(Article paru dans la revue "Le Saint-Hubert", janvier/février 1997)

Fernand du Boisrouvray,
l'esprit tel quel

Les compétences et le style d'un intellectuel au service de la chasse.
Sur la voie de l'excellence.

 

"Un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche". Cet instantané de Michel Audiard symbolise exactement le contraire de ce qu'était Fernand du Boisrouvray ou plus précisément Fernand de Jacquelot du Boisrouvray, qui n'avait rien de l'intellectuel en chaise longue : " la marche est le moteur de mon activité intellectuelle".
Sa vie, aussi bien littéraire que cynégétique, témoigne d'un talent multiforme.  L'alliage étincelant d'un chercheur rigoureux et la vision avant-gardiste d'un précurseur.  Dans sa jeunesse, il côtoya nombre de ceux qui aujourd'hui sont, à des titres divers, des personnalités incontournables de la littérature et de la presse écrite.

Son père, Charles de Jacquelot du Boisrouvray travaille pour le Cnep (Comptoir National d'Escompte de Paris) l'ancêtre de la B.N.P. Au gré des mutations, il va de ville en ville : Chantilly, Alençon, Orléans, Saint-Quentin, Dijon.  Fernand du Boisrouvray naîtra à Chantilly le 26 septembre 1934.  Si, pour Charles de Jacquelot du Boisrouvray, la banque est un travail, certes intéressant, la chasse est sa passion : presque exclusivement le petit gibier.
Fernand, l'aîné de la famille, emboîte le pas de son père qui lui prodigue les premiers enseignements.  La chasse en plaine dans la région d'Orléans, si propice à ce mode de chasse.  Fernand reçoit des mains de son père sa première carabine avec laquelle il tirera son premier lapin.
Paradoxalement par rapport à cette prime éducation cynégétique, Fernand du Boisrouvray se passionnera - beaucoup plus tard - presque exclusivement pour la chasse au grand gibier et notamment pour le Cerf " tout lion à l'avant, tout lévrier à l'arrière".
La famille installée à Saint-Quentin (Aisne), Fernand du Boisrouvray part à Paris effectuer ses études supérieures.  Après trois ans d'étude , il est diplômé d'H.E.C. en 1958.  C'est à cette
époque que Pierre de Provenchères, lui-même étudiant à H.E.C., lui fait rencontrer son ancien condisciple de l'école Sainte-Geneviève de Versailles, Philippe Joyaux, célèbre à peine plus tard dans les cercles intellectuels parisiens sous le nom de Sollers.
C'était l'ami le plus gai, le plus drôle, le plus chaleureux, le plus généreux. Nous parlions sans cesse de littérature, nous nous amusions.  Sollers m'a fait lire Ponge, Bataille et les surréalistes.  Mais avec lui, j'ai découvert aussi l'Espagne et Tolède, le flamenco et la tauromachie".

Amitiés littéraires

À l'âge qu'il sied pour vouloir faire sauter le carcan et les pesanteurs de la société, les jeunes étudiants élisent la littérature comme lieu de marginalité.  Philippe Sollers assiste aux conférences du poète Francis Ponge à l'Alliance française, boulevard Raspail à Paris.  Il présente à Ponge ses amis Provenchères et Boisrouvray, qui fréquentent à leur tour les cours de l'Alliance française.  L'oeuvre de Francis Ponge imprégnera fortement Fernand du Boisrouvray.
En octobre 1957, "Le défi" de Philippe Sollers paraît dans le n° 3 de la revue "Écrire" dirigée par le découvreur de talent qu'était jean Cayrol.  Le 18 novembre 1958, Fernand du Boisrouvray signe le contrat de son premier texte qui devait paraître en avril 1959 dans le n° 6 d'"Écrire".  Ces pages conçues dans la maison familiale de Philippe Sollers à l'île de Ré, lui sont dédiées.  Signée tout simplement Boisrouvray, à l'instar des prestigieux Saint-Simon et La Rochefoucauld, cette quarantaine de pages s'intitule "Autre chose". Ce n'est point là le gargarisme vaniteux d'une jeunesse qui s'exprime : « Mon ambition - démesurée pour un jeune écrivain - était d'étendre la méthode de Ponge aux sujets de Bataille : parler de ce dont parle Bataille, mais avec cette justesse d'expression qui appartient à Ponge. Je pensais que la littérature pouvait devenir une science et que Ponge avait inventé une algèbre du langage (1). Je vouais un véritable culte à Francis Ponge, l'auteur du "Parti pris des choses" (2) . Ce livre ne quittait pas ma table de chevet et je le connaissais presque par coeur. Je ne renie rien de cette admiration». La justesse d'expression de ce poète est vérifiable à l'envi:
« Le feu fait un classement : d'abord toutes les flammes se dirigent en quelques sens ...
(L'on ne peut comparer la marche du feu qu'à celle des animaux : il faut qu'il quitte un endroit pour en occuper un autre ; il marche à la fois comme une amibe et comme une girafe, bondit du col, rampe du pied) ...
» Puis, tandis que les masses contaminées avec méthode s'écroulent, les gaz qui' s'échappent sont transformés à mesure en une seule rampe de papillons. »
"Autre Chose" déclenche une avalanche de louanges de la part de la critique.  Il est vrai que les premières lignes donnent le ton d'une majesté : « La plage est une géométrie où la rigueur s'effrite. Le vent, la mer, tout ce qui, plus mobile et plus libre, attaque et se retire, altèrent la courbe, plissent la surface, érodent le volume.  L'étrange est que de ces opérations très peu mathématiques naisse la figure. » Émile Henriot de l'Académie française dans "Le Monde" du 1 5 avril 1959 est affirmatif : " "Autre chose". Vous êtes tout de suite averti: vous avez devant vous un chercheur ; un très jeune homme qui veut écrire et ne sachant encore quoi, commence par souhaiter autre chose.  Ce n'est pas mal à 25 ans, de s'exprimer avec cette netteté et cette élégante vigueur, non dénuée d'une aristocratique recherche, dans sa volontaire tension. Je crois assister en lisant ces premières pages assurément très "littéraires " aux savants exercices d'un virtuose futur qui s'applique encore à ses gammes.  Le styliste est déjà formé, et ce qui me plaît dans ces essais d'un inconnu, c'est un sentiment très vif de 1'art de bien dire joint à la volonté de dire juste. »
Jean-René Huguenin dans "Arts" du 29 avril 1959 est plus qu'enthousiaste : « Boisrouvray est l'ambassadeur du bonheur auprès de la poésie.  Après plus de sept mille ans qu'une malédiction pèse sur la poésie, il inaugure peut-être une race nouvelle: celle des poètes bénis".
Manuel de Diéguez dans "Combat" du 9 avril 1959 salue « un jeune auteur capable de faire des gammes avant de se lancer. » Finalement, le 25 juin 1959, Fernand du Boisrouvray se voit décerner le Prix Max Barthou de l'Académie française.

L'épreuve du feu

1958, Fernand du Boisrouvray part accomplir son service militaire. Officier dans l'armée de l'air, il est versé dans une base aérienne.  Las des servitudes de la caserne, il décide de se porter volontaire pour l'Algérie.  Il n'en reviendra qu'en 1961. Détaché auprès d'une unité opérationnelle de recherche depuis septembre 1959, il prend part au démantèlement des organisations rurales urbaines kabyles installées dans les faubourgs d'Alger.  Son comportement dynamique et courageux lui vaut l'attribution de la croix de la valeur militaire avec étoile de bronze.  Le 24 août 1959, l'ami Pierre de Provenchères tombe mortellement blessé en opération en Grande Kabylie. Cette disparition affectera particulièrement Fernand du Boisrouvray et Philippe Sollers.
La guerre d'Algérie aura marqué durablement Fernand du Boisrouvray.  Elle est présente dans "Marielle ", un texte encore inédit écrit en 1970 et consacré à sa femme: "Une patrouille est tombée en embuscade, en Kabylie, perdant cinq morts et deux disparus. C'est écrit en tout petit, je dois approcher la feuille pour mieux lire: le combat fut bref, nos soldats ont riposté, on a retrouvé les traces de sang d'adversaires tués ou blessés, mais pas de corps - les survivants les auront emportés ; une opération est en cours."
En janvier 1960 un contrat est signé entre le Seuil et six jeunes écrivains qui constituent le premier comité de rédaction de la revue "Tel Quel" : Jean-Edern Hallier, Jacques Coudol, Jean-René Huguenin, Philippe Sollers, Renaud Matignon, et ... Fernand du Boisrouvray.
"Pendant plus de deux décennies, "Tel Quel" sera la principale revue de l'avant-garde littéraire et théorique, au long d'une histoire qui reste marquée par une longue série de manifestes radicaux, de débats houleux, de contre-attaques et de changements de caps âprement discutés. Elle sera également jalonnée d'exclusions et de démissions retentissantes." (3)

Le drame d'amour

Boisrouvray ne publia que quelques textes dans "Tel Quel" (4). « En fait, j'ai beaucoup moins participé à l'histoire de "'Tel Quel" qu'à ce que j'ai envie de nommer sa préhistoire.  Quand la revue a été fondée, j'étais déjà en Algérie.  Tout ce que j'ai fait a donc été de signer le contrat de fondation et d'envoyer à Sollers une procuration d'ordre général dont il a fait usage absolument comme il le voulait. (...) Je suis rentré d'Algérie en février ou mars 1961.  Il a fallu que je trouve un métier, un logement, que je m'installe. Je me suis marié. Je n'ai pas dû mettre les pieds au comité avant la fin de l'année. Comme j'ai remis ma démission en mars 1963 (5), ma participation à "Tel Quel" aura été très brève. (...) "Tel Quel" est lié pour moi au souvenir de mon amitié avec Pierre de Provenchères et avec Philippe Sollers. »
1961: il entre chez Havas; il a en charge la promotion et se voit rapidement confier un poste de direction.
1965 : Marielle, sa femme, décède des suites d'un cancer du poumon après trois années de souffrance.  Fernand du Boisrouvray entreprend d'écrire un texte. Ces pages, il les veut parfaites, il remet sans cesse le métier sur l'ouvrage et de retouches en peaufinages, cet ouvrage ne sera jamais remis aux bons soins d'un éditeur.
Pourtant à la lecture de "Marielle", ainsi que s'intitule l'opuscule, Fernand du Boisrouvray atteint sans aucun doute la qualité qu'il ambitionnait.  Un style tendu, sans afféterie, balisé d'une ponctuation précise qui donne les saccades du mouvement mais aussi les accents d'une musique poétique et enfin, cette justesse d'expression qu'il admirait tant chez Ponge.
"Une jeune femme ferme à clef sa portière, se redresse, marche: grande, en chandail et pantalons. Gants noirs comme les bottes.  Elle balance à bout de bras un sac à longue lanière, noir aussi, devant l'asphalte, les pantalons noirs sur lesquels il se confond, l'asphalte encore ... noir, qui oscille au rythme des longues jambes gainées de noir ... l'une devant, l'autre en arrière ... devant ... arrière ... devant ... à  l'exacte mesure des hautes jambes qui s'écartent, se rejoignent, s'ouvrent à nouveau selon le même angle mais dans l'autre sens. Jambes ... jambes des promeneurs pressés ou lents, arrêtés.  Qui se plient et se déplient.  Qui avancent, se rattrapent, se dépassent et recommencent.  Jambes ... jambes qui bougent et se frôlent l'une l'autre. Jambes qui vont. Jambes. »

La chasse consolatrice

Au bord du gouffre, Fernand du Boisrouvray abandonne sa carrière professionnelle en 1970.  Peu à peu, avec son père, il retrouve les chemins de la chasse : la passion de sa jeunesse.  Durant deux saisons il ne fait que chasser et reprend un peu le goût de vivre car, « la chasse est d'abord le plaisir de rencontrer des animaux. Mais c'est aussi parfois - et même assez souvent - celui de découvrir des hommes hors du commun, sauvages et libres à leur manière, en quelque sorte non domestiqués, dont le contact offre au citadin comme un bain de jouvence et de fantaisie, parfois de franche gaieté. »
Très rapidement, cet intellectuel est effaré par l'absence d'ouvrages cynégétiques modernes.  Quant aux livres anciens, ils n'étaient pour la plupart pas réédités. Ainsi vont se joindre les deux passions de sa jeunesse.  Il ajoute à son fusil la plume qu'il avait un peu délaissée.
1971 : il signe son premier article dans "La revue nationale de la chasse". Pendant cinq ans il travaille pour "Plaisirs de la chasse " au sein de laquelle il publie "Pourquoi la chasse". Une série d'articles qui seront regroupés dans une brochure de l'Union des fédérations de chasseurs où il compte un solide ami, Paul Mélen.  Puis, il inaugure "Connaissance de la chasse", collabore au "Chasseur français", "Le Figaro" lui offre sa page loisir où il tiendra pendant sept ans la chronique de la chasse.  Sa rigueur intellectuelle et son esprit d'ouverture en feront un modèle pour ses pairs.
En 1973 sortait le livre qui permet de comprendre la vision de la nature et de la chasse de Fernand du Boisrouvray: "La forêt au fil de l'homme".  Devenu introuvable, cette étude développée il y a près d'un quart de siècle n'a pris aucune ride tant son auteur voyait loin : un texte remarquable et des photos judicieusement légendées par les extraits d'oeuvres d'écrivains et poètes. Fernand du Boisrouvray savait bien que ce qui subsiste, ce sont les poètes qui le fondent.

Forêt éternelle

De la forêt primitive à la forêt "fabriquée" par l'Homme, Fernand du Boisrouvray met sa raison, son intelligence au service de son amour de la Nature.  Il va au-delà des chiffres et statistiques traitant des coupes de bois, du repeuplement, du taux de fréquentation des citadins dans nos forêts et des diverses ressources tirées de tout temps par l'Homme dans l'univers ligneux.  Cet écologiste avant la lettre et non pas "escrologiste", qualificatif dont il affublait nos contemporains zoolâtres -, développe une critique pertinente du monde moderne, sans pour autant tomber dans une vision irénique de la Nature et de l'Homme : « La forêt n'est pas un spectacle auquel on décide d'assister, c'est une existence qu'on choisit de partager ; la forêt ne se regarde pas, elle se vit. C'est pourquoi se promener en forêt n'est qu'une autre manière de passer à côté. La promenade est une invention de l'homme moderne qui n'a pas sa place naturelle dans les bois : jardins et mails ont été créés spécialement pour elle. Jamais un Cerf un Renard, une Bécasse ne se promènent. »
Pour l'auteur, l'équilibre d'un écosystème tel que la forêt se passe de notions de morale et de citer Nietzsche : « Il n'y a pas de phénomènes moraux, il n'y a que des interprétations morales des phénomènes. » Les chasseurs sont les ultimes gardiens de la vie sauvage, explique-t-il et « la chasse bien comprise est aussi nécessaire à la perpétuation de la faune sauvage que l'exploitation forestière à celle des bois, cette chasse indispensable au maintien des écosystèmes l'est aussi à notre culture, poursuit du Boisrouvray qui fait appel au philosophe espagnol José Ortega y Gasset, celui-là même qui inspira à José-Maria de Cossio son monumental dictionnaire tauromachique : " La vie est une compétition terrible, un atroce et grandiose concours.  La chasse plonge l'homme dans ce mystère formidable et, par /à, touche au rite ... »
Les recherches de ce Sherlock Holmes de l'art cynégétique le conduiront à publier et à préfacer de nombreux ouvrages. Ses axes de travail investissent la plus longue mémoire: « Cernunnos, le dieu aux bois de Cerf n'était autre que l'avatar hivernal d'Esus, dieu de la fécondité et de la fertilité.  Mais Cernunnos ne régnait que sur les enfers et sur les morts.  Pour lui permettre de redevenir Esus et de retourner sur terre, l'hercule gaulois Smertullus devait immoler le Cerf sacré, libérant ainsi le dieu de toute attache avec 1'animalité. Chaque année les Gaulois célébraient l'événement par une chasse en forêt: cerfs et biches étaient pris, tués, dépecés ; hommes et femmes se revêtaient de leurs peaux et dansaient pendant plusieurs jours. Cette fête est devenue notre carnaval".

Les devoirs du chasseur

Entre la chasse et les chasseurs il mesure l'écart qui souvent existe : "Beaucoup des trop nombreux chasseurs français tirent à 1'aveuglette sur tout ce qui vole et qui court sans autre idéal que de faire du tableau, sans autre technicité que celle du tir, sans autre frein que disparition du gibier.  La notion de richesse naturelle reste attachée aux animaux impropres à l'élevage, celle de gibier 100 % artificiel s'y substitue dans l'autre cas ; les premiers se raréfient donc inexorablement, les seconds perdent peu à peu toute résistance et toute sauvagerie.  Que de faisans, par exemple, tiennent aujourd'hui pour moitié du coq de basse-cour et pour moitié du pigeon d'argile!"
"Réussir le permis de chasser' aux éditions du Gerfaut, est un modèle du genre.  L'examen du permis de chasser n'est pas fait pour apprendre à chasser. Car selon Fernand du Boisrouvray, le but de cette épreuve est plus limité mais plus important : « Donner à ceux qui veulent avoir le droit de chasser le sens et la connaissance de leurs devoirs. » Ces devoirs sont les mêmes pour tout le monde:
- " Respect des règles de sécurité, qui distingue le chasseur du danger public.
-  Respect de la loi et des règlements, qui distingue le chasseur du braconnier.
-  Respect de la faune sauvage qui distingue le chasseur du massacreur."
Gérard Monot et Jean Berger, ses amis veneurs, soulignent chez Fernand du Boisrouvray un humour dévastateur.  Il n'est que de lire "La chasse en questions" (6)  pour s'en rendre compte.  Ce petit livre illustré pose des devinettes sur les règles et modes de chasse.  D'un ton drolatique, utilisant les expressions pittoresques, folkloriques, celles à double sens passées dans le langage courant, « tant il est vrai que bien des choses de la vie ressemblent à celles de la chasse. » Si la forme prête à rire, le fond, lui, est sérieux.  Tous les sujets abordés sont conformes à la biologie du gibier, au code rural et aux modes de chasse.  Seules les règles de bienséance sont allègrement bafouées.

Le jour baisse

En Roumanie Fernand du Boisrouvray fit la connaissance d'Adrian Ghinescu.  Ensemble, ils vivent au diapason des arbres et des roseaux, des bruits et des traces, des envols et des fuites.  Tous deux partagent leur inépuisable savoir.  En 1 980, Fernand du Boisrouvray adapte et réécrit les merveilleuses " Histoires de Chasse' du Roumain.  Quelques années plus tard cet ouvrage publié aux éditions du Gerfaut lui réservera une surprise. « Ces "Histoires de chasse" ont obtenu en 1981 le prix François Sommer.  Lorsque, après deux années, Ghinescu a pu enfin obtenir le visa nécessaire, il est venu à Paris recevoir son prix de Maurice Druon. Au cours de la cérémonie, ce dernier m'a pris à part. Sachant très bien qu'un étranger - aussi cultivé soit-il - n'aurait pu écrire un tel français, il me félicita pour la qualité inattendue de ma prose et demanda où j'avais bien pu apprendre à écrire ainsi. je dois dire que ma réponse le surprit quelque peu. Maurice Druon ne pensait guère rencontrer à la Maison de la chasse l'un des fondateurs de "Tel Quel". »
Boisrouvray déploie une activité débordante.  Des entretiens avec Michel Crépeau alors ministre de l'Environnement, préface de plusieurs livres sur le Cerf (7), son animal de prédilection, sur lequel il prépare ce qui sera après "La forêt au fil de l'homme" son second grand ouvrage "Le Cerf et sa vénerie à travers les âges".  Cette somme tant attendue est annoncée pour 1997 au Gerfaut.  Après des années de maladie, passées quasi reclus dans son petit appartement parisien, Fernand du Boisrouvray s'éteint à l'été 1996 ; le jour baisse.  La forêt de Vierzon a recueilli ses cendres mêlées à celles de Marielle ...
Par son regard sur le monde, et ce qu'il aura laissé en héritage à ses contemporains Fernand du Boisrouvray aura réussi à remplir la mission de service que Philippe Sollers assignait à "Tel Quel" : "Ne pas mourir de désespoir dans un monde d'ignorance et de perversion."

Michel Dejus

(1) "L'Infini", printemps 1995, Gallimard
(2) "Le parti pris des choses" de Francis Ponge, collection PoésielGallimard.
(3) "Histoire de Tel Quel" de Philippe Forest, Seuil, 655 p., 180 F.
(4) "Une vallée sous les nuages", n° 1 printemps 1960.  "Pages inécrites", n° 3 automne 1960. "Sur la tombe du surréel", n° 6 été 1961.  "Musique et fruits", n° 8 hiver 1962. "Contre-jour", n° 12 hiver 1963.
(5) Elle ne sera officialisée qu'en février 1967.
(6) "La chasse en question " de Fernand du Boisrouvray, illustrations de Jean Marcellin, Gerfaut Club.
(7) Notamment la préface du magistral ouvrage de Guy Bonnet et François Klein, "Le Cerf", éditions Hatier.  Voir le St. Hubert n° 9-p.20.

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