"Un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche".
Cet instantané de Michel Audiard symbolise exactement le
contraire de ce qu'était Fernand du Boisrouvray ou plus
précisément Fernand de Jacquelot du Boisrouvray,
qui n'avait rien de l'intellectuel en chaise longue : " la
marche est le moteur de mon activité intellectuelle".
Sa vie, aussi bien littéraire que cynégétique,
témoigne d'un talent multiforme. L'alliage étincelant
d'un chercheur rigoureux et la vision avant-gardiste d'un précurseur.
Dans sa jeunesse, il côtoya nombre de ceux qui aujourd'hui
sont, à des titres divers, des personnalités incontournables
de la littérature et de la presse écrite.
Son père, Charles de Jacquelot du Boisrouvray travaille
pour le Cnep (Comptoir National d'Escompte de Paris) l'ancêtre
de la B.N.P. Au gré des mutations, il va de ville en ville
: Chantilly, Alençon, Orléans, Saint-Quentin, Dijon.
Fernand du Boisrouvray naîtra à Chantilly le 26 septembre
1934. Si, pour Charles de Jacquelot du Boisrouvray, la banque
est un travail, certes intéressant, la chasse est sa passion
: presque exclusivement le petit gibier.
Fernand, l'aîné de la famille, emboîte le pas
de son père qui lui prodigue les premiers enseignements.
La chasse en plaine dans la région d'Orléans, si
propice à ce mode de chasse. Fernand reçoit
des mains de son père sa première carabine avec
laquelle il tirera son premier lapin.
Paradoxalement par rapport à cette prime éducation
cynégétique, Fernand du Boisrouvray se passionnera
- beaucoup plus tard - presque exclusivement pour la chasse au
grand gibier et notamment pour le Cerf " tout lion à
l'avant, tout lévrier à l'arrière".
La famille installée à Saint-Quentin (Aisne), Fernand
du Boisrouvray part à Paris effectuer ses études
supérieures. Après trois ans d'étude
, il est diplômé d'H.E.C. en 1958. C'est à
cette
époque que Pierre de Provenchères, lui-même
étudiant à H.E.C., lui fait rencontrer son ancien
condisciple de l'école Sainte-Geneviève de Versailles,
Philippe Joyaux, célèbre à peine plus tard
dans les cercles intellectuels parisiens sous le nom de Sollers.
C'était l'ami le plus gai, le plus drôle, le plus
chaleureux, le plus généreux. Nous parlions sans
cesse de littérature, nous nous amusions. Sollers
m'a fait lire Ponge, Bataille et les surréalistes.
Mais avec lui, j'ai découvert aussi l'Espagne et Tolède,
le flamenco et la tauromachie".
Amitiés littéraires
À l'âge qu'il sied pour vouloir faire sauter le
carcan et les pesanteurs de la société, les jeunes
étudiants élisent la littérature comme lieu
de marginalité. Philippe Sollers assiste aux conférences
du poète Francis Ponge à l'Alliance française,
boulevard Raspail à Paris. Il présente à
Ponge ses amis Provenchères et Boisrouvray, qui fréquentent
à leur tour les cours de l'Alliance française.
L'oeuvre de Francis Ponge imprégnera fortement Fernand
du Boisrouvray.
En octobre 1957, "Le défi" de Philippe Sollers
paraît dans le n° 3 de la revue "Écrire"
dirigée par le découvreur de talent qu'était
jean Cayrol. Le 18 novembre 1958, Fernand du Boisrouvray
signe le contrat de son premier texte qui devait paraître
en avril 1959 dans le n° 6 d'"Écrire".
Ces pages conçues dans la maison familiale de Philippe
Sollers à l'île de Ré, lui sont dédiées.
Signée tout simplement Boisrouvray, à l'instar des
prestigieux Saint-Simon et La Rochefoucauld, cette quarantaine
de pages s'intitule "Autre chose". Ce n'est point là
le gargarisme vaniteux d'une jeunesse qui s'exprime : «
Mon ambition - démesurée pour un jeune écrivain
- était d'étendre la méthode de Ponge aux
sujets de Bataille : parler de ce dont parle Bataille, mais avec
cette justesse d'expression qui appartient à Ponge. Je
pensais que la littérature pouvait devenir une science
et que Ponge avait inventé une algèbre du langage
(1). Je vouais un véritable culte à Francis Ponge,
l'auteur du "Parti pris des choses" (2) . Ce livre ne
quittait pas ma table de chevet et je le connaissais presque par
coeur. Je ne renie rien de cette admiration». La justesse
d'expression de ce poète est vérifiable à
l'envi:
« Le feu fait un classement : d'abord toutes les flammes
se dirigent en quelques sens ...
(L'on ne peut comparer la marche du feu qu'à celle des
animaux : il faut qu'il quitte un endroit pour en occuper un autre
; il marche à la fois comme une amibe et comme une girafe,
bondit du col, rampe du pied) ...
» Puis, tandis que les masses contaminées avec méthode
s'écroulent, les gaz qui' s'échappent sont transformés
à mesure en une seule rampe de papillons. »
"Autre Chose" déclenche une avalanche de louanges
de la part de la critique. Il est vrai que les premières
lignes donnent le ton d'une majesté : « La plage
est une géométrie où la rigueur s'effrite.
Le vent, la mer, tout ce qui, plus mobile et plus libre, attaque
et se retire, altèrent la courbe, plissent la surface,
érodent le volume. L'étrange est que de ces
opérations très peu mathématiques naisse
la figure. » Émile Henriot de l'Académie française
dans "Le Monde" du 1 5 avril 1959 est affirmatif : "
"Autre chose". Vous êtes tout de suite averti:
vous avez devant vous un chercheur ; un très jeune homme
qui veut écrire et ne sachant encore quoi, commence par
souhaiter autre chose. Ce n'est pas mal à 25 ans,
de s'exprimer avec cette netteté et cette élégante
vigueur, non dénuée d'une aristocratique recherche,
dans sa volontaire tension. Je crois assister en lisant ces premières
pages assurément très "littéraires "
aux savants exercices d'un virtuose futur qui s'applique encore
à ses gammes. Le styliste est déjà
formé, et ce qui me plaît dans ces essais d'un inconnu,
c'est un sentiment très vif de 1'art de bien dire joint
à la volonté de dire juste. »
Jean-René Huguenin dans "Arts" du 29 avril 1959
est plus qu'enthousiaste : « Boisrouvray est l'ambassadeur
du bonheur auprès de la poésie. Après
plus de sept mille ans qu'une malédiction pèse sur
la poésie, il inaugure peut-être une race nouvelle:
celle des poètes bénis".
Manuel de Diéguez dans "Combat" du 9 avril 1959
salue « un jeune auteur capable de faire des gammes avant
de se lancer. » Finalement, le 25 juin 1959, Fernand du
Boisrouvray se voit décerner le Prix Max Barthou de l'Académie
française.
L'épreuve du feu
1958, Fernand du Boisrouvray part accomplir son service militaire.
Officier dans l'armée de l'air, il est versé dans
une base aérienne. Las des servitudes de la caserne,
il décide de se porter volontaire pour l'Algérie.
Il n'en reviendra qu'en 1961. Détaché auprès
d'une unité opérationnelle de recherche depuis septembre
1959, il prend part au démantèlement des organisations
rurales urbaines kabyles installées dans les faubourgs
d'Alger. Son comportement dynamique et courageux lui vaut
l'attribution de la croix de la valeur militaire avec étoile
de bronze. Le 24 août 1959, l'ami Pierre de Provenchères
tombe mortellement blessé en opération en Grande
Kabylie. Cette disparition affectera particulièrement Fernand
du Boisrouvray et Philippe Sollers.
La guerre d'Algérie aura marqué durablement Fernand
du Boisrouvray. Elle est présente dans "Marielle
", un texte encore inédit écrit en 1970 et
consacré à sa femme: "Une patrouille est tombée
en embuscade, en Kabylie, perdant cinq morts et deux disparus.
C'est écrit en tout petit, je dois approcher la feuille
pour mieux lire: le combat fut bref, nos soldats ont riposté,
on a retrouvé les traces de sang d'adversaires tués
ou blessés, mais pas de corps - les survivants les auront
emportés ; une opération est en cours."
En janvier 1960 un contrat est signé entre le Seuil et
six jeunes écrivains qui constituent le premier comité
de rédaction de la revue "Tel Quel" : Jean-Edern
Hallier, Jacques Coudol, Jean-René Huguenin, Philippe Sollers,
Renaud Matignon, et ... Fernand du Boisrouvray.
"Pendant plus de deux décennies, "Tel Quel"
sera la principale revue de l'avant-garde littéraire et
théorique, au long d'une histoire qui reste marquée
par une longue série de manifestes radicaux, de débats
houleux, de contre-attaques et de changements de caps âprement
discutés. Elle sera également jalonnée d'exclusions
et de démissions retentissantes." (3)
Le drame d'amour
Boisrouvray ne publia que quelques textes dans "Tel Quel"
(4). « En fait, j'ai beaucoup moins participé à
l'histoire de "'Tel Quel" qu'à ce que j'ai envie
de nommer sa préhistoire. Quand la revue a été
fondée, j'étais déjà en Algérie.
Tout ce que j'ai fait a donc été de signer le contrat
de fondation et d'envoyer à Sollers une procuration d'ordre
général dont il a fait usage absolument comme il
le voulait. (...) Je suis rentré d'Algérie en février
ou mars 1961. Il a fallu que je trouve un métier,
un logement, que je m'installe. Je me suis marié. Je n'ai
pas dû mettre les pieds au comité avant la fin de
l'année. Comme j'ai remis ma démission en mars 1963
(5), ma participation à "Tel Quel" aura été
très brève. (...) "Tel Quel" est lié
pour moi au souvenir de mon amitié avec Pierre de Provenchères
et avec Philippe Sollers. »
1961: il entre chez Havas; il a en charge la promotion et se voit
rapidement confier un poste de direction.
1965 : Marielle, sa femme, décède des suites d'un
cancer du poumon après trois années de souffrance.
Fernand du Boisrouvray entreprend d'écrire un texte. Ces
pages, il les veut parfaites, il remet sans cesse le métier
sur l'ouvrage et de retouches en peaufinages, cet ouvrage ne sera
jamais remis aux bons soins d'un éditeur.
Pourtant à la lecture de "Marielle", ainsi que
s'intitule l'opuscule, Fernand du Boisrouvray atteint sans aucun
doute la qualité qu'il ambitionnait. Un style tendu,
sans afféterie, balisé d'une ponctuation précise
qui donne les saccades du mouvement mais aussi les accents d'une
musique poétique et enfin, cette justesse d'expression
qu'il admirait tant chez Ponge.
"Une jeune femme ferme à clef sa portière,
se redresse, marche: grande, en chandail et pantalons. Gants noirs
comme les bottes. Elle balance à bout de bras un
sac à longue lanière, noir aussi, devant l'asphalte,
les pantalons noirs sur lesquels il se confond, l'asphalte encore
... noir, qui oscille au rythme des longues jambes gainées
de noir ... l'une devant, l'autre en arrière ... devant
... arrière ... devant ... à l'exacte mesure
des hautes jambes qui s'écartent, se rejoignent, s'ouvrent
à nouveau selon le même angle mais dans l'autre sens.
Jambes ... jambes des promeneurs pressés ou lents, arrêtés.
Qui se plient et se déplient. Qui avancent, se rattrapent,
se dépassent et recommencent. Jambes ... jambes qui
bougent et se frôlent l'une l'autre. Jambes qui vont. Jambes.
»
La chasse consolatrice
Au bord du gouffre, Fernand du Boisrouvray abandonne sa carrière
professionnelle en 1970. Peu à peu, avec son père,
il retrouve les chemins de la chasse : la passion de sa jeunesse.
Durant deux saisons il ne fait que chasser et reprend un peu le
goût de vivre car, « la chasse est d'abord le plaisir
de rencontrer des animaux. Mais c'est aussi parfois - et même
assez souvent - celui de découvrir des hommes hors du commun,
sauvages et libres à leur manière, en quelque sorte
non domestiqués, dont le contact offre au citadin comme
un bain de jouvence et de fantaisie, parfois de franche gaieté.
»
Très rapidement, cet intellectuel est effaré par
l'absence d'ouvrages cynégétiques modernes.
Quant aux livres anciens, ils n'étaient pour la plupart
pas réédités. Ainsi vont se joindre les deux
passions de sa jeunesse. Il ajoute à son fusil la
plume qu'il avait un peu délaissée.
1971 : il signe son premier article dans "La revue nationale
de la chasse". Pendant cinq ans il travaille pour "Plaisirs
de la chasse " au sein de laquelle il publie "Pourquoi
la chasse". Une série d'articles qui seront regroupés
dans une brochure de l'Union des fédérations de
chasseurs où il compte un solide ami, Paul Mélen.
Puis, il inaugure "Connaissance de la chasse", collabore
au "Chasseur français", "Le Figaro"
lui offre sa page loisir où il tiendra pendant sept ans
la chronique de la chasse. Sa rigueur intellectuelle et
son esprit d'ouverture en feront un modèle pour ses pairs.
En 1973 sortait le livre qui permet de comprendre la vision de
la nature et de la chasse de Fernand du Boisrouvray: "La
forêt au fil de l'homme". Devenu introuvable,
cette étude développée il y a près
d'un quart de siècle n'a pris aucune ride tant son auteur
voyait loin : un texte remarquable et des photos judicieusement
légendées par les extraits d'oeuvres d'écrivains
et poètes. Fernand du Boisrouvray savait bien que ce qui
subsiste, ce sont les poètes qui le fondent.
Forêt éternelle
De la forêt primitive à la forêt "fabriquée"
par l'Homme, Fernand du Boisrouvray met sa raison, son intelligence
au service de son amour de la Nature. Il va au-delà
des chiffres et statistiques traitant des coupes de bois, du repeuplement,
du taux de fréquentation des citadins dans nos forêts
et des diverses ressources tirées de tout temps par l'Homme
dans l'univers ligneux. Cet écologiste avant la lettre
et non pas "escrologiste", qualificatif dont il affublait
nos contemporains zoolâtres -, développe une critique
pertinente du monde moderne, sans pour autant tomber dans une
vision irénique de la Nature et de l'Homme : « La
forêt n'est pas un spectacle auquel on décide d'assister,
c'est une existence qu'on choisit de partager ; la forêt
ne se regarde pas, elle se vit. C'est pourquoi se promener en
forêt n'est qu'une autre manière de passer à
côté. La promenade est une invention de l'homme moderne
qui n'a pas sa place naturelle dans les bois : jardins et mails
ont été créés spécialement
pour elle. Jamais un Cerf un Renard, une Bécasse ne se
promènent. »
Pour l'auteur, l'équilibre d'un écosystème
tel que la forêt se passe de notions de morale et de citer
Nietzsche : « Il n'y a pas de phénomènes moraux,
il n'y a que des interprétations morales des phénomènes.
» Les chasseurs sont les ultimes gardiens de la vie sauvage,
explique-t-il et « la chasse bien comprise est aussi nécessaire
à la perpétuation de la faune sauvage que l'exploitation
forestière à celle des bois, cette chasse indispensable
au maintien des écosystèmes l'est aussi à
notre culture, poursuit du Boisrouvray qui fait appel au philosophe
espagnol José Ortega y Gasset, celui-là même
qui inspira à José-Maria de Cossio son monumental
dictionnaire tauromachique : " La vie est une compétition
terrible, un atroce et grandiose concours. La chasse plonge
l'homme dans ce mystère formidable et, par /à, touche
au rite ... »
Les recherches de ce Sherlock Holmes de l'art cynégétique
le conduiront à publier et à préfacer de
nombreux ouvrages. Ses axes de travail investissent la plus longue
mémoire: « Cernunnos, le dieu aux bois de Cerf n'était
autre que l'avatar hivernal d'Esus, dieu de la fécondité
et de la fertilité. Mais Cernunnos ne régnait
que sur les enfers et sur les morts. Pour lui permettre
de redevenir Esus et de retourner sur terre, l'hercule gaulois
Smertullus devait immoler le Cerf sacré, libérant
ainsi le dieu de toute attache avec 1'animalité. Chaque
année les Gaulois célébraient l'événement
par une chasse en forêt: cerfs et biches étaient
pris, tués, dépecés ; hommes et femmes se
revêtaient de leurs peaux et dansaient pendant plusieurs
jours. Cette fête est devenue notre carnaval".
Les devoirs du chasseur
Entre la chasse et les chasseurs il mesure l'écart qui
souvent existe : "Beaucoup des trop nombreux chasseurs français
tirent à 1'aveuglette sur tout ce qui vole et qui court
sans autre idéal que de faire du tableau, sans autre technicité
que celle du tir, sans autre frein que disparition du gibier.
La notion de richesse naturelle reste attachée aux animaux
impropres à l'élevage, celle de gibier 100 % artificiel
s'y substitue dans l'autre cas ; les premiers se raréfient
donc inexorablement, les seconds perdent peu à peu toute
résistance et toute sauvagerie. Que de faisans, par
exemple, tiennent aujourd'hui pour moitié du coq de basse-cour
et pour moitié du pigeon d'argile!"
"Réussir le permis de chasser' aux éditions
du Gerfaut, est un modèle du genre. L'examen du permis
de chasser n'est pas fait pour apprendre à chasser. Car
selon Fernand du Boisrouvray, le but de cette épreuve est
plus limité mais plus important : « Donner à
ceux qui veulent avoir le droit de chasser le sens et la connaissance
de leurs devoirs. » Ces devoirs sont les mêmes pour
tout le monde:
- " Respect des règles de sécurité,
qui distingue le chasseur du danger public.
- Respect de la loi et des règlements, qui distingue
le chasseur du braconnier.
- Respect de la faune sauvage qui distingue le chasseur
du massacreur."
Gérard Monot et Jean Berger, ses amis veneurs, soulignent
chez Fernand du Boisrouvray un humour dévastateur.
Il n'est que de lire "La chasse en questions" (6)
pour s'en rendre compte. Ce petit livre illustré
pose des devinettes sur les règles et modes de chasse.
D'un ton drolatique, utilisant les expressions pittoresques, folkloriques,
celles à double sens passées dans le langage courant,
« tant il est vrai que bien des choses de la vie ressemblent
à celles de la chasse. » Si la forme prête
à rire, le fond, lui, est sérieux. Tous les
sujets abordés sont conformes à la biologie du gibier,
au code rural et aux modes de chasse. Seules les règles
de bienséance sont allègrement bafouées.
Le jour baisse
En Roumanie Fernand du Boisrouvray fit la connaissance d'Adrian
Ghinescu. Ensemble, ils vivent au diapason des arbres et
des roseaux, des bruits et des traces, des envols et des fuites.
Tous deux partagent leur inépuisable savoir. En 1
980, Fernand du Boisrouvray adapte et réécrit les
merveilleuses " Histoires de Chasse' du Roumain. Quelques
années plus tard cet ouvrage publié aux éditions
du Gerfaut lui réservera une surprise. « Ces "Histoires
de chasse" ont obtenu en 1981 le prix François Sommer.
Lorsque, après deux années, Ghinescu a pu enfin
obtenir le visa nécessaire, il est venu à Paris
recevoir son prix de Maurice Druon. Au cours de la cérémonie,
ce dernier m'a pris à part. Sachant très bien qu'un
étranger - aussi cultivé soit-il - n'aurait pu écrire
un tel français, il me félicita pour la qualité
inattendue de ma prose et demanda où j'avais bien pu apprendre
à écrire ainsi. je dois dire que ma réponse
le surprit quelque peu. Maurice Druon ne pensait guère
rencontrer à la Maison de la chasse l'un des fondateurs
de "Tel Quel". »
Boisrouvray déploie une activité débordante.
Des entretiens avec Michel Crépeau alors ministre de l'Environnement,
préface de plusieurs livres sur le Cerf (7), son animal
de prédilection, sur lequel il prépare ce qui sera
après "La forêt au fil de l'homme" son
second grand ouvrage "Le Cerf et sa vénerie à
travers les âges". Cette somme tant attendue
est annoncée pour 1997 au Gerfaut. Après des
années de maladie, passées quasi reclus dans son
petit appartement parisien, Fernand du Boisrouvray s'éteint
à l'été 1996 ; le jour baisse. La forêt
de Vierzon a recueilli ses cendres mêlées à
celles de Marielle ...
Par son regard sur le monde, et ce qu'il aura laissé en
héritage à ses contemporains Fernand du Boisrouvray
aura réussi à remplir la mission de service que
Philippe Sollers assignait à "Tel Quel" : "Ne pas mourir de désespoir dans un monde d'ignorance et
de perversion."
Michel Dejus
(1) "L'Infini", printemps 1995, Gallimard
(2) "Le parti pris des choses" de Francis Ponge, collection
PoésielGallimard.
(3) "Histoire de Tel Quel" de Philippe Forest, Seuil,
655 p., 180 F.
(4) "Une vallée sous les nuages", n° 1 printemps
1960. "Pages inécrites", n° 3 automne
1960. "Sur la tombe du surréel", n° 6 été
1961. "Musique et fruits", n° 8 hiver 1962.
"Contre-jour", n° 12 hiver 1963.
(5) Elle ne sera officialisée qu'en février 1967.
(6) "La chasse en question " de Fernand du Boisrouvray,
illustrations de Jean Marcellin, Gerfaut Club.
(7) Notamment la préface du magistral ouvrage de Guy Bonnet
et François Klein, "Le Cerf", éditions
Hatier. Voir le St. Hubert n° 9-p.20.
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