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El conde de Monte-Cristo
Ce document est une pièce exceptionnelle: très probablement la première bande dessinée tirée du Comte de Monte-Cristo. Ou plutôt « quasi bande dessinée ». Ce résumé du roman en une page juxtaposant multiples petites images et textes rimés appartient à la tradition espagnole des « aleluyas ». Apparus dès le XVIème siècle, ceux-ci ont précédé la bande dessinée de longue date, tout en l’annonçant d’une certaine façon. Cette adaptation du roman de Dumas suit la règle fondamentale des aleluyas: traiter son sujet sur une page grand format (très proche du A3) sous forme de 48 petites images surmontant chacune deux vers de huit syllabes. On remarquera que la première partie de Monte-Cristo, jusqu’à la découverte du trésor, occupe les vingt-cinq premières images et suit assez fidèlement les grandes lignes du récit. La vengeance de Monte-Cristo, qui représente de loin le plus gros du roman, est traitée en vingt-trois images - de quoi rendre l’intrigue à peu près incompréhensible. Les vers sont d’une naïveté touchante et les dessins, des gravures sur bois, pleins de finesse et de charme. L’exemplaire reproduit ici n’est pas daté. Les aleluyas ont été imprimés et réimprimés de multiples fois. D’autres exemplaires du Conde de Monte-Cristo sont datés, la date la plus ancienne mentionnée étant 1857. Le roman de Dumas ayant été publié en 1844 et 1845, cette version imagée aurait donc été réalisée quelques années seulement après la sortie du livre. Les aleluyas, qui ne sont pas sans rappeler les images d’Epinal françaises, appartiennent donc à une tradition espagnole très ancienne - même si leur origine est paraît-il française et religieuse. L’écrivain espagnol Javier La Orden, auteur par ailleurs de l’excellent roman El invierno del mosquetero, rappelle l’explication du Diccionario de la Real Academia Española sur l’origine religieuse des aleluyas: « Le Samedi Saint, lorsqu’on chantait l’alléluia, le prêtre jetait aux fidèles des images avec le mot ‘aleluya’. On a ensuite appelé aussi comme ça les images pieuses qu’on jetait au passage des processions religieuses. Et finalement, on a donné ce nom à chacune des images qui formaient une histoire suivie, non nécessairement religieuse, comme celle de ‘Monte-Cristo’, explique-t-il. On parle donc d’aleluyas au pluriel (Las aleluyas del conde de Montecristo), car chaque image est censée être un aleluya ». Les sujets traités sous forme d’aleluyas peuvent être très variés: vie des saints ou de personnages célèbres, histoire, géographie, description des habitants des différents pays du monde, etc. La transposition d’un roman, comme dans le cas de Monte-Cristo, est en revanche beaucoup moins fréquente. Notons enfin que la pratique des aleluyas n’a pas disparu: des artistes contemporains en réalisent encore. On peut trouver une présentation générale de cette tradition, ainsi que l’imposante collection de la Fondation Joaquín Díaz, sur le site de la Biblioteca virtual Miguel de Cervantes. Merci à Didier Quemerais de m’avoir
signalé l’existence de ces aleluyas et à Javier La Orden
de m’en avoir procuré un exemplaire.
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