Le réveil de d’Artagnan Comédie héroïque en vers en trois actes
Henri Augé
96 pages Les Editions Henri Augé - 1958 - France Pièce de thêatre
Intérêt: 0
Cette «comédie héroïque en vers en trois actes» est une
œuvre bien étrange. Le premier acte se passe en 1642,
lors d’une grande fête à laquelle assistent d’Artagnan
et Porthos. L’assistance est nombreuse et toutes sortes
d’intrigues – de cœur ou d’honneur – s’entrecroisent.
Avec en particulier le projet de d’Artagnan de fuir le
soir même avec sa fiancée Isabelle, en la soustrayant
aux convoitises de différents rivaux.
Mais une bohémienne quelque peu
sorcière, au service des ennemis de d’Artagnan, lui fait
boire un breuvage qui l’endort pour 300 ans.
Les actes II et III se déroulent en 1958. D’Artagnan se
réveille juste au moment où se donne un grand bal masqué
qui vise à reconstituer justement celui de 1642 pendant
lequel il s’est endormi.
Du coup, il ne se rend compte de rien et croit n’avoir
fait qu’un petit somme. Les intrigues de l’acte I se
poursuivent donc, car la plupart des personnages de 1958
portent des noms identiques ou très proches de ceux de
1642.
Les quiproquos se multiplient, d’Artagnan ne comprenant
pas ce qui est arrivé, et l’assistance le prenant pour
un excentrique. La vérité finit par se révéler quand le
mousquetaire trouve dans sa poche un mot d’explication
de la bohémienne et le flacon du breuvage magique.
D’Artagnan choisit alors de se suicider en avalant le
reste du flacon, au grand désespoir de la seule femme
«contemporaine» qui avait compris qu’il était vraiment
un héros du temps passé, complètement différent des
personnages veules et matérialistes de sa propre époque.
Cette «comédie héroïque» est un désastre. Le problème
ne tient pas au postulat de départ, qui pourrait être
amusant, mais à la réalisation. Les intrigues mondaines
sont à peu près incompréhensibles, noyées entre des
personnages beaucoup trop nombreux.
Surtout, les vers d’Augé sont calamiteux, ce qui ne
pardonne pas.
Signalons, à l’inverse que le livre, édité par l’auteur
lui-même, est fort beau: belle mise en mage, nombreuses
illustrations, une réussite.
Extrait de l’acte troisième Et c’est la
nuit, scène sixième
D'ARTAGNAN (élevant le flacon)
Liqueur couleur de sang qui de tout mal délivre
Faut-il mourir ou faut-il vivre?
ROSE (très pathétique)
O chevalier de l'Idéal, parmi nous reste
O toi qui depuis si longtemps
J'attendais, je voyais dans un rêve céleste,
Pose la beauté de ton geste
Sur la laideur de notre temps!
Fais revivre chez nous les élégants principes
Avec l’élégance du mot...
PREMIER DANSEUR (à un de ses camarades).
Toi, tu t'en fous de ça ballot!
C'est mon galurin que tu chipes...
(Il lui arrache le chapeau).
2e DANSEUR (près de la chaise)
Oh là! là!... quel est le salaud
Qui s'est vautré, là, sur mes nippes?
(D'Artagnan regarde et écoute. Les gens continuent
à s'en aller par petits groupes).
ROSE (persuasive)
Restez dans ce siècle indigent
Et du bout de votre panache,
Balayez-la, l'affreuse tache
Que partout chez nous fait l’argent!
2e DANSEUR (qui met son manteau fripé)
(Désignant un gros monsieur, laid et commun qui
sort avec la démarche lourde d'un gros canard). Des
groupes le saluent.
Quel est ce numéro qui tangue comme une lougre
Et qu'on salue à tour de bras?
PREMIER DANSEUR
Une fripouille, mais un bougre
Cousu d'or de la tête en bas ..
(Ils s'en vont).
(D'Artagnan n'a cessé de regarder et d'écouter. Il
s'assied, découragé, écrasé sur le coffre-siège).
ROSE (suppliante)
Reste pour nous parler de l'honneur qui s'effeuille
Et de l'amour qu'une grande ombre hélas! endeuille
Ah! dans cet instant solennel,
Lève-toi parmi nous, grand, fort et paternel!
D'ARTAGNAN (serrant le flacon)
Revenir... revenir... au silence éternel!
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