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Mr. Wingrave, millionaire

E. Phillips Oppenheim

256 pages
1906 - Royaume-Uni
Roman

Intérêt: **

 

 

Mr. Wingrave, millionnaire, roman connu également sous le titre The malefactor utilisé pour l’édition américaine, est une intéressante variation sur le thème de Monte-Cristo. Le premier chapitre se situe dans un club londonien où un journaliste raconte à l’assistance un fait divers survenu treize ans plus tôt. Deux jeunes hommes de la bonne société, Wingrave et Lumley, très amis, tombent tous deux amoureux de Ruth, une femme mariée. Constatant un jour que Ruth et Wingrave sont ensemble chez ce dernier, Lumley, fou de jalousie, va chercher le mari de Ruth. Une bousculade s’ensuite et le mari meurt. Sur la foi des témoignages de Lumley et Ruth, Wingrave est accusé de meurtre : le mari l’aurait surpris au moment précis où il offrait de l’argent à Ruth pour la convaincre de devenir sa maîtresse.

Le journaliste explique très clairement que c’est en fait Ruth qui demandait à Wingrave de l’aider financièrement. Elle lui avait même envoyé des lettres d’amour des plus compromettantes. Lors du procès, Wingrave choisit de se taire pour sauver l’honneur de Ruth. Il est envoyé en prison pour une douzaine d’années. Ruth épouse Lumley et le couple mène grande vie parmi l’élite londonienne. Mais Wingrave va maintenant sortir de prison. Le journaliste, qui le connaît bien, estime qu’il n’est pas du genre à pardonner et qu’après avoir passé douze ans d’incarcération à ruminer la trahison de Ruth et Lumley, il va vouloir se venger.

Tout ce récit « historique » étant expédié dans le premier chapitre, le reste du livre est consacré au retour de Wingrave et à sa vengeance. Il se présente à tous comme un homme chez qui les épreuves ont tué tout sentiment (et l’ont d’ailleurs rendu méconnaissable). Le sort des humains lui est au mieux indifférent, quand il n’entreprend pas activement de créer le malheur autour de lui.

Il rencontre Ruth (qui l’a reconnu, elle) qu’il terrifie par ses manières glaciales. Il lui annonce qu’il part pour quelques années aux Etats-Unis mais qu’il reviendra. Déjà fort riche avant le drame, sa fortune a prospéré pendant ses années de prison et il veut encore l’accroître en Amérique.

Avant de partir, il se rend dans le domaine familial en Cornouailles : il veut tout vendre pour effacer ses liens familiaux. Exemple de sa cruauté affichée : il y rencontre une adolescente, Juliet, fille d’un employé du domaine. Celui-ci vient de mourir, elle est orpheline, sans aucune famille, a toujours vécu là, n’a nulle part où aller : Wingrave ne veut rien savoir, proclame que son sort ne le regarde pas et qu’elle peut bien échouer dans un orphelinat.

Une fois à New York, il se lance dans des spéculations boursières audacieuses qui accroissent considérablement son patrimoine. Impitoyable envers les autres spéculateurs, il prend un malin plaisir à pousser à la ruine totale un jeune homme imprudent.

A son retour à Londres, il affecte la personnalité d’un riche Américain. Il force Ruth et Lumley à le parrainer dans la bonne société. Ruth est plus que jamais persuadée que Wingrave ourdit un plan machiavélique pour se venger. Il se montre pourtant des plus amicaux : Lumley ayant de grosses difficultés financières, il l’initie à la spéculation boursière ; il accompagne partout Ruth, dont il s’affiche comme ami proche ; il lui prête de l’argent…

Simultanément, il reprend contact avec Juliet. On découvre que celle-ci a été sauvée de la destitution par un bienfaiteur anonyme et que la propriété familiale de Wingrave n’a finalement pas été vendue, elle y vit toujours. On comprend que Wingrave, qui avait juré de ne plus avoir aucune relation avec une femme après la trahison de Ruth, est tombé amoureux de la jeune Juliet.

Quand il croit que cette dernière en aime un autre (son secrétaire Aynesworth), il décide de partir loin et pour toujours. Il explique à Ruth qu’il renonce à sa vengeance. On apprend que tout au long de ces dernières années, il est souvent intervenu en secret pour remédier au mal qu’il affectait de causer. Cela a été le cas pour Juliet, dont il était bien sûr le bienfaiteur inconnu, mais aussi pour le spéculateur américain qu’il a renfloué en cachette, etc. Il apparaît finalement que c’est lui que Juliet aime et tout se termine bien.


La structure générale de Mr. Wingrave, millionaire reproduit celle de Monte-Cristo – avec bien sûr de grosses différences dans le déroulé. Le procédé du récit qui occupe le premier chapitre permet d’évacuer en quelques pages tout le début de l’intrigue : la trahison, les années de prison… On sait tout de suite qui a causé le malheur du héros, qui a d’autant moins besoin d’un « abbé Faria » qu’il est déjà richissime.

Cela permet à l’auteur de se concentrer sur la vengeance, ou plutôt ses motivations. Le portrait de Wingrave en homme chez qui la prison a tué tout sentiment pour ses semblables, ou du moins qui veut en persuader tout le monde et lui le premier, est intéressant. D’autant plus que l’on comprend vite que cette dureté affichée cohabite avec des sentiments de compassion occasionnels.

Les moyens utilisés pour sa vengeance contre Ruth et Lumley méritent également d’être relevés : strictement non violents, apparemment amicaux mais destinés à saper insidieusement le couple, ses finances, sa réputation… (voir extrait ci-dessous).

Les grandes différences entre Mr. Wingrave et Le comte de Monte-Cristo n’empêchent pas que l’on pense sans cesse au roman de Dumas, jusqu’au personnage de Juliet qui évoque Haydée.

Oppenheim, célèbre écrivain britannique (1866-1946) auteur de très nombreux romans populaires, joue en fait ici avec le thème de Monte-Cristo, avec un héros qui ne devient pas une espèce de surhomme, contrairement à celui de Dumas, mais demeure plus humain en ne réussissant pas, malgré tous ses efforts, à tuer les sentiments en lui. Le romancier s'inspire également de Monte-Cristo dans son livre The Long Arm of Mannister.

Merci à Gennady Ulman de m'avoir signalé ce texte.

 

Extrait du chapitre 17 For pity’s sake

She (Ruth) sank into it — speechless for a moment. Wingrave stood over her, leaning slightly against the corner of the bookcase.

"I trust," he said, "that you will explain what all this means. If it is my help which you require —"

Her hands flashed out towards him — a gesture almost of horror.

"Don't," she begged, "you know that it is not that! You know very well that it is not. Why do you torture me?"

"I can only ask you," he said, "to explain."

She commenced talking quickly. Her sentences came in little gasps.

"You wanted revenge — not in the ordinary way. You had brooded over it too long. You understood too well. Once it was I who sought to revenge myself on you because you would not listen to me! You hurt my pride. Everything that was evil in me rebelled —"

"Is this necessary?" he interrupted coldly. "I have never reproached you. You chose the path of safety for yourself. Many another woman in your place would doubtless have done the same thing! What I desire to know is why you are here in Cornwall. What has happened to make this journey seem necessary to you?"

"Listen! " she continued. "I want you to know how thoroughly you have succeeded. Before you came, Lumley and I were living together decently enough, and, as hundreds of others live, with outside interests for our chief distraction. You came, a friend! You were very subtle, very skilful! You never spoke a word of affection to me, but you managed things so that — people talked. You encouraged Lumley to speculate — not in actual words, perhaps, but by suggestion. Then you lent me money. Lumley, my husband, let me borrow from you. Everyone knew that we were ruined; everyone knew where the money came from that set us right. So misery has been piled upon misery. Lumley has lost his self-respect, he is losing his ambition, he is deteriorating every day. I — how can I do anything else but despise him? He let me, his wife, come to your rooms to borrow money from you. Do you think I can ever forget that? Do you think that he can? Don't you know that the memory of it is dragging us apart, must keep us apart always — always?"

Wingrave leaned a little forward. His hands were clasped upon the handle of his stick.

"All that you tell me," he remarked coldly, "might equally well have been said in London! I do not wish to seem inhospitable, but I am still waiting to know why you have taken an eight hours' journey to recite a few fairly obvious truths. Your relations with your husband, frankly, do not interest me. The deductions which society may have drawn concerning our friendship need scarcely trouble you, under the circumstances."

Then again the light was blazing in her eyes.

"Under the circumstances!" she repeated. "I know what you mean. It is true that you have asked for nothing. It is true that all this time you have never spoken a single word which all the world might not hear, you have never even touched my fingers, except as a matter of formality. Once I was the woman you loved—and I — well you know! Is this part of your scheme of torture, to play with me as though we were marionettes, you and I, with sawdust in our veins, dull, lifeless puppets! Well, it is finished — your vengeance! You may reap the harvest when you will! Publish my letters, prove yourself an injured man. Take a whip in your hand if you like, and I will never flinch. But, for heaven's sake, remember that I am a woman! I am willing to be your slave, nurse you, wait upon you, follow you about! What more can your vengeance need? You have made me despise my husband, you have made me hate my life with him! You have forced me into a remembrance of what I have never really forgotten — and oh! Wingrave," she added, opening her arms to him with a little sob, "if you send me away, I think that I shall kill myself. Wingrave!"


 

 

 

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