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Kinne (Kean)
ou que de génie en désordre
Variété en 99 couplets


E. Charles Chabot

9 pages
1836 - France
Pièce de thêatre

Intérêt: ***

 

Cette pièce est entièrement chantée, chaque couplet reprenant un air connu différent. Il s’agit d’une parodie de Kean, ou désordre et génie, la pièce de Dumas qui venait de sortir et remportait un grand succès (voir la fiche sur le Kean original et sa version réécrite par Jean-Paul Sartre).

Kinne s’adresse manifestement à un public qui connaît parfaitement la pièce originale. Cette «variété en 99 couplets» est en effet truffée d’allusions au théâtre où se joue Kean, aux acteurs, etc… Un passage fait directement référence à Dumas:

(Air : De Marianne)
En attendant qu’la pièce commence,
Monsieur que j’dis à mon voisin
Ce grand morceau de résistance
C’est probablement d’un malin.
Sans aucun doute
C’n’est pas d’une croûte
Il l’a prouvé du moins dans bien des cas,
Aussi j’parie
Qu’l’académie
A lui donner l’fauteuil ne tarderait pas
Et la chos’ s’rait mêm’ déjà faite
S’il ne fallait pas pour asseoir
Ses collaborateurs, avoir
Une énorme banquette.

(Air : Entendez-vous le son de la musette)
Lors mon voisin m’expliqu’ que cet ouvrage
Est un mystère de la Sainte-Trinité,
Et qu’au théâtre aussi bien qu’en ménage,
Parfois on n’jouit pas d’sa paternité.
Car, ajout-t-il, en dépit de l’affiche
Qui pour son pèr’ nomme Alexandr’ Dumas,
L’Kean de nos jours en papas est si riche
Qu’il en est deux qu’par conv’nance on n’ nomm’ pas.

Les deux «pères de Kean que l’on ne nomme pas» sont Théaulon et de Courcy, qui revendiquaient une première version de la pièce.

Si la formule de la parodie chantée des grands succès théâtraux est courante, Kinne présente une particularité inhabituelle : celle de suivre de bout en bout son modèle (au lieu de s’en tenir à quelques scènes clés caricaturées à grands traits).

Le déroulement de Kinne reproduit donc de très près celui de Kean. Mais si l’histoire est identique, le style change évidemment du tout au tout. Le beau style et les idées élevées sont abandonnés au profit de la gouaille parisienne. Les grands sentiments font place à des considérations beaucoup plus concrètes: face à Kean qui lui dit son bonheur de la regarder, Elena s’impatiente:

«Est-ce là, se d’mand’ la comtesse,
Tout ce qu’il va me d’mander»

Un thème récurrent de la parodie consiste à se moquer des goûts de Kean qui, plutôt que de céder aux avances de la très jeune et très jolie Anna, lui préfère la comtesse Elena, d’âge mûr (voir extrait ci-dessous).

La pièce rend d’ailleurs hommage à l’actrice Atala Beauchêne, qui jouait le rôle d’Anna lors de la création de Kean, en affirmant avoir vu:

«un jeune arbre dont l’ombrage
nous offre un plaisir attrayant»

et lui lance que si

«de bons rôl’s on t’arrose
Beauchêne que tu grandiras».

Sans doute très enlevé, avec son enchaînement ininterrompu de chansons, ce spectacle devait certainement faire beaucoup rire le public qui venait de voir la pièce de Dumas.

A voir également, The regal box, version romanesque de la pièce de théâtre.


Extrait de l’acte IV

(dialogue où Kean cherche à dissuader le prince de Galles de s’intéresser lui aussi à Elena)

(Air : Heureux habitants)
Apprenez qu’ j’ sens
Et qu’à mort j’idolâtre un’femme,
Bell’ de cinquante ans,
Qui tous les douz’ mois perd deux dents,
Et qu’son œil charmant
D’amour fait palpiter mon âme ;
Car il est maint’nant
Roug’ comm’ celui d’un lapin blanc.
- Ah ! beau séducteur,
J’connais l’objet de votr’ tendresse ;
- Pour vous, monseigneur,
C’te femm’-là doit n’êtr’ qu’un’ horreur ;
- En amour, apprends,
Qu’un’ femm’ d’âg’ vaut mieux qu’un’ jeunesse :
A quatre vingts ans
Ninon, mon p’tit, eut des amans.
C’est pour Elena
Je le vois, que ton cœur soupire ;
Et sans doute déjà,
- Ah ! monseigneur… - la la la la !
Vous êt’s son amant :
Est-c’ que ces chos’s-là peuv’ent se dire
Aussi l’autr’ grav’ment
Lui répond-t-il : le plus souvent
- Oui, t’es son amant ;
- Non, j’suis pas son amant, que diable !
Mais j’exig’ maint’nant
Que vous me fassiez le serment
D’laisser la Lenclos,
Que mon cœur d’homm’ trouve adorable,
Ou je m’sens dispos,
Mon prince, à vous casser les os.


 

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