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Le Rêve de d’Artagnan

Paul Cayrou

4 pages
Imprimerie G. Richard - 1895 - France
Pièce de thêatre

Intérêt: *

 

 

Voici un texte bien inhabituel: une saynète en vers, longue de quatre pages seulement mais qui a fait l’objet d’une plaquette imprimée et reliée. L’œuvre est décrite ainsi: « Scène Écrite pour la Réunion Annuelle de la Société du ‘Contre de Quarte’ à l’Hôtel Continental le 22 février 1891 ». La Société du « Contre de Quarte » était une association d’escrimeurs pratiquant exclusivement l’épée (par opposition au fleuret, par exemple), active à la fin du XIXème siècle.

Le Rêve de d’Artagnan se présente donc comme une très brève scène de théâtre à deux personnages décrits ainsi: « D’Artagnan, Capitaine aux Mousquetaires du Roy » et « La Voix ».

Mort, le mousquetaire se réveille brusquement « dans son suaire ». Il veut rêver au « beau pays de France » quand il est interpellé par « La Voix ». Avec l’aide de celle-ci, d’Artagnan évoque le Paris d’autrefois, les femmes et l’amour. Puis il se souvient avec autant de nostalgie de ses guerres et des glorieuses victoires de la France. Ayant identifié la Voix comme étant celle de la Patrie, il demande à celle-ci de lui raconter les victoires et les exploits des jeunes soldats d’aujourd’hui. Choc:

« Mais ta voix est muette!
Ah! cruelle douleur! hélas, c’est la défaite;
La France est morte… »

La Voix (ou la Patrie, comme on veut) le rassure: le salut réside dans les valeurs du passé, celui du siècle de d’Artagnan où les mousquetaires portaient « le culte de l’Epée et l’amour de la Femme ». Suit un éloge de l’épée. Quand on en a une en main,

« on a le corps plus vigoureux,
Dans les veines circule un sang plus généreux ».

L’épée est aujourd’hui « l’espoir de la Patrie », c’est en quelque sorte l’escrime qui sauvera la France. S’ensuit un éloge de multiples personnes (Mérignac, Berrétrot, Sauze, Prévost, Ruzé père à qui le texte est dédié…). Tous ces noms peuvent être identifiés comme ceux d’escrimeurs connus à l’époque.

D’Artagnan salue ces hommes d’épée avant que la Voix ne proclame que cette arme

« Est le feu qui réchauffe et fait grandir notre âme;
En attisant toujours sa généreuse flamme,
Nous vous ressemblerons, ô victorieux morts ».

Sur quoi d’Artagnan replonge dans la mort, mais heureux d’avoir « rêvé de France!!! »


Ce texte plutôt étrange, aux vers carrément médiocres et grandiloquents, est donc clairement destiné à l’étroite communauté des pratiquants de l’épée de la « Société du Contre de Quarte ». On peut supposer que les escrimeurs nommés dans le texte faisaient partie de cette association. L’allusion très rapide à la défaite et à la mort de la France renvoie sans doute à la débâcle de 1870 face aux armées prussiennes. Les escrimeurs de 1895 sont donc appelés à s’inspirer de leur auguste prédécesseur d’Artagnan pour œuvrer à restaurer la gloire de la France, l'épée à la main. A cet égard, ce bref texte s’inscrit dans la vision très datée que l’on rencontre parfois d’un d’Artagnan patriote, symbole des grandeurs du pays…
Merci à Mihai-Bogdan Ciuca de m’avoir fourni ce texte.

Extrait

LA VOIX
Non.  - Comme tu te souviens, 

La Patrie, elle aussi, se rappelle les siens, 

Surtout ceux comme toi qui sont tombés pour Elle,

Frappés dans la Victoire… au souvenir fidèle, 

Dans son affliction, fière, vers le passé,

Heureuse, elle jette un regard jamais lassé! 

C’est ainsi qu’elle vit, en attendant l'aurore

Des jours victorieux, et qu’elle espère encore.

Ton siècle, chevalier d’Artagnan, fut charmant;

Nous deviendrons meilleurs et vainqueurs en l'aimant,

Ce temps où vous portiez, Mousquetaires, dans l'âme, 

Le culte de l’Épée et l’amour de la Femme.

La Femme, être faible, est digne de nos efforts,

Car défendre le faible appartient aux cœurs forts.

L’Épée! ainsi qu’on voit dans un ciel noir d'orage 

L’éclair éblouissant qui jaillit du nuage, 

Quand l’orage est au cœur, l’Épée est un éclair 

Qui passe fulgurant et rapide dans l'air: 

Le sang coule… alors le ressentiment s’apaise, 

On pardonne, on oublie: oh! l’Épée est française…

 


 

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