Le Porteur d’histoire
Créée en 2011, cette pièce est la première d’Alexis Michalik. Cet auteur metteur en scène a depuis remporté deux grand succès avec Le cercle des illusionnistes et surtout Edmond, pièce consacrée à Edmond Rostand et à la création de Cyrano de Bergerac. Le Porteur d’histoire a elle même été une grande réussite. Récompensée par deux Molière en 2014 (meilleur auteur, meilleure mise en scène du théâtre privé), la pièce est jouée depuis à peu près sans interruption. Il s’agit d’une pièce complexe, construite sur un enchevêtrement d’histoires et de récits mêlant une multitude d’époques, de lieux et de personnages, parfois pour quelques répliques seulement. Les cinq acteurs, trois hommes et deux femmes, pour laquelle elle est conçue se répartissent environ 36 rôles… L’«intrigue» est difficilement résumable. La trame principale se passe en 2001 quand un inconnu débarque chez Alia et sa fille Jeanne dans un trou perdu au fin fond de l’Algérie. Il raconte aux deux femmes une histoire folle : en 1988, à la mort de son père, il a trouvé, en l’enterrant, un cercueil plein de livres, en fait des carnets manuscrits, dans une tombe portant comme seul nom «Antès». Ces carnets racontent eux mêmes une histoire encore plus folle : la vie d’Adélaïde Edmonde de Saxe de Bourville, dernière descendante, au début du XIXème siècle, d’une très ancienne famille illustre et richissime. Cette famille est une émanation d’une société secrète millénaire qui a accumulé un trésor colossal pour œuvrer à la promotion de l’éducation et de la liberté des peuples. Ce trésor a été caché et Adélaïde sillonne le globe à sa recherche, et notamment l’Algérie. Après l’avoir trouvé, Adélaïde a de nouveau caché le trésor et ce dernier a été retrouvé par le narrateur. Celui-ci entraine Alia et sa fille dans un périple et leur révèle qu’elles sont les dernières descendantes des Saxe de Bourville et les héritières du fabuleux trésor. Des récits enchevêtrés donnent des éclaircissement sur l’histoire de la société secrète, la famille Saxe de Bourville, la recherche du trésor par les autorités françaises au XIXème siècle (qui justifie l’invasion de l’Algérie en 1830 !). Scène essentielle dans les carnets d’Adélaïde : sa rencontre, dans la diligence allant de Villers-Cotterêts à Paris, en 1822, avec un jeune homme alors inconnu, un certain Alexandre Dumas. Les deux voyageurs parlent d’histoire, de littérature. De fil en aiguille, la jeune femme confie à Dumas son histoire, sous le sceau du secret le plus absolu. Les deux personnages se font réciproquement un cadeau sans prix. Adélaïde donne à Alexandre l’idée de «raconter des histoires si extraordinaires qu’un chapitre seulement paraîtrait chaque matin, et que ce chapitre serait si passionnant que l’on devrait acheter le journal suivant, pour connaître la suite» (voir extrait ci-dessous). En sens inverse, comme Adélaïde dit à Alexandre vouloir changer son nom de famille, le sien étant trop connu, il lui «donne» le nom «Antès» - à rapprocher évidemment de ses prénoms Adélaïde Edmonde qu’elle conserve… A la fin du trajet, tous deux promettent de rester en contact et Dumas recevra toute sa vie des carnets autobiographiques d’Adélaïde. Parmi les nombreux fragments imbriqués dans les récits principaux figurent une expédition d’Adélaïde en Algérie en 1832, incluant une apparition d’Eugène Delacroix, le réveillon de 1830 au Palais-Royal avec Dumas et le même Delacroix, une intervention de Joseph Balsamo auprès de la reine Marie-Antoinette, les papes Clément VI à Avignon en 1348 et Sixte II à Rome en 258, Dumas fils chez lui en 1870 peu avant la mort de son père, etc. Ce qui compte vraiment, cependant, ce n’est pas le fil du récit mais la virtuosité avec laquelle se combinent toutes les «briques» typiques des romans feuilletons. Les histoires s’encastrent les unes dans les autres à la manière des Contes des Mille et une Nuits. Mais l’habileté de l’auteur est telle que l’on ne se perd jamais dans ce dédale. Alexandre Dumas joue un rôle central dans la pièce. Outre la scène clé de la diligence, on le voit dans plusieurs autres scènes, on parle de lui, on cite souvent ses œuvres, notamment Le comte de Monte-Cristo. Mieux encore, la fin de la pièce est ouverte à (au moins) deux interprétations. Dans l’une, l’histoire d’Adélaïde de Saxe de Bourville est vraie, le trésor existe, Alia et Jeanne en sont bien les héritières ; dans l’autre, toute l’histoire des Saxe de Bourville a été inventée par Dumas car les carnets d’Adélaïde sont en fait de sa main. Dans cette dernière hypothèse, c’est Dumas qui serait le vrai « Porteur d’histoire ». Vue au théâtre, la pièce est un régal qui emporte le spectateur dans la volupté du conte grâce à une mise en scène qui assure fluidité et clarté. Il est donc infiniment souhaitable de découvrir l’œuvre sur scène : la seule lecture du texte risquerait de donner une certaine impression de confusion. On voit bien que la pièce a été écrite par un metteur en scène qui savait comment faire passer ce qui, imprimé sur le papier, peut sembler partir dans tous les sens. Pour ceux qui ne peuvent voir la pièce, une alternative inhabituelle existe : une version en bande dessinée. Le dessinateur Christophe Gaultier a réalisé une remarquable adaptation : le texte de Michalik est repris de façon presque intégrale et la mise en image assure une parfaite lisibilité. Du point de vue particulier de pastichesdumas.com, Le Porteur d’histoire est en tout cas un superbe hommage à Alexandre Dumas et à son exceptionnel talent de conteur. Lire la grande interview accordée par Alexis Michalik à pastichesdumas.
Extrait de la scène 20 Route de Paris Villers-Cotterêts, 1822 ADÉLAÏDE ALEXANDRE ADÉLAÏDE ALEXANDRE ADÉLAÏDE ALEXANDRE ADÉLAÏDE ALEXANDRE ADÉLAÏDE ALEXANDRE ADÉLAÏDE ALEXANDRE ADÉLAÏDE (plus légère) Et vous, qui êtes-vous ? Quel âge avez-vous ? Vous montez à Paris pour la première fois ? ALEXANDRE ADÉLAÏDE ALEXANDRE ADÉLAÏDE ALEXANDRE ADÉLAÏDE ALEXANDRE |
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