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Les aventures de d'Artagnan
d'après ses mémoires adaptés pour la jeunesse

Maurice Coriem
J.-J. Pichard (illustrateur)

92 pages
Librairie Gründ - 1938 - France
Roman

Intérêt: *

 

Ce volume est typique d'une démarche très répandue aux motivations diverses: exploitation du mythe d'Artagnan de Dumas, volonté de rétablir la vérité historique, souci de préserver une dimension romanesque au personnage.

Ces préoccupations quelque peu contradictoires engendrent un récit directement inspiré des Mémoires de M. d'Artagnan de Courtilz de Sandras, largement simplifié puisqu'il s'agit d'un livre "pour la jeunesse", et écrit "comme un roman" avec dialogues, etc...

L'ensemble se lit bien, et les nombreuses illustrations de Pichard donnent du charme au volume.

Extrait du chapitre premier Un ridicule équipage. Un premier duel qui finit par une bastonnade. A Paris. Je rencontre Porthos, Athos et Aramis. Mon premier vrai duel. Le baudrier à deux faces. Un deuxième duel.

Il y avait alors, sur la route de Blois à Orléans un garçon de quelque seize ans, pauvre d'habit, s'efforçant au bon air et trop fièrement monté sur une rossinante étique.

Quand je revois ce jouvenceau touchant et ridicule, je me reconnais avec émoi et confusion.

Deux semaines plus tôt, mon père m'avait donné sa bénédiction avec une grande largesse et quantité prodigieuse de bons conseils. Il avait été modéré pour d'autres dons.

Par lui, j'avais eu douze écus au fin fond de ma poche et, sous mon séant, la selle fort usagée déjà d'une jument plus âgée encore qui avait coûté dix-sept livres quelques années plus tôt.

- Tu es un cadet, m'avait assuré, mon père. J'ai connu un voisin moins pourvu que toi en monture, en noblesse et en pécune qui est parti à âne, avec une vieille malle, d'ailleurs vide, et qui, parvenu en cet équipage à Paris, a fait fortune à la Cour en réussissant à la fin à devenir officier.

Il avait ajouté:

- Tu dois être fier. L'orgueil est le bon capital des gueux. Ne reste pas sur un outrage.

Dans le moment qu'il m'embrassait, alors que j'avais le pied à l'étrier, il me glissa une enveloppe:

- C'est un trésor, fit-il encore, que je te donne-là.

Quoique l'enveloppe fut mince, je me réjouissais cependant.

Au premier tournant de la haie je m'empressai à l'ouvrir. Mais je n'y trouvai qu'une lettre portant cachet de notre blason, qui me recommandait à un certain M. de Tréville dont j'avais ouï parlé parce qu'il était un peu, comme on dit, "de par chez nous". Il était capitaine d'une compagnie des mousquetaires du Roi.

J'étais un garçon fort respectueux et révérencieux de la puissance paternelle. Je ne me plaignis pas de l'insuffisance du talisman et je me résolus au contraire à mettre incontinent tout en oeuvre pour donner à mon père une satisfaction qui me satisferait moi-même. L'honneur est chose gratuite. Je voulus une affaire au plus tôt, afin de châtier un outrage sans désemparer. D'autant que ce M. de Tréville, qui m'apparaissait considérable, ne manquerait pas, pour autant, de me juger avec faveur.

L'occasion ne tarda pas, tant je la cherchais. C'est précisément en ce lieu où je viens de me placer, entre Blois et Orléans, juste en un pays qui se nomme Saint-Dié, que je rencontrai cette première aventure de route.

Je remontais la rue et mon bidet baissait la tête, mal assuré sur ses paturons; mais moi, fort retroussé et l'oeil aussi hardi que je l'avais pu. Je me persuade aujourd'hui que ma mine devait être assez comique. A ce moment, je le redoutais seulement, car je n'étais pas sot à ce qu'on assurait.

Bref, un quidam, qui portait épée, se prit à me rire au nez en me voyant. Je bondis à terre aussitôt, fort échauffé.

- Holà! m'écriai-je! je vais vous couper votre rire et la gorge, foi de gentilhomme Gascon et, de plus, un peu Béarnais!

J'avais mis l'épée à la main et j'en poursuivais mon homme, qui se retirait sans se retourner, soit qu'il se souciât peu de la menace d'un enfant, soit plutôt, comme je l'ai toujours cru, qu'il fût peu rassuré. Comme je ne pouvais le percer autrement qu'en face et qu'il me présentait pile, je lui baillai un grand coup de pom-meau sur la tête afin de l'inviter à se détourner pour suivre avec moi une conversation à coups d'épée.

Mais, dans le même moment, je reçus une volée de coups de bâton. L'homme était en face de chez lui, qui était une fort belle maison à donjon, quelque peu castel, et ses serviteurs, le voyant ainsi entrepris, accouraient à sa délivrance. Je tombai. Cependant je ne demeurai pas sur le pavé, bien vite relevé par des exempts de police qui me conduisirent droit en prison, sans se soucier de mon cheval ni des fontes de ma selle où j'avais serré mon linge. Je crois bien que je serais encore aujourd'hui dans cet humide ergastule où je restai abandonné si un bon curé du lieu qui me prit d'abord pour un affreux scélérat, un coupe-bourse, un tire-laine ou quelque chose dans ce genre, ne m'était venu voir pour m'exhorter au bien.


 

 

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