The Monte Cristo cover-up Titre original allemand: Es muss nicht immer Kaviar sein Titre de la traduction française: On n’a pas toujours du caviar
Johannes Mario Simmel
480 pages 1965 - Autriche Roman
Intérêt: **
Egalement connu en anglais sous le titre It can't
always be caviar, ce roman de l'écrivain
autrichien Simmel raconte l'histoire de Thomas Lieven.
En 1939, ce jeune Allemand âgé de 30 ans mène une vie
heureuse à Londres. Plus jeune banquier de la City, il a
son propre établissement, prospère, avec un associé.
Homme à femmes, il multiplie les conquêtes pendant sa
vie nocturne des plus actives.
Mais tout bascule quand Marlock,
son associé, l'envoie à Cologne où Thomas est arrêté
pour des opérations de trafic de devises menées à son
insu par Marlock. Ce dernier, qui a multiplié les
mauvaises opérations en cachette de son trop confiant
partenaire, veut s'en débarrasser. Il réussit: jamais
Thomas ne parviendra à reprendre se vie normale à
Londres.
Arrêté par les nazis, il se voit offrir d'être remis en
liberté à condition de travailler pour leurs services
secrets. Il accepte, comptant bien laisser tomber les
Allemands une fois rentré à Londres. Mais à son retour
en Grande-Bretagne, les services secrets britanniques
menacent de le renvoyer en Allemagne, sauf s'il accepte
de travailler pour eux... Il se réfugie en France, mais
le Deuxième Bureau l'arrête et lui fait la même
proposition. Contraint et forcé, il commence donc à
travailler effectivement pour les services secrets
français.
Ayant ainsi été «recruté» par trois pays différent en à
peine plus de trois jours, Thomas se lance dans une
grande carrière d'espion. Mais d'espion bien
particulier: farouchement individualiste,
anti-militariste et opposé à toute forme de violence,
Thomas Lieven n'aura de cesse de tromper tout le monde
et de changer de camp au gré des circonstances et de ses
propres intérêts. Avec un sens inné de l'escroquerie
ingénieuse et de la combine destinée à éviter tout dégât
humain...
Son premier travail pour le Deuxième Bureau, à la
veille de la guerre, est de renflouer ses finances en
montant un trafic de devises à travers l'Europe. Mais le
premier vrai coup d'éclat de Thomas Lieven intervient
peu après l'invasion allemande de la France. Entré en
possession de la liste des agents secrets français, il
se réfugie au Portugal et réussit à vendre cette liste
aux services allemands, anglais et français - non sans
avoir remplacé tous les noms par ceux de personnes
récemment décédées, pour être sûr qu'il n'en résultera
aucune violence!
Arrêté, il passe quelque temps dans les prisons
portugaises, où son compagnon de cellule lui apprend les
techniques et les usages du monde criminel, avant
d'organiser son évasion.
L'étape suivante de la carrière mouvementée de Thomas
le voit devenir chef de gang à Marseille: ses «troupes»
se spécialisent dans le vol des trafiquants du marché
noir et des collaborateurs. Dénoncé, il est arrêté par
les Allemands qui le forcent, de nouveau, à travailler
pour eux. Il se fait alors passer pour un agent anglais
afin d'infiltrer un réseau de résistants français: toute
son action auprès d'eux consiste à leur livrer des armes
inutilisables et à leur faire sauter un pont qui devait
de toutes façons être remplacé... Le tout, comme
toujours, pour épargner au maximum les vies humaines.
Installé à Paris au sein des services secrets
allemands, il démantèle un énorme trafic de devises
organisé par des dignitaires nazis et s'attaque au
marché noir.
Après la fin de la guerre, Thomas fait fortune en
montant diverses escroqueries ingénieuses: vente
d'alcool à l'armée française, trafics divers sur les
surplus de l'armée américaine en Allemagne, etc... L'une
de ces opérations financières lui permet d'acculer à la
ruine Marlock, son ancien associé, qui est réapparu en
Allemagne après la guerre en recréant une banque que
Thomas pousse à la faillite.
Finalement, dans les années 50, le jour où les services
américains lui mettent le grappin dessus, il négocie: il
les aide à démanteler un réseau d'espionnage soviétique
à New York. En échange, une mise en scène de sa «mort»
et effectuée, il change d'identité et peut enfin aller
vivre en paix.
Plein de fantaisie et d'humour, le livre est un régal.
Le personnage de Thomas Lieven est éminemment
sympathique: pacifiste et débrouillard, humaniste et
escroc de génie, intrépide et amateur de bonne vie. Non
seulement Thomas est un séducteur accompli, mais c'est
en outre un cuisinier émérite. C'est en faisant la
cuisine qu'il prend ses grandes décisions et c'est
autour d'une table bien garnie qu'il résout les conflits
avec ses adversaires. Ce qui vaut au livre la
particularité de compter, insérées en plein récit, des
dizaines de recettes de cuisine correspondant aux repas
mitonnés par Lieven! Une idée que Dumas aurait adorée!
Le lien avec Monte-Cristo est bien réel,
même s'il n'est pas prépondérant. Mis à part le titre -
ou plutôt l'un des deux titres utilisés en anglais - le
roman de Dumas est cité deux fois expressément. Le
premier clin d'oeil intervient lors d'une séance de
formation au métier d'agent secret. Pour apprendre à ses
élèves le code consistant à identifier une lettre par
ses coordonnées (n° de page, de ligne et position dans
la ligne) relevées au hasard dans un livre, que le
destinataire du message déchiffrera en se reportant au
même ouvrage, l'instructeur utilise Le comte de
Monte-Cristo. Avec un résultat désastreux: les
élèves ont à leur disposition une édition très
légèrement différente et les coordonnées des lettres ne
correspondent donc à rien!
Autre allusion directe: quand Thomas établit un
parallèle entre sa situation et celle du comte de
Monte-Cristo. De fait, quelques grands traits du livre
renvoient directement à celui de Dumas.
La vie heureuse de Thomas bascule du fait d'une
trahison; il multiplie les fausses identités et les
déguisements; il fait fortune (plusieurs fois, en fait);
il se venge de la trahison initiale en causant la
faillite de Marlock grâce à des montages financiers
rappelant ceux utilisés contre Danglars...
Un passage joue de façon particulièrement intéressante
avec les thèmes de Monte-Cristo: celui de
l'emprisonnement à Lisbonne. Lazarus, vieil homme
compagnon de captivité de Lieven, se révèle un précieux
abbé Faria: non seulement il lui enseigne les techniques
du crime (non-violent), mais il lui permet de s'évader
en utilisant sa propre identité et son apparence
physique. Et, en un retournement du thème de Dumas,
Lazarus sauve la vie de Thomas en mourrant après
l'évasion de ce dernier. Thomas s'étant grimé en Lazarus
pour sortir de prison, des tueurs lancés à ses trousses
et informés de ce changement d'apparence abattent
l'infortuné Lazarus en croyant tuer Thomas...
Tous ces éléments dumasiens sont, il faut
le reconnaître, assez secondaires dans l'ensemble du
roman. Mais celui-ci, répétons-le, se lit de bout en
bout avec passion et jubilation - comme un roman de
Dumas.
Extrait du Livre 2, chapitre 1
Lazarus Alcaba, as he made himself at home on the
second cot, said in a hoarse, grating voice: "They've
picked me up for smuggling, the sods--but this time they
won't be able to prove anything. They'll have to let me
out one of these days. But I'm not in any hurry... Eh-eh,
ate a manha ." He grinned again.
"I'm also absolutely innocent," Thomas began. But
Lazarus interrupted him with a cheerful wave of the
hand. "Ay, ay, they tell me you pinched a diamond
bracelet. Sheer slander, eh? Tcha, tcha, tcha--what
wicked, wicked people."
"How did you know..."
"Oh, I know all about you, my lad! You can treat me as
a friend, you know." The hunchback scratched himself
exuberantly. "You're French and you're a banker and the
sweetie who ran you in is the Consul Estrella Rodrigues.
You're fond of cooking..."
"Who told you that?"
"Friend, I picked you out, I'm telling you!"
"Picked me out?"
Lazarus beamed, till his hideous countenance looked
twice as wide, "Sure. You're the most interesting man in
this clink. Got to have some sort of spiritual uplift in
stir haven't we, hey?" He leaned forward familiarly and
patted Thomas's knee. "I'll give you a little tip for
the future, Jean. Next time they turn you in, ask to see
the chief warder right away. I do that every time I'm
nicked."
"Why?"
"I tell that idle sod of a chief warder that I'll keep
his books for him. So I can go through everyone's
papers. And after a few days I know the first and last
thing about all the other lags. So I can pick out the
best of 'em as a cell-mate."
Thomas began to find the hunchback amusing. He offered
him a cigarette. "And what made you pick on me in
particular?"
"I could see you had what it takes. Unfortunately
you're only a beginner. But on the other hand you have
good manners. A bloke could learn something from you.
You're a banker. You could show me how to play the
market. You like cooking. And that might be useful to
learn too. It's never a waste of time to learn anything,
you know..."
"Yes," said Thomas pensively. "That's true." He was
thinking. What a lot of things I've learned since fate
snatched me out of my peaceful career! Goodness knows
what I'll still have to go through. My secure,
respectable existence, my London club and my comfortable
flat in Mayfair, how far away they seem now, all
vanished into an impenetrable sea of fog...
"What about ganging up together?" said Lazarus. "You
teach me all you know and I teach you all I know. How's
that?"
"First rate idea," said Thomas, delighted.
(...)
Such was the information Thomas obtained on the first
day of his meeting with the hunchback. During the
following days and weeks he added to it. He underwent a
regular course of instruction in crime and how to make
the best of prison. His brain registered with
mathematical exactitude every tip and recipe he
received.
For example: In order to produce in a short time the
symptoms of a high fever, so as to be taken to the sick
bay, from which it is so much easier to escape, work up
an ordinary soap lather and swallow three teaspoonfuls
of it an hour before medical examination. The result
will be a bad headache and within an hour temperature
will rise to about 41 degrees centigrade. But it will
only last about an hour. For longer periods regular
"pills" of soap will have to be swallowed. Again, for
jaundice symptoms mix one teaspoonful of soot with two
of sugar, add vinegar and leave the solution to stand
overnight. Drink it next morning on an empty stomach.
The symptoms will develop within two days at most.
Lazarus said: "This is a warlike age, you know, Jean.
The time may well come one day when you will wish to
avoid a hero's death. Need I say more?"
"You need not," said Thomas Lieven.
Those were happy weeks. Lazarus learned how to cook to
perfection. Thomas learned how to simulate sickness to
perfection. He also learned international thieves' slang
and a dozens of such confidence tricks as the White
Waistcoat, the Loan-Gift, the Car Sale, the Diamond
Business, Damages, the Suit to Measure, the Information
Leak and the Breakdown Service.
He felt--heavens, how low he had sunk already!--that he
might well need to resort to all these tricks at some
future time or other. This expectation was to be proved
one hundred per cent correct.
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