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Le beau d’Artagnan et son époque

Charles Quinel
Adhémar de Montgon
Jobbé-Duval (illustrateur)

190 pages
1930 - France
Roman

Intérêt: *

 

Contrairement à ce que le titre pourrait faire croire, ce livre n'est pas un ouvrage historique destiné à brosser un portrait du vrai d'Artagnan et de son siècle. Ou alors, très partiellement... Car s'il s'agit bien ici d'évoquer la vie du mousquetaire, c'est de façon totalement romancée.

Il semble en fait que les deux auteurs se soient fixé comme objectif de rendre leur récit aussi passionnant qu'un roman de Dumas. Ce qui les amène à traiter leur sujet avec une certaine fantaisie...

La première scène voit ainsi d'Artagnan, en disgrâce dans son château croulant de Gascogne, recevoir la visite de son vieil ami Cyrano de Bergerac avec qui, plus par désoeuvrement que pour une autre raison, il se bat en duel.

Les exploits de d'Artagnan sont ensuite évoqués par une succession de chapitres le plus souvent sans lien. On y voit le héros secourir des jeunes filles en détresse, sauver la Reine et ses enfants, s'introduire masqué dans les réunions des conjurés de la Fronde, se faire passer pour un cuisinier pour espionner l'ambassadeur de France à Londres, etc...

Un vague fil conducteur est fourni par deux femmes, Mme de Miramion qui refuse de l'épouser, et Mme de Tourny, avec qui il se marie.

Bien écrit et comportant des scènes amusantes, Le beau d'Artagnan et son époque, qui accumule les épisodes romanesques sans la moindre véritable intrigue, est cependant bien décevant.

Cet ouvrage a été réédité en 1946 avec une nouvelle couverture arborant le titre D'Artagnan. Mais le contenu est strictement identique, y compris le titre Le beau d'Artagnan et son époque dans les pages intérieures.

Extrait du chapitre 12 Un poulet dans un oeuf offert au Roi

Pendant ce temps, d'Artagnan (emprisonné à la Bastille par une machination de Mazarin, NDLR) se desséchait d'ennui et de colère. Cependant il avait quitté son cachot et avait été logé dans une chambre confortable tout en haut de la forteresse. Il n'avait plus pour seule compagnie que son geôlier, mais encore la fille de celui-ci, une gentille blonde de quinze ans nommée Juliette. Souvent elle le promenait dans son domaine qui était la plate-forme d'une tour juste au-dessus de la chambre du prisonnier.

Là elle entretenait un magnifique poulailler peuplé de gallines de toutes sortes et dont elle n'était pas médiocrement fière.

Sa fierté fut à son comble quand elle apprit qu'elle serait admise à l'honneur de porter un jour au Roi six oeufs de son élevage. Louis XIV avait été incommodé de légers maux d'estomac dus à la croissance - il avait alors quinze ans -. Les médecins lui avaient ordonné de gober tous les jours une demi-douzaine d'oeufs crus, il fallait naturellement qu'ils fussent de première fraîcheur.

Aussitôt était née chez les propriétaires de basse-cour, non seulement de Saint-Germain mais encore de tous les environs de Paris, une émulation à qui fournirait au Roi ces oeufs frais pondus. Il y avait tant d'offres qu'il fallut faire un tour parmi les éleveuses qui briguaient cette faveur d'autant plus recherchée que l'on était admis à faire hommage soi-même de son présent au Roi qui remerciait d'un mot aimable et d'un menu cadeau.

C'était aujourd'hui le tour de Juliette. Elle avait confectionné de ses mains un joli petit panier en osier tressé orné de faveurs roses et elle avait emmené son beau prisonnier, qui lui inspirait un intérêt très vif, choisir les oeufs pour la table royale.

D'Artagnan donna son avis, il aida même à disposer les oeufs dans la corbeille et Juliette partit pour Saint-Germain avec son fragile fardeau dans le carrosse du gouverneur.

Le Roi avait ce matin grand appétit, il prit plaisir à gober ces oeufs de la Bastille particulièrement gros et laiteux. Il en était à son troisième, quand, en perçant la coquille avec la pointe de son couteau, il s'aperçut que du sable fin s'en échappait.

Une poule qui garnit ses oeufs avec du sable n'est pas chose ordinaire, le jeune monarque brisa complètement la coque et il en tira, au milieu du sable, un billet qu'il s'empressa de déplier. Voici ce qu'il y lut:

"Sire,
Un pauvre cuisinier italien languit à la Bastille. Il ressemble comme un frère à un gentilhomme qui eut l'honneur de sauver Votre Majesté quand Elle avait cinq ans. Si Votre Majesté daignait jeter les yeux sur lui, Elle lui rendrait certainement justice."

Le Roi stupéfait donna l'ordre que le prisonnier lui fût amené tout de suite. Mazarin accourut, voulut élever quelques objections. Il parla de l'audace des espions, il ajouta que celui-ci, à en croire les rapports de Londres, était particulièrement dangereux. Le Roi exigea d'être obéi.

Amené à Saint-Germain, d'Artagnan fut aussitôt reconnu. Louis XIV l'admit dans son cabinet et lui fit raconter toute son histoire depuis son embarquement jusqu'au moment où il glissa dans le panier de Juliette un oeuf vidé et rempli de sable - pour faire le poids - dans lequel il avait introduit son billet, à la place d'un des oeufs frais pondus que la jeune fille destinait au Roi.

Mazarin écouta ce récit l'oreille basse. Il jura qu'il y avait eu méprise, mais le Roi le prit fort mal et lui ordonna de donner à d'Artagnan sur sa cassette personnelle un bon nombre de louis d'or, ce qui était bien le châtiment qui le pouvait le mieux toucher.


 

 

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