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L’été de la Saint-Martin

Henry Meilhac
Ludovic Halévy

50 pages
1873 - France
Pièce de thêatre

Intérêt: *

 


Cette comédie en un acte et dix-sept scènes, représentée pour la première fois au Théâtre Français le 1er juillet 1873, comporte un discret hommage aux Trois mousquetaires. Elle est l’œuvre de Henry Meilhac et Ludovic Halévy, deux auteurs dramatiques de premier plan dont la collaboration a duré près de vingt ans. On doit notamment à leur association les livrets des principales opérettes d’Offenbach comme La belle Hélène et La vie parisienne, et celui de Carmen de Bizet.

L’été de la Saint-Martin est une petite pièce de boulevard classique. Elle met en scène quatre personnages: Briqueville, homme mûr, célibataire, de la bonne société; sa servante Madame Lebreton; son neveu Noël; une jeune femme, Adrienne.

Briqueville vit seul dans son château en compagnie de sa servante. Il est fâché avec son neveu car ce dernier refuse le beau mariage qu’il lui a organisé avec une jeune fille du meilleur monde, sous prétexte qu’il est amoureux fou d’une autre jeune fille. Or cette dernière est d’un milieu modeste, fille d’un tapissier. Une mésalliance que Briqueville ne saurait accepter. Il a donc rompu tout contact avec ce neveu qu’il adore et qui constitue sa seule famille.

Son malheur est adouci depuis une quinzaine de jours par l’arrivée chez lui d’une jeune femme, Adrienne, que Madame Lebreton lui a présentée comme sa nièce. On comprend vite qu’il s’agit en fait de la femme que Noël veut épouser. Ce dernier avait supplié son oncle de rencontrer la jeune fille pour qu’il puisse constater lui-même les qualités éminentes de charme, de beauté et d’intelligence qui justifiaient son choix d’en faire son épouse. Briqueville ayant catégoriquement refusé, les deux amoureux ont adopté ce stratagème, avec la complicité de la servante, pour donner à Adrienne l’occasion de faire la conquête de Briqueville.

De fait, la jeune femme est un modèle de grâce et de sensibilité. A tel point que Briqueville ne peut rapidement plus se passer d’elle. Quand Adrienne prétexte qu’il lui faut quitter la maisonnée pour aller prendre un travail ailleurs, le maître de maison la supplie de rester. Et finit par lui demander de l’épouser - alors même qu’il la croit de la famille de sa servante. Briqueville ayant ainsi renié tous ses préjugés sociaux, il ne reste plus à Noël et à Adrienne qu’à révéler la supercherie: l’oncle ne peut que reconnaître le bien-fondé de l’engouement de son neveu et accepter de bon cœur le mariage des deux jeunes gens.

On est bien loin de Dumas, apparemment, dans cette comédie légère et fort bien menée. Sauf que l’un des moyens essentiels employés par Adrienne pour faire la conquête de l’oncle de son fiancé consiste à passer les soirées à lui lire Les trois mousquetaires! La première tirade la pièce est ainsi un extrait du roman de Dumas. Ce rituel devient un temps fort de leur relation. Quand la jeune fille affirme qu’il lui faut s’en aller, elle évoque avec chagrin tous les livres de Dumas qu’elle aurait aimé lire à Briqueville au fil des années si elle avait pu rester auprès de lui (voir extrait ci-dessous). Et lors de la grande réconciliation finale, quand il apparaît que Briqueville accepte le mariage de Noël et d’Adrienne qui resteront désormais vivre avec lui, cette dernière reprend sa lecture des Trois mousquetaires. La pièce se termine donc comme elle avait commencé, sur un extrait du roman de Dumas.

Le lien entre L’été de la Saint-Martin et l’œuvre de Dumas est donc ténu. Mais l’idée d’utiliser Les trois mousquetaires comme un instrument d’une efficacité redoutable pour faire la conquête d’un vieil homme hostile ne peut que séduire pastichesdumas. A ce titre, la pièce s’inscrit dans la catégorie des hommages discrets, mais significatifs, à l’œuvre de Dumas comme, par exemple, Balzac et la petite tailleuse chinoise.

Merci à Mihai-Bogdan Ciuca de m’avoir signalé ce texte.


Extrait de la scène treize

ADRIENNE.
J'étais si bien ici !... je m'y plaisais tant!...

BRIQUEVILLE.
Ah!
 
ADRIENNE.
On y était si bon pour moi, si doux, si affectueux !... et j'aimais tant les personnes qui m’entouraient!…

BRIQUEVILLE.
Votre tante?

ADRIENNE, un peu étonnée, — ne se rappelant plus que, pour Briqueville, madame Lebreton est sa tante.
Ma tante?...

BRIQUEVILLE.
Vous parliez des personnes qui vous aimaient et que vous aimiez... alors, moi, je vous dis...

ADRIENNE.
Ah! oui... ma tante... sans doute, j'aimais bien ma tante... mais vous aussi, je vous aimais bien...

BRIQUEVILLE, se défendant.
Hé?...
 
ADRIENNE.
Si je vous offense en disant cela, je vous demande pardon... je le dis parce que c'est la pure vérité...

BRIQUEVILLE.
Vraiment, Adrienne... pendant ces quinze jours que nous venons de passer l'un près de l'autre, vous étiez arrivée à avoir pour moi un peu d'affection?...

ADRIENNE.
Un peu d'affection?...  

BRIQUEVILLE.
Oui…
 
ADRIENNE.
Je crois bien, que j'étais arrivée à avoir!... à ce point qu'on eût dit que cette affection avait commencé bien avant le moment où je vous ai vu… et que, depuis longtemps déjà, quelqu'un m'avait habituée à vous aimer... C'est pour cela que je suis triste et que j'ai presque envie de pleurer... J'avais fini par oublier que, d'un moment à l'autre, je serais forcée de partir... quand on se trouve bien quelque part, vous savez... il me semblait que cela devait durer toujours et que notre existence, à tous les deux, continuerait à s'écouler ainsi... (Elle se rapproche de la table.) vous dans votre fauteuil et moi à côté de vous, regardant si rien ne vous manquait... (Avec émotion.) et vous lisant les romans d'Alexandre Dumas...

BRIQUEVILLE, également très ému.
Les Trois Mousquetaires

ADRIENNE, même jeu.
Après celui-là, je vous en aurais lu un autre... il y en a encore beaucoup!
 
BRIQUEVILLE, même jeu.
Énormément!
 
ADRIENNE, même jeu.
Je comptais vous les lire tous, et recommencer quand j'aurais eu fini. Mais pas du tout... au lieu de cela... une lettre est venue, on m'attend, et il faut...

BRIQUEVILLE.
Ah!…
 
ADRIENNE.
Ah!…  



 

 

 

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