A suivre, ou l'odeur de la bataille
Suites et pastiches de Monte-Cristo en Russie, en Europe
de l'Est et en Italie
par Gennady Ulman*
Evening prayers at home in cozy nooks
Days without a book were constantly bore,
Never being in the battle, we fought in the
books,
And we suffered from trifles taking them for the
war
Hair stuck to the temples and sweaty
forehead
Turning pages seemed to be done by the Gods,
And the smell of the battle called the readers
ahead
Draining energy out of our guts.
Vladimir Vyssotsky
Ballad about the Battle
(lire la version
originale en anglais de cet article)
A lire également: les
suites des Mousquetaires dans les pays de l'Est
Il y a eu une époque où bien des gens en Russie étaient
absolument persuadés qu'Alexandre Dumas était russe et,
bien sûr, que d'Artagnan ne parlait que le russe. Ce
n'étaient pas des gens très instruits, mais même ceux
qui savaient à peine lire lisaient Les Trois
Mousquetaires. En fait, Dumas eût-il été
effectivement russe, il n'aurait pas été davantage aimé
et célébré qu'il ne l'était déjà. Après sa visite dans
le pays, cet amour se transforma en adoration. Bien sûr,
il commit de nombreuses erreurs dans ses récits de
voyage en Russie, mais qui s'en souvient aujourd'hui?
Magicien dans son pays d'origine, il fut magicien
partout.
Personne ne veut se séparer de ses héros, personne ne
veut dire «Adieu!». Les portraits de ce sorcier généreux
se trouvaient dans les écoles publiques, les universités
et les librairies. Le pouvoir soviétique, pourtant, ne
permit la publication que de quelques romans de Dumas,
comme Les Trois Mousquetaires et leurs
suites, La Reine Margot, Le comte de
Monte-Cristo et trois ou quatre autres.
L'immense oeuvre de Dumas était donc ainsi presque
complètement ignorée. Car le gouvernement soviétique ne
voulait pas distraire le peuple de sa tâche :
l'édification de la meilleure société du monde. Il n'y a
qu'au marché noir que l'on pouvait trouver les livres de
Dumas publiés avant la révolution par Petr Soykin. Ils
coûtaient une fortune et les lecteurs avides, comme moi,
économisaient de l'argent pendant des mois, voire des
années, pour se procurer un vieux volume, imprimé avec
un alphabet ancien, qu'ils rapportaient à la maison tout
frémissants d'impatience dans l'attente de ce régal pour
le coeur et l'esprit.
J'ai grandi dans les années suivant la Deuxième Guerre
Mondiale. L'amitié entre les hommes faisait partie des
grandes valeurs que l'on nous inculquait dès le plus
jeune âge. C'est peut-être pourquoi Les Trois
Mousquetaires marquaient davantage nos esprits
qu'un autre chef d'oeuvre, Le comte de Monte-Cristo,
dans lequel un individu solitaire atteint son but
quasiment sans aide de quiconque.
Un tel schéma est apparemment plus caractéristique des
pays occidentaux, où les gens sont élevés et entraînés
pour survivre seuls, sans s'appuyer sur les autres. En
outre, le thème du trésor n'était pas précisément
approuvé par les idéologues - une majorité de
Soviétiques étaient pauvres sans même s'en rendre
compte.
De nombreuses histoires exploitaient les grandes lignes
de l'intrigue des Trois Mousquetaires, et l'on
retrouve le thème du groupe de quatre amis dans
différentes livres et films des années 1930 jusqu'aux
années 1960. Cela dit, il n'y avait pas alors de
véritables pastiches. C'est un fait que j'attribue à
notre éducation et au manque de compréhension de ce qui
distingue un pur plagiat d'un pastiche ou d'une suite.
Il est plus difficile de savoir ce qui se passait à
l'époque en Europe de l'Est, car il était presque
impossible d'y voyager et l'on ne pouvait s'appuyer que
sur des livres qui, d'année en année, se raréfiaient.
Cela ne fait finalement que 10 à 15 ans que paraissent
en Russie des romans que l'on peut véritablement
considérer comme des pastiches et des suites de ceux de
Dumas. Dans l'article qui suit, j'essaierai de montrer
que d'Artagnan et ses amis, ainsi qu'Edmond Dantès, ont
trouvé une seconde vie en Russie et en Europe de l'Est,
comme dans bien d'autres pays.
La vie après la mort, ou Monte-Cristo en Russie
Cela peut sembler étrange, mais un certain nombre de
sources utilisées par Dumas pour écrire Le comte de
Monte-Cristo viennent de Kiev, la capitale de
l’Ukraine. Vers 1811, un diplomate français, le comte de
Lagarde, résidait à Kiev, l’Ukraine faisant alors partie
de l’Empire russe. Le comte avait des relations suivies
avec l’aristocratie locale, était reçu dans la résidence
du gouverneur de Kiev, Miloradovich, et tenait un
journal à propos de tout ce qu’il voyait et entendait.
Lagarde fréquentait aussi le prince Konstantinos
Ypsilanti, un Grec qui avait été le gospodar
(c’est-à-dire le dirigeant) de la Moldovie et de la
Valachie, et qui s’était réfugié à Kiev après la
répression d’émeutes anti-turques dirigées par son père,
Alexander Ypsilanti. Konstantinos avait longtemps vécu à
la cour du Sultan de Turquie et avait décrit à Lagarde
les intrigues de la cour, les empoisonnements des
invités avec du vin ou des sorbets…
Et c’est dans les mémoires du comte de Lagarde, qu’il
avait lues attentivement, que Dumas a trouvé nombre de
détails qui ont nourri le récit de la vie de
Monte-Cristo en Orient.
Plus intéressant encore, Ypsilanti a raconté comment il
s’était enfui d’une prison turque, ce que Dumas a
utilisé pour décrire l’évasion d’Edmond Dantès du
château d’If. La maison d’Ypsilanti est toujours là, à
Kiev, au 6 de la rue Mazeppa.
L'ultime vengeance
Vyacheslav Lebedev
1992
Le roman L'ultime vengeance porte la
signature d'Alexandre Dumas. Il a été publié en 1992 à
Sympheropol, en Ukraine. La dernière page indique le nom
de l'éditeur Soykin. Sur la page de titre est
indiqué le nom du traducteur, M. Ignatova. C'est
évidemment une supercherie, puisque le roman a été écrit
par un auteur russe très doué, Vyacheslav Lebedev
(1900-1979). Selon Mikhail Buianov, président de la
Société russe des amis de Dumas, un érudit très connu,
le roman a été publié à de nombreuses reprises depuis la
mort de son auteur.
L'ultime vengeance est une suite directe de
Monte-Cristo. Le livre raconte que le comte de
Monte-Cristo, accompagné de sa femme Haydée, vient dans
la capitale russe au printemps 1838 pour visiter les
lieux intéressants et découvrir la «mystérieuse âme
russe» qu'ils ne connaissent ni l'un ni l'autre.
Moscou enchante Edmond Dantès avec ses énormes cloches,
les dômes de ses églises couverts d'or véritable, la
nourriture étrange mais néanmoins délicieuse et, bien
sûr, les Russes eux-mêmes avec leurs sourires et leur
hospitalité.
Tout se passe bien, jusqu'à ce que, dans une petite
auberge, alors qu'on vient de lui demander son nom,
Edmond Dantès reçoive un grand coup en pleine figure,
assené par un Russe monumental.
Avec l'aide de témoins, Edmond en arrive à comprendre
que l'origine de cet incident tient à son propre nom -
Dantès. La raison en est la suivante : un an plus
tôt, le grand poète russe Alexandre Pouchkine a été tué
dans un duel avec un officier français, Georges Dantès.
Pouchkine avait reçu de nombreuses lettres anonymes
affirmant que sa femme, une beauté très connue nommée
Natalia Gontcharova, avait une liaison avec ce Georges
Dantès. Mieux encore, pour être plus proche de Natalia,
il avait épousé sa soeur Catherine, qu'il n'avait jamais
aimée.
Pouchkine, poète de génie, avait très mauvais
caractère. Que ces rumeurs soient fondées ou pas (cela
demeure un mystère aujourd'hui encore), il provoqua son
parent en duel. Le combat eut lieu en janvier 1837 à
Saint-Pétersbourg. Le poète fut tué d'une balle dans
l'estomac. Ce duel horrifia des millions de gens qui
aimaient les poèmes de Pouchkine et qui pensèrent que
l'étranger s'en était pris à l'essence même de l'âme
russe.
C'est ainsi qu'en entendant le nom de Dantès, le Russe
de l'auberge avait voulu manifester son mépris envers le
Français en le frappant.
Edmond Dantès ne parle pas le russe et ne connaît pas
la poésie de Pouchkine mais, après une examen approfondi
de l'affaire, durant lequel il interroge de nombreuses
personnes, il décide de venger le poète défunt. Pourquoi
cela? Parce qu'il pense qu'il est possible que Georges
Dantès soit, par hasard, un parent éloigné, parce qu'il
croit qu'il est très douloureux d'être un mari trompé,
parce qu'il estime que Georges n'a pas eu de pitié pour
la fierté du peuple russe et, finalement, parce qu'il ne
veut pas avoir d'assassin dans sa famille. Il considère
que Pouchkine avait raison de défendre l'honneur de sa
femme et de son propre nom. Haydée, qui commence à
parler russe avec l'aide des nouveaux amis qu'elle se
faits dans le pays, lui lit des oeuvres du poète et lui
explique qu'elles sont merveilleuses. Edmond Dantès
rencontre Natalia Gontcharova, la veuve de Pouchkine, et
s'en trouve plus décidé que jamais à faire justice.
A son retour en France, il rencontre Georges-Charles
Dantès. Celui-ci est un beau jeune homme, mais le comte
de Monte-Cristo ne se laisse pas prendre aux apparences.
Il perçoit sa mauvaise nature et lui fait une
proposition. Tous deux portent le même nom, dont
Monte-Cristo veut laver l'honneur, d'autant que leurs
ancêtres communs sont réputés descendre du poète italien
Dante. Lui, Monte-Cristo, est donc prêt à donner à
Georges-Charles l'énorme somme de 50 millions de francs
s'il consent à disparaître et à s'abstenir désormais de
toute activité politique, de tout duel et plus
généralement de tout ce qui pourrait faire parler de
lui. Après la mort de Monte-Cristo, la somme sera
doublée.
Georges-Charles est déchiré. Il ne veut pas devenir un
simple pantin et il est pressé par son ambition. Il
refuse donc, mais le démon de la convoitise est à
l'oeuvre...
Monte-Cristo se rend dans son île bien-aimée avec
Haydée. Ils ont deux enfants, dont un garçon nommé
Alexandre (en hommage à Pouchkine ? à
Dumas ?).
De voyage à Paris, Monte-Cristo fait la connaissance de
Victor Hugo. Celui-ci est séduit par le comte et lui dit
qu'il était jusque là persuadé que Monte-Cristo était un
personnage issu de l'imagination de son vieil ami Dumas.
Le comte ne veut pas prendre parti dans les batailles
politiques du moment, mais il décide pourtant d'accorder
un soutien financier à Louis-Napoléon, le futur Napoléon
III. Car il apparaît que Georges-Charles est l'un des
plus ardents partisans de ce dernier et Monte-Cristo
propose à Louis-Napoléon de le financer si
Georges-Charles est écarté de toute activité politique.
Louis-Napoléon accepte. Humilié, Georges-Charles tire
sur Monte-Cristo mais, cette fois, rate sa cible. Il est
obligé de partir. Pouchkine est vengé.
Monte-Cristo fait lui aussi ses adieux à toutes ses
nouvelles connaissances parisiennes, qui l'ont déçu,
dont le célèbre Ferdinand de Lesseps, le constructeur du
canal de Suez. Lesseps est lui aussi sous l'influence de
Louis-Napoléon, qui, aux yeux de Monte-Cristo, est une
personnalité médiocre et mesquine.
Il se retire sur son île où, bientôt, arrive un nouvel
invité. C'est un véritable géant, tout le monde l'aime,
les deux enfants l'adorent, et le comte voit en lui la
seule personne avec qui il puisse parler d'égal à égal.
Le lecteur comprend, bien sûr, qu'il s'agit d'Alexandre
Dumas lui-même... Le comte lui raconte toute son
histoire. A la suite de quoi ils demeurent tous les deux
silencieux. Le petit garçon demande alors pourquoi tout
le monde ne peut pas vivre en paix comme sa famille sur
son île.
Mikhail Buianov, déjà cité, critique très vivement ce
livre, le considérant comme nationaliste et agressif. Je
ne suis pas du tout d'accord. Bien au contraire,
j'estime qu'il s'agit de l'une des plus habiles suites
du Comte de Monte-Cristo, bien écrite de
surcroît. Le livre n'a pas, bien sûr, la profondeur
psychologique de Dumas, et traite un peu trop librement
les personnages historiques. Mais il se lit très bien et
avec beaucoup d'intérêt.
La colonie pénitentiaire
Valentin Pikul
1986
Le roman historique est depuis toujours très apprécié
en Russie. Jusqu'au début des années 1990, il était
impossible de voyager et de voir avec ses propres yeux
les lieux historiques que l'on avait étudiés à l'école.
Voir les pyramides d'Egypte ? Impossible !
Visiter les lieux où d'Artagnan avait vécu ?
Impossible ! Sauf, bien sûr, pour les hauts
fonctionnaires et, parfois, des travailleurs ordinaires,
qui devaient rester en groupe, de façon à mieux résister
aux séductions du monde capitaliste.
L'histoire même de la Russie était soigneusement
conservée sous clé et ce qui en était visible était
déformé pour se conformer à la mythologie des
dirigeants. Fort peu d'auteurs étaient admis dans le
saint des saints - les archives du Parti et du
gouvernement. N'y avaient accès que ceux en qui l'on
avait pleine confiance. Valentin Pikul était de ceux-là.
Ayant commencé dans la vie comme marin, il se
reconvertit plus tard pour devenir écrivain
professionnel. Il écrivit de nombreux romans traitant de
l'histoire de la Russie. Ses livres sont un peu verbeux,
tous les lecteurs n'apprécient pas son style de
narration, mais il a un vrai talent pour évoquer les
questions historiques les plus intéressantes.
Celui de ses romans qui nous intéresse ici s'appelle La
colonie pénitentiaire (Katorga en russe). Ce
n'est pas un pastiche du Comte de Monte-Cristo,
mais plutôt un hommage au héros de Dumas.
L'action du roman se passe au début des années 1900, au
moment de la tristement célèbre guerre entre le Japon et
la Russie, perdue par cette dernière. Le personnage
principal, le mystérieux Polynov, dont le sombre passé
n'est connu de personne, sert de porte-gâchette dans les
gangs de Josek Pilsudsky, le futur dictateur polonais.
La Pologne veut obtenir l'indépendance de la Russie.
Polynov est utilisé notamment en tant qu'habile perceur
de coffres-forts, l'argent ainsi volé étant censé servir
la cause de l'indépendance.
Un jour, alors qu'ils sont en train de cambrioler une
banque, les gangsters tombent dans une embuscade.
Pendant que ses camarades se battent, Polynov ouvre le
coffre et, sans les attendre, disparaît avec l'énorme
butin qui s'y trouvait. Fous de rage, ses anciens
compagnons, dont un certain Gloger, condamnent Polynov à
mort.
L'action se déplace ensuite à Monte-Carlo, où le
lecteur retrouve Polynov en train de jouer à la roulette
en misant sur le très improbable numéro 36. Il gagne
mais juste à ce moment-là, il est arrêté par la police
pour une série de vols dans différents pays. Finalement,
après avoir été battu, il est envoyé en Russie. Interpol
n'existait pas à cette époque, mais les polices
collaboraient malgré tout...
Après diverses péripéties, Polynov est envoyé dans le
pire endroit possible : la colonie pénitentiaire de
Sakhaline. Un climat horrible, des myriades d'insectes
et de moustiques, la faim, des brutalités constantes
font de la vie des prisonniers un cauchemar. Polynov
réussit cependant à s'adapter. Lié avec les brigands les
plus hauts placés dans la hiérarchie de la prison, il
choisit avec leur aide un moins que rien - un
séminariste qui a tué un prêtre avec la femme duquel il
avait une liaison.
Polynov s'arrange pour que cet homme prenne son nom.
Personne ne surveille la liste des prisonniers, personne
ne se souvient de leur visage. Du coup, notre héros n'a
plus que quatre années à passer en prison.
Il rencontre Gloger qui veut mettre à exécution le
verdict de mort à son encontre mais Polynov se révèle le
plus habile au maniement des armes. Il évite cependant
de tuer Gloger et lui explique que Pilsudsky est un
traître à sa patrie. Même si lui, Polynov, n'approuve
pas le comportement de la Russie envers la Pologne,
Pilsudsky est nuisible pour les deux pays. Polynov
affirme que s'il a pris tout l'argent de la banque, il
en a dépensé une bonne moitié au profit de la véritable
indépendance de la Pologne. Mais Gloger ne veut pas
entendre ses arguments. Il regrette de ne pas avoir tué
Polynov.
Ce dernier achète alors une jeune fille à sa mère.
Cette dernière est désespérée, et affirme qu'elle n'a
pas d'autre solution, que sinon la petite mourra de
faim. Polynov emmène la fille dans sa cabane et lui
apprend tout ce qu'il sait sur la vie, l'histoire, la
géographie, la littérature. Il se trouve que Polynov est
très instruit et parle même dix langues européennes sans
accent.
A ce moment, les Japonais attaquent Sakhaline et
transforment l'île en une colonie japonaise nommée
Karafuto. Les prisonniers s'enfuient. Polynov fait
apprendre à la fille le numéro de son compte en banque à
Monte-Carlo, au cas où il serait tué. Il appelle la
fille Anita, même si ce n'est pas son vrai nom. Mais ce
nom lui rappelle des pays lointains et des rêves
inassouvis. Pendant leur fuite vers le continent,
Polynov tombe de nouveau sur Gloger qui le dénonce aux
Japonais en tant qu'espion russe. Polynov est tellement
las qu'il en arriverait à souhaiter la mort. Mais il se
souvient de la fille qui l'attend... et qui l'aime.
Etant beaucoup plus intelligent que Gloger, il fait
croire aux officiers japonais que ce dernier est le
véritable espion. Gloger est décapité, et Polynov et
Anita atteignent finalement le continent. Se rendant à
Monte-Carlo, Polynov retourne dans le même casino, mise
de nouveau sur le 36 et fait sauter la banque.
Il devient le souverain de facto de plusieurs îles du
Pacifique, dont il fait un pays où il fait bon vivre et
où la pire punition qui puisse frapper l'un de ses
sujets est d'être condamné à l'exil.
Pendant la 2ème Guerre mondiale, Anita se rend chez le
consul russe en France et, en sanglotant, lui annonce
que son mari est mort. Avant son décès, il lui a demandé
de faire don à la Russie de plusieurs navires.
L'histoire s'achève ainsi.
Ce roman est en réalité l'histoire d'un Edmond Dantès
plus âgé, expérimenté et coupable. Un Edmond Dantès qui
joue lui-même le rôle de l'abbé Faria, et épouse Haydée
après l'avoir façonnée de ses propres mains.
Les sentiments du lecteur évoluent au fil du récit.
Après l'hostilité du début (quoi ? c'est un
cambrioleur ? il abandonne ses amis en gardant
tout ? en voilà un compagnon !) vient
l'étonnement, puis l'admiration quand le lecteur en
arrive à comprendre que Polynov est un héros positif et
non pas négatif. Complexe, coupable, mais néanmoins
positif. Le thème de la vengeance est un peu brouillé,
mais finalement, Polynov se venge de son ennemi Gloger.
Tous les caractères se retournent, dans ce roman :
les héros qui semblaient négatifs se révèlent être
positifs et vice-versa.
Le livre est certes très différent du Comte de
Monte-Cristo, dont il n'est ni une suite, ni un
pastiche. Et pourtant, les affinités avec les héros du
roman de Dumas sont incontestables. Polynov est à la
fois Monte-Cristo et l'abbé Faria. Anita évoque Haydée,
tandis que Gloger rappelle à la fois Villefort et
Morcerf. Et parmi les autres personnages du livre,
certains présentent les caractéristiques de Danglars et
Caderousse, même si c'est de façon plus lointaine.
En définitive, il nous semble donc avoir de bonnes
raisons de considérer La colonie pénitentiaire
comme un hommage au célèbre roman d'Alexandre Dumas.
L'espionne qui venait du Nord
Anton Leontyev
2004
Ce roman, publié à Moscou par l'éditeur Eksmo, pastiche
ouvertement Le comte de Monte-Cristo. Une
jeune fille russe, Tatiana Polesskaya, voyage avec sa
belle-mère pour rendre visite au père de
Tatiana, qui est ambassadeur dans la Principauté de
Bertran, située près de Monaco.
Tatiana n'aime pas sa belle-mère, qui a épousé son père
uniquement pour son argent et sa position sociale. La
belle-mère, Alla, est sûre de sa beauté, de sa séduction
et de sa supériorité sur la jeune fille. Ce qui ne
l'empêche pas de la détester. En arrivant à Bertran,
c'est Tatiana, et non pas Alla, qui monopolise
l'attention ; c'est à elle que le Prince réserve
ses attentions, et non pas à Alla. Celle-ci est folle de
jalousie. Elle convainc son mari, le père de Tatiana,
que sa fille doit s'en aller parce qu'elle perturbe
l'ambassade.
Tatiana ne veut pas partir. Elle qui était toujours
solitaire, se fait des amis. Parmi ceux-ci figure une
jeune femme, un peu plus âgée qu'elle, qui s'appelle
Liudmila et qui travaille à l'ambassade. Un autre ami
est l'assistant de son père, l'interprète Igor. Tatiana
en tombe amoureuse. Elle ne sait pas qu'Igor travaille
pour le KGB. Igor place dans les bagages de Tatiana un
microfilm avec les plans du dernier modèle de torpille
américaine que quelqu'un doit récupérer à Moscou.
Tatiana, désespérée, s'apprête à monter dans l'avion
quand le microfilm est trouvé. Elle ne comprend rien à
ce qui se passe, mais elle est arrêtée. Personne ne se
soucie vraiment d'elle, personne ne cherche à l'aider,
pas même son père qui, d'une part est impuissant et
d'autre part est de plus en plus sous l'influence
de sa femme qui hait sa belle-fille.
Tatiana passe en jugement. La procureur, qui comprend
parfaitement que la fille a été piégée, n'en demande pas
moins la plus forte condamnation possible - 17 ans.
Tatiana est emprisonnée sur une petite île. Elle se fait
quelques amis et plein d'ennemis. Mais Tatiana se
débrouille au milieu de toutes ces difficultés.
Une vieille femme, Louisa, est tellement attirée par la
gentillesse de Tatiana qu'elle en arrive à la considérer
comme sa fille. Après quelques années, Louisa meurt,
laissant à Tatiana, selon son expression, tous ses
trésors et une vieille Bible. Dans la Bible, Tatiana
trouve un bout de papier avec le numéro d'un compte en
banque qui appartenait au défunt mari de Louisa. Sur le
compte, il y a 27 millions de dollars.
Tatiana décide de s'échapper. Elle a déjà passé 13
années en prison. Une occasion se présente. Profitant de
l'inattention des gardes, Tatiana descend la falaise sur
laquelle est édifiée la prison, nage dans la mer un bon
moment avant d'être sauvée par un jeune et beau
yachtsman.
Au bout d'un certain temps, elle entre en possession de
sa fortune, qui se révèle très supérieure à 27 millions
de dollars. Elle prend le nom de comtesse Louisa del
Orsellini. Tatiana apprend que son père est mort. Toute
son énergie sera désormais consacrée à la vengeance.
Planifiant celle-ci soigneusement, elle entre en
contact avec les personnalités les plus importantes de
Bertran et de Russie. Elle apprend que c'est Igor qui
avait placé le microfilm dans ses bagages, que c'est
Liudmila qui l'avait dénoncée au gouvernement américain,
que la procureur aurait pu la faire libérer car elle
détenait toutes les preuves de l'innocence de Tatiana,
mais qu'elle ne l'avait pas fait par pure méchanceté.
Elle lance sa vengeance. Elle amène Igor à tuer Alla,
qui entre temps est devenue sa femme, et le livre à la
police. Elle amène Liudmila à tenter de la tuer et la
livre elle aussi à la police, en tant qu'agent des
services secrets américains. Elle organise également la
mort de la procureur dans des circonstances analogues à
celle de Caderousse dans Le comte de Monte-Cristo.
Elle embarque alors sur le yacht du jeune homme qui l'a
sauvée et part pour de bon en Amérique du Sud.
Comme on peut le voir clairement, ce roman est un
pastiche ouvert du Comte de Monte-Cristo, dans
une variante féminine. En outre, le titre renvoie au
roman de l'auteur britannique John Le Carré L'espion
qui venait du froid, tandis que les épisodes de
la vie de Tatiana en prison sont presque exactement
copiés du roman de Sidney Sheldon If
tomorrow comes (lui-même inspiré du Comte
de Monte-Cristo). La vieille Louisa joue en
partie le rôle de l'abbé Faria en léguant sa fortune à
Tatiana. Mais elle n'a pas de fonction éducative,
Tatiana ayant déjà reçu une éducation supérieure.
Malheureusement, le roman n'est pas bien écrit et la
psychologie des personnages demeure superficielle. Les
péripéties du roman sont extrêmement prévisibles, même
pour ceux qui n'auraient pas lu son célèbre modèle.
Il y a par ailleurs d'autres romans en Russie qui
traitent plus ou moins des thèmes de Monte-Cristo.
On peut ainsi citer la trilogie de Georgii Mironov Les
brigades russes, consacrée à la vie de gangsters.
Le personnage principal est leur trésorier qui, en
réalité, est un agent secret. Trahi et emprisonné, il
utilise pour s'échapper exactement le même procédé
qu'Edmond Dantès et se venge ensuite de ses ennemis.
La fin de Monte-Cristo
Rustem Vahitov
2006
Rustem Vahitov est l’auteur de La fin de
Monte-Cristo, texte publié en russe sur Internet.
La trame de l’histoire est très originale.
Un officier français, qui se révèle être Albert de
Herrera (le fils de Mercédès et du comte de Morcerf) se
rend dans un café d’Arabie pour y fumer du haschich. Le
propriétaire, quelque peu philosophe, lui raconte, tout
en le servant, qu’il a travaillé jadis pour le compte de
quelqu’un qui aimait beaucoup le haschich, le comte de
Monte-Cristo. Très intéressé, Albert lui demande ce que
ce dernier est devenu.
L’homme lui raconte alors que le comte est mort dans
des circonstances tragiques. Il s’étonne auprès d’Albert
de ce que les Parisiens n’aient pas compris quelque
chose qui était pourtant évident depuis le début: le
comte était fou. Edmond Dantès avait perdu la raison
pendant son séjour en prison.
Le comte de Monte-Cristo était donc fou de haine et,
après s’être vengé de ses principaux ennemis, sa haine
n’était pas retombée. Il lui fallait encore se
venger : des gardes du château d’If, des soldats
qui l’avaient escorté, et de bien d’autres.
Du coup, une fois son premier plan de vengeance mené à
bien, le comte ne s’était pas calmé. Et quant il en eut
fini avec tous les autres, il comprit soudain contre qui
il devait exercer sa vengeance finale. Qui avait été
assez naïf pour croire Villefort, qui avait été assez
stupide pour lui raconter toute son histoire? Qui
n’avait pas réfléchi deux secondes? La naïveté et
la stupidité ne sont-elles pas parfois véritablement
criminelles ?
Monte-Cristo décida donc de se venger de lui-même. Avec
une habileté diabolique, il échafauda un plan pour
pousser son propre entourage à porter le coup mortel.
Une fois mort, il était enfin complètement vengé…
Comme on peut le voir, le caractère de Monte-Cristo est
ici interprété de façon totalement différente de ce que
l’on voit habituellement, un peu à la façon de Karel
Capec détruisant les stéréotypes de nos idées
habituelles. On n’est pas forcé d’adhérer à cette
interprétation; mais elle démontre que l’intérêt porté
au personnage de Monte-Cristo est inépuisable.
Lire le texte
complet de cette nouvelle.
Le maître et Marguerite
Michael Bulgakov
1940
J’en suis arrivé à penser que le roman mondialement
célèbre de Bulgakov Le maître et Marguerite reprend les
grandes caractéristiques du Comte de Monte-Cristo
et constitue au moins en partie un hommage à Alexandre
Dumas. Même si je suis catégorique sur le fait que
Bulgakov ne pensait pas du tout à Monte-Cristo
en écrivant son livre. Mais comme l’a dit quelqu’un, une
fois écrit, un roman vit sa propre vie, indépendamment
de son auteur.
Voici mon raisonnement.
Le maître est un écrivain qui a écrit un roman sur
Jésus-Christ, reconstituant sa véritable vie et sa mort,
et lui rendant hommage avec amour. Mais le maître a
écrit ce livre dans un pays d’athéistes (l’URSS de
Staline) et s’est donc rendu coupable d’un crime. De
plus, un «ami» de cet écrivain génial et naïf le dénonce
aux autorités pour récupérer son petit appartement. Le
maître est donc arrêté par la police secrète et envoyé
dans un de ces hôpitaux psychiatriques dont on ne
ressort pas. Il est brisé et a perdu toute volonté de se
battre.
Sa Marguerite (Mercédès) ne sait pas où il est et ne
peut rien faire. Le maître n’a pas besoin d’un abbé
Faria, puisqu’il est déjà très éduqué. Mais comme nous
l’avons dit, il est incapable de lutter.
C’est alors que la Providence envoie un véritable
vengeur. Tout puissant, il s’appelle Voland et n’est
autre que le Diable lui-même. Il libère le maître et
donne à Marguerite la possibilité de venger l’homme
qu’elle aime. La vengeance de Marguerite n’étant pas
suffisante, Satan organise une vengeance digne de
l’esprit diabolique d’Edmond Dantès. Dans tout cela, le
Diable intervient en fait à la demande de Jésus, dont
l’attention a été attirée par le roman de l’écrivain.
Mais le Christ est incapable de commettre une mauvaise
action et s’en remet donc à Satan pour le faire à sa
place… Et le Diable s’amuse bien à jouer ainsi le rôle
de la providence. Le maître est finalement vengé. Il
mérite le repos et retrouve son amour, Marguerite.
Le roman de Bulgakov est complexe et comprend bien
d’autres éléments. Mais j’espère avoir étayé mon
opinion: Bulgakov, inconsciemment, a répété les grands
traits de l’intrigue de Monte-Cristo. Je ne
suis d’ailleurs pas le seul à le penser: la critique
littéraire russe Eugenia Hilkevich affirme, dans sa
monographie Le maître et Marguerite, une expérience
d’analyse littéraire, que Bulgakov a basé son
intrigue sur le roman de Dumas et apporte nombre de
preuves pour étayer cette affirmation**.
Série Le soigneur
1 Un voyage à Kresty
2 Une ruée vers la liberté
3 La revanche du voleur
B. K. Sedov
2001
Sedov est le nom de plume de deux écrivains
contemporains spécialisés dans la pègre russe. Les trois premières parties
de cette œuvre (il y en a beaucoup d’autres) sont basées
sur l’intrigue de Monte-Cristo. Un chirurgien
russe, Razin, est victime d’une machination et accusé
d’un meurtre. Il est jeté en prison.
Là, l’un des gangsters emprisonnés (Faria) écoute son
histoire et explique à Razin que les vrais meurtriers
sont sa femme et son frère. Razin subit bien des
épreuves en prison. Mais, avec l’aide des bandits
emprisonnés, sur qui il a pris un véritable ascendant,
il s’évade.
Devenu méconnaissable, extrêmement riche et puissant,
il obtient les preuves de la trahison et se venge des
deux personnes qui ont brisé sa vie. Mais, tout comme
pour Monte-Cristo, il lui faut payer pour sa vengeance.
A partir de là, sa vie sera intimement liée à celle de
la pègre.
Cruelle romance
1 Le prisonnier (440 pages)
2 Le vengeur (317 pages)
3 L’héritier (313 pages)
B.K. Sedov
2004
Il s’agit là d’une variante
féminine de Monte-Cristo. A 14 ans, Tamara, la fille
d’une homme d’affaires russe plutôt coriace, trouve ses
parents morts. Elle est adoptée par son oncle et sa
femme, un couple de bons à rien qui la traite avec
cruauté tout en gérant l’argent de son père.
L’oncle de Tamara tente en vain de la violer. Elle est
ensuite vendue à un homme dont elle tombe amoureuse et
qui la revend malgré tout. Elle finit par se retrouver
en prison. Elle sait déjà que ses parents adoptifs
étaient les meurtriers de ses vrais parents. En prison,
Tamara fait connaissance d’une vieille femme qui devient
son abbé Faria. Elle hérite d’une fortune, s’évade et se
venge.
Une douleur accrue
Grigoriy Vainer
400 pages
2003
Grigoriy Vainer est un auteur très connu, traduit dans
de nombreuses langues européennes. C’est le plus jeune
d’un duo de deux frères, Arkady et Grigoriy. Après le décès d’Arkady, Grigoriy
n’a plus écrit que deux romans. Le titre Une
douleur accrue est une citation paraphrasée de
l’Ecclésiaste: «beaucoup de sagesse, c’est beaucoup de
douleur».
Le roman constitue un double hommage, à la fois aux Trois
mousquetaires et à Monte-Cristo. Dans
les années 60, il y avait trois amis, «trois
mousquetaires», toujours prêts à se venir en aide les
uns aux autres. Ils s’étaient donné des surnoms
représentatifs de leur personnalité.
L’un, Aleksandr Serebrovsky, porté sur les affaires,
était surnommé «Chien retors». Il devint par la suite un
célèbre tycoon. Le deuxième, Ordyntsev, qui avait un
grand sens de l’amitié, était appelé «Cheval fidèle». Il
devint un officier supérieur chez Interpol. Le
troisième, Konstantin Boyko, appelé par ses amis «Chat
bagarreur», devint pour sa part champion de biathlon
(ski de fond et tir à la carabine) et expert en arts
martiaux.
Tous les trois se lancent dans les affaires, mais seul
«Chien retors» y rencontre le succès. Malhonnête avec
ses associés, il redoute «Chat bagarreur», ce dernier
étant de la vieille école, naïf et surtout honnête. Du
coup, Aleksandr l’attire dans un piège et le fait mettre
en prison, non pas en Russie, mais à l’autre bout du
monde. En outre, il séduit sa femme, qu’il aimait depuis
longtemps. Enfin, il lui vole tout son argent.
Malgré tout, Bokyo s’évade et revient à Moscou.
Serebrovsky, qui dispose de son propre service de
renseignement, est terrorisé. Ses hommes se révèlent
incapables de retrouver Bokyo, et le tycoon demande donc
à Ordyntsev de revenir de Paris où il travaille pour
Interpol. «Chien retors» espère que «Cheval fidèle»
empêchera «Chat bagarreur» de se venger. Ainsi, Les
trois mousquetaires se transforme en Comte
de Monte-Cristo. Bokyo réussit effectivement à se
venger et, comme le héros de Dumas, il y gagne un peu et
y perd beaucoup.
Le comte Krestovsky
Eugene Kostiuchenko, Aleksandr Aleinikov, Ramiz
Fataliev
384 pages
2005
Il s’agit de la version romanesque d’un feuilleton
télévisé en douze épisodes réalisé par Fataliev et
Aleinikov. Le héros du film et du roman est un garçon
simple, Elbrus Tamaev. Ayant reçu de son père une bonne
éducation, honnête, dévoué à son unique amour et à ses
amis, il est finalement trahi par ces derniers. Il perd
son amour et se retrouve enfermé à perpétuité dans une
prison turque.
Après de longues années d’épreuves, il rencontre son
abbé Faria, se libère, trouve un fabuleux trésor et
prend le nom de comte Krestovsky (en ruse, Krest
signifie Croix). Il revient en Russie et se venge de ses
ennemis. Mais il ne touche pas à son ancien amour, qui a
épousé son seul véritable ami, un homme qui est
d’ailleurs mortellement malade.
Le comte, puissant, riche et qui n’a pas été reconnu,
aide le couple à partir pour un coûteux hôpital à
l’étranger. Son ancien amour commence à se douter de
quelque chose, mais le comte préfère disparaître avant
d’avoir été reconnu.
Une pomme de Monte-Cristo
Daria Dontsova
2006
Daria Dontsova, l’une des femmes
écrivains les plus populaires de Russie, a utilisé le
thème de Monte-Cristo. Dans son histoire, une
femme se rend dans une agence de détective privé pour
raconter qu’elle a vu le fantôme de son fils décédé.
Elle meurt, et l’enquêteur se saisit de l’affaire.
Celle-ci cache en fait une sanglante vengeance
familiale. Mais l’intrigue n’a en fait pas grand-chose à
voir avec celle de Monte-Cristo. Pourquoi la
pomme? Parce que c’est avec une pomme que la pire guerre
de la mythologie grecque, la guerre de Troie, a
commencé.
L’immortalité de la folie
Anatoly Karpenko-Rusyi
Je n’ai pas lu ce livre et j’en parle à partir de ce
que j’ai vu dans un article de journal. L’auteur est un
acteur de télévision d’Odessa, en Ukraine. Il a écrit ce
roman à propos d’un Monte-Cristo d’Odessa. A en croire
l’article de journal, le roman est plein de sang, de
vengeance et de trésor, et serait très fidèle à
l’histoire de Dumas. Malheureusement, je ne sais rien de
plus.
Monte-Cristo en Europe de l'Est
Pologne - En 1890, l'écrivain
polonais Boleslaw Prus (Aleksandr Glowacki) a publié un roman, La Poupée,
qui est encore populaire aujourd'hui. Cette très grande
oeuvre de la littérature mondiale, réaliste et amère,
raconte comment Stanislaw Wokulski, qui appartient à la
classe des marchands, prend part aux combats
révolutionnaires des Polonais contre la Russie, revient
en Pologne et devient extrêmement riche.
Il tombe amoureux d'une «poupée», une fille arrogante
et pas très intelligente, appartenant à l'aristocratie.
Wokulski apparaît comme un génie, parle de nombreuses
langues a reçu une éducation impressionnante, plus
complète que celle de quiconque, et est doté d'une
volonté d'acier et du sens de la décision. De nombreuses
caractéristiques de ce personnage font penser au lecteur
que Wokulski est un hommage à Monte-Cristo.
Ses capacités, sa détermination à se venger de ceux qui
ont fait du mal - non pas à lui personnellement mais à
sa patrie - ses connaissances abondantes et variées, ses
talents dans de nombreux domaines, son aspect sont
dérivés de Monte-Cristo. En revanche, Wokulski tombe
amoureux d'une fille qui n'est pas digne de lui
et témoigne ainsi d'une faiblesse de caractère qui n'est
pas dans la personnalité du héros de Dumas. En
définitive, Wokulski prend conscience de sa vraie valeur
et disparaît, laissant derrière lui la fille et ses
admirateurs, peut-être pour réapparaître ensuite sous un
nouveau déguisement. C'est ainsi que se termine un roman
dont le héros constitue, selon moi, un hommage à Edmond
Dantès.
Hongrie - L'écrivain Ungvary Zsolt,
né à Budapest en 1968, est l'auteur du roman Le
Monte-Cristo hongrois ( Magyar Monte Cristo),
publié en 2000 à Budapest par l'éditeur Simon Laszlone.
Le livre a un sous-titre : Un roman
d'aventures. Le héros est un étudiant, Menessi
Csaba, qui participe à la révolution en Hongrie en 1956,
est trahi par ses trois amis et mis en prison. Il
s'échappe, fuit à l'étranger et revient méconnaissable,
puissant et riche, prêt à se venger non seulement de
ceux qui l'ont trahi, mais de tous ceux qui martyrisent
son pays.
République tchèque - L'écrivain,
journaliste et critique tchèque Vladimir Makura a publié
en 1993 à Prague le roman Citoyen Monte-Cristo
(Obcan Monte Cristo). C'est un récit policier amusant, une
histoire à la Monte-Cristo dans un cadre purement
familial. Le héros s'appelle Petr Lambda, il est versé
en littérature, travaille à l'université et tente de se
venger de sa femme infidèle, Hana.
Enfin, il serait intéressant de parler des oeuvres
poétiques qui mentionnent le nom de Monte-Cristo. Mais,
comme l'a dit jadis Hans Andersen, « c'est une
autre histoire ».
Monte-Cristo en Italie
Monte-Cristo est aussi populaire en Italie que dans les
autres pays.
Il conte del’isola Monte Cristo; ossia, il
marinajo e lo scienziato
Gustavo Bugamelli
1910
Cette pièce du célèbre acteur Gustavo Bugamelli a été
d’abord montée à Milan. Bugamelli y ajoute un certain
nombre de nouveaux personnages, y compris Caterina, une
servante qui avait aimé Edmond Dantès dans sa jeunesse,
plusieurs amis de sa jeunesse, etc. La pièce comprend un
angle nouveau, Dantès n’y étant pas seulement un vengeur
mais aussi un grand scientifique qui fait des
découvertes.
Il caso Montecristo
Enzo Russo
Editions Mondadori
369 pages
1976
Ce roman psychologique met en scène Gloria, une jeune
femme italienne qui est une industrielle plus ou moins
prospère. Elle est trahie et se retrouve en prison, où
elle est réduite au rang d’animal. Dans cette prison,
elle rencontre une vieille femme originaire de Sardaigne
qui l’aide à s’échapper. Elle retrouve sa liberté et la
fortune. Elle ne pardonne pas à ses ennemis et pense
beaucoup à la vendetta, sans la réaliser. La conclusion
est « ni vendetta, ni pardon ».
Il fantasma di Montecristo
Alberto Cavanna
Editions Mursia
150 pages
Cinq adolescents (deux filles et trois garçons) pris
dans la tempête sont entraînés sur l’île de
Monte-Cristo, qui est hantée par le fantôme d’Edmond
Dantès. Ils y retrouvent la trace de son trésor et
affrontent le mystère qui règne encore sur l’île. Ils
découvrent en fait un trésor datant de la Deuxième
guerre mondiale, avec l’aide de Dantès.
Montecristo : Uomo da abbattere
Stefano di Marino
Dario Massi est détective, mais son enquête est
maudite. Un haut prélat est assassiné par un tueur
psychopathe. C’est la première partie d’une trilogie
consacrée à un Monte-Cristo moderne.
Je veux signaler enfin des textes dont je ne connais
pas le contenu, pour qu’ils ne sombrent pas dans l’oubli
:
- I misteri del a’assedio di Parigi
(suite du Comte de Monte-Cristo)
Barbieri Ulisse
1871
- L’ultimo dei Montecristo
Gorra Oreste
1896
- The death of Monte Cristo
Gualtieri Luigi
pièce de théâtre
- Lo spettro di Monte Cristo
Anonyme
1871
New York, 2004-2009
*Gennady Ulman est né à Odessa, en
Ukraine, alors partie intégrante de l'URSS, en 1948.
Après des études d'anglais à l'Université, il a pratiqué
plusieurs métiers, dont ceux de traducteur,
d'interprète, de professeur d'anglais, etc... Emigré aux
Etats-Unis en 1990, il vit actuellement à New York, où
il enseigne la psychologie et l'anglais. Auteur de
nombreux articles pour des magazines russes et français,
il travaille à la rédaction d'une encyclopédie mondiale
des auteurs de romans d'aventure.
**Note de P. de J.: Je suis pour ma part
en désaccord complet avec cette théorie: s'il est
certain que le thème de la vengeance est central dans Le
maître et Marguerite, le simple fait que la
victime et le vengeur sont deux personnages distincts
suffit à en faire un livre complètement différent de
Monte-Cristo.
(Traduction: Patrick de Jacquelot)
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