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La fille de Monte-Cristo
A priori, voilà qui peut sembler surprenant: un roman qui se présente comme une suite directe du Comte de Monte-Cristo et dans lequel on ne trouve quasiment pas d’aventure, d’action ou de suspense. Plus étonnant encore: le livre ne manque pas pour autant de charme. Le roman décrit en fait la vie de Monte-Cristo et de ses amis pendant une vingtaine d’années après la fin du livre de Dumas. Le comte s’est marié avec Haydée et a acheté le «sultanat indépendant» de Ghoulpore, dans le nord de l’Inde, où il règne en souverain. Ils ont une fille, prénommée Lakmî. Autour d’eux gravitent leurs amis. Maximilien Morrel, qui fait une brillante carrière militaire en Algérie, sa femme Valentine et leur fils Albert, légèrement plus âgé que Lakmî; Julie Morrel et son mari Emmanuel Herbaut; Albert de Morcerf qui, sous le nom d’Herrera, fait lui aussi une carrière militaire en Algérie; sa mère, Mercédès. Tout ce petit monde se retrouve fréquemment pour de longs séjours dans l’île de Monte-Cristo, qui a été aménagée en lieu de vacances paradisiaques. Et les amis du comte vont également souvent dans son «royaume» indien. Grosso modo, la vie de tous est heureuse. Le comte domine le petit groupe de sa stature d’homme tout puissant. Désormais apaisé, sa vengeance menée à son terme, il se consacre au bonheur de son peuple et de ses amis. Les jeunes ménages vivent dans la félicité, Mercédès est accueillie à bras ouverts par Haydée, qui ne lui en veut pas du tout d’avoir été le premier amour d’Edmond Dantès. Seul Albert est dans une situation un peu plus difficile. Après avoir éprouvé une gêne certaine vis-à-vis d’Haydée – qui a causé le déshonneur et le suicide de son père – il a finalement cédé à une passion secrète pour celle-ci. Bref, tout ne serait que luxe, calme et amitié si une ombre du passé, quelque peu inquiétante, ne se manifestait de temps en temps: Benedetto, l’ancien forçat. Celui-ci rôde en effet autour de Monte-Cristo, animé d’intentions confuses. Parfois hostiles, comme quand il essaye apparemment d’enlever Lakmî sur l’île de Monte-Cristo (mais il s’enfuit tout de suite), parfois plus ou moins amicales, comme le jour où il envoie des cadeaux au comte, à Ghoulpore. Ali et Bertuccio, qui veillent sur leur maître, ne demanderaient pas mieux que de l’éliminer, mais Monte-Cristo les en empêche: il ne veut plus de violence. C’est finalement Benedetto qui est à l’origine du seul drame du livre. Alors que Haydée, Lakmî et Albert Morrel ont été capturés par des brigands, en Inde, il joue les intermédiaires pour les faire libérer contre rançon. Persuadé que Benedetto a été en fait l’instigateur de l’enlèvement, Ali tente de le poignarder. Paniqué, Benedetto frappe Haydée d’un coup de couteau. La longue agonie de Haydée donne à Monte-Cristo l’occasion de se détacher encore plus du monde. A la mort de sa femme, il va s’enfermer dans un monastère tibétain, pour n’en plus jamais ressortir, laissant son royaume à sa fille, qui épouse Albert Morrel.
Curieusement, ce récit hésitant et peu structuré a pourtant son charme. La figure d’un Monte-Cristo apaisé, tourné vers l’amitié et la méditation, est séduisante. Un personnage intéressant prend de plus en plus d’importance au fil du roman: Amithrâ, sage indien et ascète, qui initie Monte-Cristo à la spiritualité orientale. Une jolie trouvaille: Amithrâ lui révèle que c’est auprès de lui que, longtemps auparavant, l’abbé Faria a acquis sa propre sagesse et sa clairvoyance… Sans être un chef d’œuvre, La fille de Monte-Cristo (où, soit dit en passant, Lakmî ne joue pas du tout un rôle prépondérant) constitue donc une conclusion tout à fait honorable au roman de Dumas, et en tout état de cause beaucoup plus réussie que Les filles de Monte-Cristo, écrit un peu dans le même esprit. Un grand merci à Vincent Mollet
pour le prêt de ce livre.
Sur la terrasse embaumée de jasmin et de myrte, où les deux couples étaient venus goûter la douceur d'une soirée ineffable, ils écoutaient le silence de la nuit, la rumeur assoupie de la mer et cette mélopée, harmonisée par la brise, qui semble sourdre parmi les étoiles. Chacun d'eux retenait son souffle, comme pour entendre glisser jusqu’à lui une présence double, appelée de tous leurs vœux. — Convenez, Valentine laissa doucement tomber Julie, dont la santé avait encore toute la sécurité du bonheur, que nous allons passer une mauvaise nuit; nous attendrons la venue de nos chers visiteurs. Chaque appel de chevreau ou de chèvre nous éveillera en sursaut. — Ils n'auront pas voulu, précisément, expliqua l'officier, nous arriver dans les ténèbres. Que pourriez-vous dire à votre amie Haydée, dans une ombre assoupie, qui paralyserait l'élan de votre cœur? — Ce serait, en effet, murmura la femme de Maximilien, comme un voile sur une félicité qui doit avoir l'éclat du grand jour. Certainement, tant je serais saisie, je ne saurais que lui dire. — Eh! quoi, Valentine, répondit derrière elle une voix, une voix grave et douce, vous ne nous crieriez même pas que vous m'aimez toujours! Quatre cris en un seul jaillirent du groupe qui s'était levé tout à coup. Il voyait se dresser devant lui la silhouette d'un homme de haute taille, dont les yeux étincelaient dans la nuit, tandis que, se détachant de son épaule, les bras d'une femme à la fine silhouette se tendaient vers les veilleurs éperdus. — Haydée! avait jeté Valentine. Mais, déjà Bertuccio, qui guidait les deux Hindous jusqu'à la terrasse haute, avait couru chercher des flambeaux et, dans la confusion de tant de joies épanouies en questions sans réponse, la surprise de tous s'exprimait en tendresses volubiles. — Oui, convenait le Maître, nous avons voulu vous surprendre. Grâce à Jacopo, nous avons pu nous ancrer dans la crique et débarquer après la nuit tombée. Ah! vous êtes un magicien, Maximilien, je ne me reconnais plus sur mon ancien récif sauvage. Vous en avez fait un jardin anglais autour d'un palais de féerie. — J'ai seulement, ô mon Maître, murmura Morrel, voulu y perpétuer le bienfait qui m'a rendu la vie et réconcilié avec le bonheur! — Je vois, Mesdames, murmura Monte Cristo, dont les paroles tremblaient un peu, que je n'ai pas besoin de vous présenter Haydée. — Voilà si longtemps que nous parlons d'elle! fit Valentine. Chacun de nous, ici, la connaît de tout son cœur! L'intimité immédiate des six amis s'extériorisait déjà de l'un à l'autre avec la facilité d'une très douce habitude. Les insulaires, tout en prodiguant leurs soins de bienvenue à leurs hôtes, ne cessaient point d'admirer la jeune Grecque. Valentine, elle-même, dont elle gardait les mains dans les siennes, s'émerveillait de la découvrir si jeune toujours, si rayonnante surtout de charme et de beauté. — Enfin, exhala-t-elle dans un élan de joie indicible, vous ici, tous deux! Nous n'avons plus rien à demander au ciel. Mais est-ce possible, et ne rêvons-nous pas ? — Oui, dit Monte-Cristo, nous avons, nous aussi, enfin réalisé le plus cher de nos rêves. Nous ne nous sommes, pourtant, pas séparés de notre enfant, confiée à des nourrices dévouées et sûres, sans un déchirement que vous comprenez. Mais je ne vois pas votre fils, Morrel. — Il est resté à Alger, où je l'enverrai prendre dans quelques jours. Les regards des deux hommes se croisèrent avec la même pensée. Le comte avait imaginé que l'affection de ses amis pour Mercédés l'aurait emmenée jusqu'à l'îlot édénique. — Les Herrera vont bien, précisa l'officier; mais ils ont demandé à ne nous rejoindre que lorsque vous aurez renoué avec nous toute notre intimité de Paris. Albert vient d'être promu lieutenant. I1 continue à gagner, jour après jour, une gloire qui nous fait trembler; s'il était tué, dans quelque combat des frontières, sa mère en mourrait aussitôt. |
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