Mademoiselle d’Artagnan Drame en cinq actes et onze tableaux
Frantz Beauvallet
24 pages Imprimerie de Marot - 1887 - France Pièce de thêatre
Intérêt: 0
Cette pièce, représentée pour la première fois à Paris
au Théâtre du Château d’Eau le 10 octobre 1887, est bien
étrange. Très longue – les 24 pages de l’édition en
volume sont grand format, composées en trois colonnes
serrées – elle semble à peine jouable tant elle est
complexe: 45 acteurs plus d’innombrables figurants, une
dizaine de décors, des indications de mise en scène
prévoyant le passage sur scène de nombreux cavaliers,
d’une chasse à courre, un incendie, etc… Sans parler de
l’action qui part dans tous les sens et est
difficilement compréhensible. A en croire la version
imprimée, la pièce a pourtant, semble-t-il, été jouée au
moins une fois…
La complexité de l’œuvre a
peut-être une explication: il s’agit de l’adaptation
théâtrale d’un énorme roman (1.284 pages) homonyme - ou
presque: il s'intitule Mlle d'Artagnan
- signé de Léon et Frantz Beauvallet, et cela même si le
roman a été publié en volume après la pièce, en 1893.
C’est donc peut-être pour faire tenir en une soirée de
théâtre les grandes lignes d’un interminable feuilleton
que l’auteur accumule ainsi les époques et les
personnages.
Le prologue met en scène une dame que tout le monde
appelle «la Filleule des Mousquetaires», car elle a été
«baptisée par le Maréchal d’Artagnan et adoptée par les
mousquetaires». Celle-ci a elle-même adopté une petite
fille, Vaillance, fille illégitime du marquis de
Puycerdac, lieutenant aux mousquetaires. L’infâme baron
de la Chesnaye, cousin de la «Filleule», et son âme
damnée Gaspard extorquent de force sa fortune à celle-ci
et la tuent.
L’action se déplace ensuite des années plus tard.
Vaillance a vingt ans et son caractère intrépide lui
vaut d’être surnommée «Mademoiselle d’Artagnan». Des
intrigues complexes – ou plutôt des bribes d’intrigues –
se nouent. Y figurent parmi bien d’autres Camille de
Puycerdac, fille légitime du chef des mousquetaires,
convoitée par l’horrible Gaspard; Jean Boursier, fils
illégitime de Puycerdac (comme Vaillance, donc, mais
aussi mauvais qu’elle est bonne); le chevalier de
Saint-Georges, héritier de la couronne d’Angleterre en
exil, etc…
Jean Boursier tente d’assassiner son père, La Chesnaye
veut faire tuer Saint-Georges, mais Vaillance l’en
empêche, le prince d’Angleterre en tombe amoureux.
Madame de Puycerdac et sa fille s’éprennent du même
homme, Camille en meurt, et ainsi de suite. Vaillance
intervient, se bat, protège Puycerdac (qui ne sait pas
qu’elle est sa fille) contre les agissements de son
demi-frère Jean Boursier. La Chesnaye kidnappe Vaillance
qui a, entre temps, récupéré la fortune de la Filleule
pour lui extorquer de nouveau. Finalement, le prétendant
au trône d’Angletere est fait prisonnier et enfermé à la
Tour de Londres. Il va être exécuté quand il apparaît
que Mademoiselle d’Artagnan a prix sa place pour lui
permettre de s’échapper.
Totalement décousue et incohérente, l’histoire ne
présente aucun intérêt. Le lien avec d’Artagnan est
purement opportuniste: l’appellation de «Mademoiselle
d’Artagnan» ne repose que sur une analogie de caractère
entre Vaillance et le mousquetaire. Autant dire qu’il
s’agit d’une manœuvre éhontée de l’auteur pour tirer
parti de la popularité du héros de Dumas.
L’action, par ailleurs, est bien évidemment largement
inspirée des romans de ce denier. En particulier, la
scène finale de la montée à l’échafaud du prétendant au
trône d’Angleterre est directement démarquée de la scène
de l’exécution du roi Charles dans Vingt ans après.
Extrait du sixième tableau, scène quatre
CAMILLE, VAILLANCE, PUYCERDAC, piqueurs
PUYCERDAC, paraissant à cheval, escorté de deux
piqueurs portant des torches.
Or çà, d’où viennent tous ces cris?
CAMILLE
Mon père!
PUYCERDAC
Eh! quoi, vous ici, Camille!
VAILLANCE.
Mlle de Puycerdac avait perdu la chasse. Elle avait
atteint ce carrefour. Elle fut assaillie par des
mécréants que mes amis et moi nous mîmes en déroute…
Quand je vous aurai dit que tout ceci fut tramé par un
chenapan du nom de Gaspard, vous comprendrez assurément.
Mais rassurez-vous, monsieur le marquis… J’ai sauvé
votre fille et châtié votre ennemi, lequel, entre nous,
était un peu le mien.
PUYCERDAC
Mlle d’Artagnan! Quel but est donc le vôtre et pourquoi
dois-je aussi toujours vous rencontrer sur ma route.
VAILLANCE, avec un mouvement.
Pourquoi? (Après un temps) Pourquoi,
monseigneur,… parce que…
PUYCERDAC
Par grâce, dites-moi quelle raison vous force à prendre
un tel souci de mes plus chers intérêts?
VAILLANCE, qui ne sait que répondre.
Monseigneur, le froid est vif. Mlle Camille a grand
besoin de repos. Emmenez-la. (Avec émotion)
Appuyée sur vous, sentant la poitrine de son père battre
contre la sienne, elle retrouvera bien vite des forces
et oubliera le vilain rêve qu’elle vient de faire.
(Elle conduit Camille. Puycerdac tend la main)
CAMILLE
Un instant, mademoiselle, faites-moi une promesse.
VAILLANCE
Laquelle, je vous prie?
CAMILLE
Venez un jour à l’hôtel Puycerdac. Votre place
n’est-elle pas dans une maison dont vous avez sauvegardé
l’enfant et sauvé le père.
VAILLANCE, très émue.
Ma place! Non, mademoiselle, ma place n’est pas là. Mais
si loin que je sois, je veillerai sur vous et sur les
êtres qui vous sont chers. Partez, ne cherchez pas qui
je suis; dites-vous simplement que Mlle d’Artagnan est
une passante qui paraît un jour et qu’on oublie le
lendemain.
PUYCERDAC
Merci à vous, mademoiselle, merci!
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