Vendetta Or, the Story of One Forgotten
Marie Corelli
446 pages 1886 - Royaume-Uni Roman
Intérêt: *
Vendetta constitue un exemple typique de roman qui
s’inspire très fortement du Comte de Monte-Cristo
tout en en différant sur des points importants. Il ne
s’agit donc ni d’un plagiat direct, ni d’un hommage, ni
d’une parodie, mais d’un livre pour l’écriture duquel
l’auteure a largement puisé chez Dumas. L’auteure en
question, qui utilisait le nom de plume Marie Corelli,
était en fait la Britannique Marie McKay (1855-1924),
écrivain très célèbre à la fin du XIXème siècle.
Vendetta raconte
l’histoire du comte Fabio Romani, membre d’une grande
famille de Naples. Riche, il mène une vie parfaitement
heureuse, entouré de son épouse Nina, jeune femme d’une
exceptionnelle beauté qui lui a donné une fille, et de son
ami de toujours, Guido Ferrari. Cette vie idyllique
bascule brutalement du fait de l’épidémie de choléra qui
ravage Naples en 1884. Fabio est frappé par la maladie.
Dans la panique qui règne alors, il est enterré dans le
caveau familial sans que personne ne se rende compte qu’il
est en fait encore vivant. Quand il reprend conscience, il
vit des heures terribles. Terrorisé, affaibli par la
maladie, il lui faut comprendre ce qu’il lui arrive,
lutter pour sortir de son cercueil, trouver le moyen de
sortir ensuite du caveau. Pendant cette épreuve, il fait
une découverte inattendue: la présence d’un gigantesque
trésor caché dans le caveau familial (trésor qu’il
identifiera comme constitué par le butin accumulé d’une
bande de brigands de la région). Toutes ces épreuves l’ont
profondément affecté: ses cheveux ont blanchi d’un seul
coup, ses traits se sont creusés.
Enfin sorti, il se dirige la nuit suivante vers son petit
palais, tout heureux à l’idée de retrouver son épouse, sa
fille et son ami. Mais en traversant le parc, il surprend
une conversation entre Nina et Guido: bien loin d’être
désespérés par la mort de Fabio, ils sont dans les bras
l’un de l’autre et se réjouissent d’être enfin débarrassés
de lui et de pouvoir vivre ouvertement la relation
amoureuse qu’ils menaient en cachette depuis longtemps.
Totalement effondré, Fabio décide de se venger. Il ne fait
connaître à personne sa « résurrection » et
s’éloigne quelques semaines, le temps de se bâtir une
nouvelle identité. Il devient alors le comte Cesare Oliva
qui vient s’installer à Naples où il éblouit la
bonne société avec son train de vie fastueux (grâce au
trésor trouvé dans la tombe, bien sûr).
Suivant méthodiquement un plan minutieusement élaboré, il
devient le meilleur ami de Guido (de nouveau) et
s’introduit dans l’intimité de Nina, son épouse. Ce qui
lui permet de fréquenter sans cesse, en tant qu’invité, sa
propre maison, de voir sa fille et tous ses domestiques.
Mais personne ne le reconnaît parce que: 1/ ses cheveux
ont blanchi et 2/ il porte des lunettes noires (sic). Tout
au plus, de temps en temps, quelqu’un fait la remarque
qu’il ressemble un petit peu au comte disparu, sans que
cela aille plus loin.
Petit à petit, il séduit Nina: la perfide épouse s’est
déjà lassée de son amant Guido et convoite la fortune
apparemment illimitée du nouveau venu. Quand Nina et le
mystérieux Cesare Oliva annoncent leur intention de se
marier, Guido Ferrari devient quasiment fou. Il provoque
Fabio/Cesare en duel et se fait tuer par ce dernier qui se
fait reconnaître au dernier moment (voir extrait
ci-dessous).
Fabio organise alors un mariage somptueux avec Nina (qu’il
épouse donc pour la deuxième fois). Le soir même de la
noce, il entraîne la jeune femme dans le caveau mortuaire
et se fait reconnaître. Elle devient folle et meurt
écrasée par une chute de pierres. Fabio disparaît pour
toujours en s’exilant en Amérique du Sud.
Comme on le voit, de nombreux éléments de cette intrigue
viennent tout droit de Monte-Cristo: le jeune
homme parfaitement heureux qui bascule brutalement dans le
malheur, la trahison de proches, la fortune découverte à
point nommé, le retour sous forme de nabab qui fait la
conquête de la ville entière, la vengeance élaborée
méthodiquement, la chute successive de ses ennemis (deux
en l’occurence) accompagnée de la révélation à la dernière
minute de son identité, la disparition pure et simple à la
fin de l’intrigue… On peut ajouter que Fabio entreprend
comme Edmond Dantès de récompenser quelques
« bons » personnages qu’il croise dans son
aventure.
A l’inverse, les différences sont également importantes.
La trahison dont le héros est victime ne ressemble pas du
tout à celle du roman de Dumas. Personne n’a organisé sa
mort apparente, la traîtresse principale est sa propre
épouse - comme si Mercédès avait été l’instigatrice de la
dénonciation de Dantès! On ne trouve dans Vendetta
ni abbé Faria ni transformation du héros en surhomme. La
trame temporelle est considérablement raccourcie puisque
tout le roman se déroule en quelques mois. La vengeance se
veut raffinée et taillée sur mesure pour chacun des
protagonistes comme dans Monte-Cristo, mais se
révèle tout de même beaucoup plus simple.
Au-delà du jeu des ressemblances/différences entre les
deux livres, Vendetta se présente comme un pur
mélo typique de la fin du XIXème siècle. L’action est bien
menée (si l’on accepte le postulat selon lequel personne
ne reconnaît Fabio!), le livre est bien écrit. Il souffre
toutefois de longueurs et de nombreuses répétitions. Dans
un esprit typique de l’époque, Fabio, qui raconte son
histoire à la première personne, livre encore et encore de
longs monologues consacrés à dénoncer la perfidie
féminine, à déplorer le fait que le divorce soit désormais
considéré comme une solution acceptable en cas
d’infidélité de l’épouse (au lieu d’un meurtre d’honneur
de celle-ci, évidemment), etc. De nombreuses redites,
donc, dans un roman qui a beaucoup vieilli.
Merci à Robert Plunkett de m’avoir
signalé ce roman.
Extrait du chapitre 25
At that moment a deep anguished sigh parted the lips of
the dying man (Guido Ferrari). Sense and speculation
returned to those glaring eyes so awfully upturned. He
looked upon us all doubtfully one after the other - till
finally his gaze rested upon me. Then he grew strangely
excited - his lips moved - he eagerly tried to speak. The
doctor, watchful of his movements, poured brandy between
his teeth. The cordial gave him momentary strength - he
raised himself by a supreme effort.
"Let me speak," he gasped faintly, "to HIM!" And he
pointed to me - then he continued to mutter like a man in
a dream - "to him - alone - alone! - to him alone!"
The others, slightly awed by his manner, drew aside out of
eat-shot, and I advanced and knelt beside him, stooping my
face between his and the morning sky. His wild eyes met
mine with a piteous beseeching terror.
"In God's name," he whispered, thickly, "WHO ARE YOU?"
"You know me, Guido!" I answered, steadily. "I am Fabio
Romani, whom you once called friend! I am he whose wife
you stole! - whose name you slandered! - whose honor you
despised!
Ah! look at me well! your own heart tells you who I am!"
He uttered a low moan and raised his hand with a feeble
gesture.
"Fabio? Fabio?" he gasped. "He died - I saw him in his
coffin!"
I leaned more closely over him. "I was BURIED ALIVE," I
said with thrilling distinctness. "Understand me, Guido -
buried alive! I escaped - no matter how. I came home - to
learn your treachery and my own dishonor! Shall I tell you
more?"
A terrible shudder shook his frame - his head moved
restlessly to and fro, the sweat stood in large drops upon
his forehead. With my own handkerchief I wiped his lips
and brow tenderly - my nerves were strung up to an almost
brittle tension - I smiled as a woman smiles when on the
verge of hysterical weeping.
"You know the avenue," I said, "the dear old avenue, where
the nightingales sing? I saw you there, Guido - with HER!
- on the very night of my return from death - SHE was in
your arms - you kissed her - you spoke of me - you toyed
with the necklace on her white breast!"
He writhed under my gaze with a strong convulsive
movement.
"Tell me - quick!" he gasped. "Does - SHE - know you?"
"Not yet!" I answered, slowly. "But soon she will - when I
have married her!"
A look of bitter anguish filled his straining eyes. "Oh,
God, God!" he exclaimed with a groan like that of a wild
beast in pain. "This is horrible, too horrible! Spare me -
spare -" A rush of blood choked his utterance. His
breathing grew fainter and fainter; the livid hue of
approaching dissolution spread itself gradually over his
countenance. Staring wildly at me, he groped with his
hands as though he searched for some lost thing. I took
one of those feebly wandering hands within my own, and
held it closely clasped.
"You know the rest," I said gently; "you understand my
vengeance! But it is all over, Guido - all over, now! She
has played us both false. May God forgive you as I do!"
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