Le déjeuner des trois mousquetaires Comédie en un acte
Meryem Cecil
67 pages 1935 - France Humour - Pièce de thêatre
Intérêt: 0
Note: l’édition en notre possession est datée de 1935,
mais il s’agit de la sixième édition de l’ouvrage. Celui-ci
ne semblant pas figurer dans les fichiers de la Bibliothèque nationale,
nous ne savons pas de quand date la première édition.
Cette brève pièce de théâtre repose sur un argument
des plus simples: d’Artagnan vient d’être reçu
mousquetaire et veut fêter l’événement avec ses
trois amis. Problème: aucun n’a le moindre argent pour financer
les agapes et les commerçants du quartier refusent de faire crédit à Planchet.
Pour tenter de trouver des fonds, les mousquetaires entreprennent
alors de donner des cours particuliers à des boutiquiers des environs:
Aramis donne des leçons de bonnes manières à un
marchand de laine qui doit faire des démarches en haut lieu; Porthos enseigne quelques notions d’escrime à un charcutier
qui veut se battre; Athos fait des vers pour un apothicaire qui
courtise une belle.
Mais dans les trois cas, les élèves sont tellement
lamentables que les mousquetaires refusent d’être payés,
ce qui n’arrange pas leurs affaires.
Heureusement, Planchet sauve la situation au prix d’un grand sacrifice: il vend la recette de salmis de bécasse de sa grand-tante à un
restaurateur, en échange d’un somptueux déjeuner.
Mais au moment où les quatre mousquetaires, ravis, vont
se mettre à table,
ils sont convoqués toute affaire cessante chez le cardinal
Richelieu. Ils abandonnent donc le repas et c’est Planchet
qui le mange.
Dépourvu de la moindre invention et originalité, et d’un
humour plutôt indigeste, ce Déjeuner des Mousquetaires est parfaitement incolore, inodore et sans saveur.
Extrait de la scène 6 Graffondu entre et salue gauchement en tirant sa
jambe droite en arrière.
ARAMIS, à Planchet.
C'est... ce marchand qui a sollicité l'honneur de m'être présenté?
GRAFFONDU.
Oui, Monsieur! Nicaise Graffondu, marchand de laine, établi rue
des Bourdonnais à l'enseigne...
ARAMIS, l'interrompant.
Graffondu! Il me semble, mon ami, que votre personne
ne s'accorde pas trop avec votre nom, et que votre
gras n'est
pas entièrement
fondu.
GRAFFONDU. Monsieur veut rire.
ARAMIS. Donc, votre ambition serait d'apprendre les belles
manières?
GRAFFONDU, humblement. Si c'était un effet de la bonté de Monsieur!
ARAMIS.
Et vous voudriez tout d'abord savoir comment
on salue une belle dame.
GRAFFONDU, avec un signe de la
tête. Oui.
ARAMIS.
Eh bien, mon cher ami, voilà.
Il prend son chapeau et fait
un salut très élégant,
la plume de son feutre
balayant presque la terre.
Graffondu essaye de l'imiter. ARAMIS.
Mais non, mais non; vous n'y êtes pas du tout, mon brave homme. Vous
avez l'air de l'âne qui veut jouer de la flûte.
Reprenant sa démonstration.
Voilà! l`air tout à la fois dégagé, respectueux,
aimable, gracieux, coquet! De l'aisance, morbleu! de la suffisance au
besoin! Content de la dame, et surtout content de vous-même. Un air
enfin qui dise que vous lui offrez votre bourse, votre personne et votre
vie en même
temps que votre salut.
GRAFFONDU, ahuri.
Tant de choses
que cela dans
un seul coup
de
chapeau!
ARAMIS.
Sans doute,
tant que
cela, et
bien d'autres
choses
encore!
Il recommence
sa démonstration.
Graffondu
essaye
encore une fois. ARAMIS.
Plus
bas,
donc,
plus
bas! Vous
avez
bien
de
la
peine à plier l'échine!
Est-ce qu'elle est traversée
par une barre de
fer?
GRAFFONDU,
voulant s'incliner
très
bas, tombe sur les genoux. ARAMIS.
Quel
lourdaud!
GRAFFONDU
recommence à plusieurs reprises et toujours aussi
maladroitement. A part:
Ma
foi!
j'y renonce:
j'aime presque
autant perdre
mon procès! (Haut.)
Néanmoins...
(Il
tire sa bourse.)
Monsieur voudra-t-il
accepter?
ARAMIS,
refusant.
Non,
Monsieur Graffondu.
En voilà assez! Je ne saurais accepter
de l'argent pour une leçon qui n'a pas eu de meilleur résultat.
Si vous vous présentez devant la dame ainsi que vous venez de le
faire, il se pourrait qu'elle vous accueillît fort mal. Je me ferais
scrupule de me faire payer le camouflet que vous ne pouvez manquer de recevoir
! Si j'ai même un dernier conseil à vous donner, c'est de
ne pas lui procurer ce spectacle. Croyez-moi, retournez rue des Bourdonnais
et continuez à vous occuper de votre commerce en aunant du drap;
si j'en crois vos joues rebondies, il est des plus prospères. Renoncez
donc à la
cour!
Entre
Porthos; Graffondu,
en les
saluant, manque
encore de
tomber, puis
il sort.
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