davy accède à la toute
puissance et à la fortune, ce qui lui donne les moyens
de se venger – de son père, de ceux qui l’ont fait
souffrir, de ceux qui ont tué sa mère. Et
fondamentalement, Jumper n’est rien d’autre que
le fantasme d’un adolescent qui souffre et qui s’imagine
qu’il sera un jour un surhomme capable de prendre sa
revanche, de récompenser ceux qui ont été bons pour lui,
de punir les méchants – et en prime de gagner plein
d’argent et de séduire les filles (Davy envoie même son
père, à la fin du roman, en cure de désintoxication –
voir extrait ci-dessous). Ce qui, peut-être plus encore
que la vengeance, est le thème fondamental du Comte
de Monte-Cristo.
Dans Jumper, finalement, il ne manque qu’un
ingrédient essentiel du roman de Dumas: toute la période
du Château d’If. Et c’est justement ce que l’on retrouve
dans Reflex, avec l’emprisonnement de Davy et
les effroyables traitements qu’il subit.
Ce n’est sûrement pas un hasard si le deuxième volume
vient ainsi compléter – en inversant la chronologie –
les thèmes de Monte-Cristo. Car cette fois, la
référence est explicite: lorsque ses geôliers décident
d’adoucir légèrement la captivité de Davy, ils lui
fournissent un livre et un seul, Le comte de
Monte-Cristo!
Signalons d’ailleurs que, poussant très loin l’analyse,
certains critiques vont jusqu’à tracer un parallèle
entre l’espèce de «tunnel dans l’espace» à travers
lequel Davy se téléporte et le tunnel reliant les
cellules d’Edmond Dantès et de l’abbé Faria, les deux
«tunnels» étant la clé de la liberté et de la puissance
des deux héros…
Ces deux romans très divertissants peuvent donc bien
être lus comme une variation un peu lointaine mais des
plus originales du chef d’œuvre de Dumas, où nombre
d’éléments sont inversés par rapport à l’original: la
vengeance intervient avant l’emprisonnement, la toute
puissance donne accès à la fortune et non l’inverse, le
«tunnel» libérateur est dans l’espace et non pas sous la
terre, etc…
Extrait de Jumper, Septième partie Olly,
olly, in come free, chapitre 19
I jumped behind him (Dad) and hauled him up by the back
of his shirt. He scrambled to get his feet under him.
"What—" I jumped him to the cemetery in Pine Bluffs,
Florida, then shoved him down again, to sprawl forward.
It was after midnight but a mercury vapor light mounted
over the cemetery gate brought the carved letters into
sharp relief: Mary Niles, 13 March 1945 to 17 November
1989.
Dad whimpered. I reached down and pushed him flat onto
the grave. With the other hand I snaked his belt out of
his pants loops, then backed away.
"Remember this, Dad?" I swung the buckle back and forth
like a pendulum, the silver rodeo buckle winking in the
light. I swung it suddenly back, over my head, and down.
It slammed into the ground by his side and grass flew
up. He flinched away.
"How many times. Dad?" I brought it down on the other
side. It gouged the earth. "How many times?"
I took a step closer and smashed it again and again on
the gravestone. The enameled design cracked and
splintered, and the silver edges buckled. Scratches
marred the stone surface. I threw the belt down in his
lap.
I pointed at the grave. "Would she be here if you hadn't
beaten her? Abused her? Caved her face in? Would she be
in this grave if you'd stopped drinking?"
He flinched more from my voice than he had from the
belt. "What kind of man are you? What sort of creature?
What pitiful excuse for a human being?"
I took a step toward him and he started crying.
What?
"I'm sorry. I'm sorry. I'm sorry. I never meant it. I...
I didn't want to hurt her. I didn't want to hurt you."
Tears were streaming down his face.
It made me want to puke.
What do you want from him?
"Stop it! Stop it!"
He flinched again and fell silent.
"Get up."
He got slowly to his feet, one hand to his pants. The
belt with its battered buckle stayed on the grave.
"Turn around."
He did and I jumped him to the parking lot of the Red
Pines Substance Abuse Treatment Center in Stanville. I
let him go and he turned.
"You know where we are?"
He swallowed. "Yeah."
"Well?"
"I can't! I lost my job. I don't have the insurance
anymore!" The anguish in his voice was even greater than
when he'd said he was sorry. It diminished him to be
without his job, the same job he'd had all my life—or to
admit it to me.
"You could sell your car."
"They repossessed it!" He started to cry again.
"Stop it! If there was a way to pay, would you do it?"
He closed his mouth to a stubborn line.
"How many people are you going to screw up before you
die? Fuck it. It's your life. Kill yourself if you
want." I stood there, arms crossed.
"I didn't say I wouldn't do it. I'll do it. I was gonna
do it right before I lost my job."
I jumped to the cliff dwelling, then returned, a bag
under my arm. Dad followed me up the steps and inside.
It took a half hour to fill out the paperwork but Dad
signed in all the right places. When it came time to
discuss payment they said the average six weeks ran
twelve thousand dollars.
I paid cash, in advance.
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